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Accélérer à moins de 18 mois le vaccin contre le Covid-19 pourrait être risqué

Le professeur Manfred Green avertit qu'un vaccin conçu hâtivement pourrait provoquer des effets indésirables et réduire la confiance du public dans les vaccins

Un personnel hospitalier portant un masque et un équipement de protection montre un écouvillon, sorte de coton-tige pour prélever des échantillons buccaux, dans une structure d'urgence temporaire installée à l'extérieur de l'hôpital de Brescia, en Lombardie, le 13 mars 2020. (Miguel MEDINA / AFP)
Un personnel hospitalier portant un masque et un équipement de protection montre un écouvillon, sorte de coton-tige pour prélever des échantillons buccaux, dans une structure d'urgence temporaire installée à l'extérieur de l'hôpital de Brescia, en Lombardie, le 13 mars 2020. (Miguel MEDINA / AFP)

La mise au point d’un vaccin contre le Covid-19 devrait prendre plus de 18 mois, et tenter d’accélérer le processus pourrait être « très risqué », met en garde un ancien évaluateur de vaccins.

Manfred Green a déclaré au Times of Israël qu’il comprenait la pression du public pour un assouplissement des procédures de test, étant donné l’ampleur de la pandémie. Mais un vaccin mal testé pourrait avoir des « effets néfastes », a-t-il souligné.

Manfred Green, qui a effectué des tests de vaccins pour le ministère de la Santé israélien, explique : « Imaginez qu’un vaccin soit développé dans les prochains mois, et qu’il y ait une réaction indésirable sur 1 000 ou sur 10 000 [personnes]. Cela pourrait être très problématique si vous l’administrez à des millions d’individus ».

Il s’est exprimé dimanche, alors que la course au développement et au test d’un vaccin s’intensifie – au point de générer des frictions internationales. Les médias allemands ont rapporté que l’administration Trump avait proposé à la société allemande CureVac « de grosses sommes d’argent » en échange d’un accès exclusif à leur vaccin.

Des Israéliens portant un masque par crainte du coronavirus font la queue devant la poste centrale du centre ville de Jérusalem le 15 mars 2020 (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

En Israël, depuis que le ministère des Sciences a fait la une des journaux il y a deux semaines en déclarant que le vaccin d’un institut financé par l’État pourrait être disponible dans trois mois, la recherche suscite l’enthousiasme et bénéficie d’un large soutien en faveur de tests accélérés. Aux États-Unis, la FDA – l’agence de l’alimentation et du médicament – a fait savoir qu’elle était ouverte à l’accélération des processus standard.

« Lorsque nous répondons à une situation urgente de santé publique telle que le nouveau coronavirus, nous avons l’intention de faire preuve de souplesse réglementaire et de prendre en compte toutes les données pertinentes pour un certain type de vaccins », a ainsi déclaré la porte-parole de la FDA, Stephanie Caccomo, dans un communiqué.

Mais Manfred Green estime que pour qu’un vaccin soit sûr, il doit faire l’objet d’une longue période de vérification.

Il a souligné que les tests initiaux ne traitent même pas de l’efficacité du vaccin, mais vérifient simplement qu’il ne nuit pas aux gens.

Professeur Manfred Green (Autorisation)

« Vous ne voudriez pas administrer un vaccin à un grand nombre de personnes tant que vous n’êtes pas convaincu de son innocuité, il faut donc le tester sur un grand nombre de personnes pendant une longue période », explique-t-il. « Et ce même avant d’évaluer son efficacité. »

Il a déclaré qu’un vaccin contre le Covid-19 pouvait en fait prendre plus de temps que les autres vaccins. Sa logique est la suivante : si les nouveaux vaccins utilisent généralement une technologie établie de longue date, le coronavirus diffère des virus connus, et le vaccin nécessitera probablement une nouvelle technologie.

« Si c’est une nouvelle technologie, et pas seulement un nouveau vaccin, nous n’en savons pas grand-chose et nous devons nous renseigner à ce sujet. Cela nécessiterait des tests plus poussés », indique Manfred Green, directeur du programme international de maîtrise en santé publique de l’université de Haïfa, et précédemment chef de la direction de la santé publique de l’armée israélienne et directeur fondateur du Centre israélien de contrôle des maladies.

L’approbation prématurée d’un vaccin qui s’avère problématique aurait non seulement un coût pour la santé, mais aussi un impact sur la confiance dans les vaccins, souligne l’expert. Il a fait remarquer qu’en 1976, le gouvernement américain a lancé une vaste campagne de vaccination contre une menace de grippe attendue, mais l’a arrêtée lorsque le vaccin a été associé à un syndrome qui provoque la paralysie, l’arrêt respiratoire et la mort. « Les gens ont perdu confiance dans les vaccins à l’époque », rapporte Manfred Green.

A LIRE : Le ministère de la Défense dément une « percée » sur le vaccin contre le COVID-19

Green pense qu’en dehors des tests, le public et les chercheurs sous-estiment la complexité de la connaissance scientifique nécessaire à la mise au point d’un vaccin.

« Pour le public profane, cela semble être une panacée », commente-t-il. « Les gens savent que nous avons des vaccins, mais ne savent pas comment ils sont développés. Ils pensent qu’il s’agit d’aller dans un laboratoire et qu’un mois plus tard on a un vaccin, mais ce n’est pas le cas. C’est une vision naïve. »

La recherche sur les vaccins avance beaucoup plus lentement que la plupart des gens ne le pensent, précise-t-il, en observant que de nombreuses injections administrées aujourd’hui reposent sur des vaccins développés il y a plusieurs décennies. « Si vous regardez l’histoire des vaccins, nous n’avons pas vraiment vu un grand nombre de nouveaux vaccins arriver sur le marché très fréquemment », regrette-t-il. « Il y en a, mais ce n’est pas fréquent. »

Une chercheuse travaille en laboratoire à l’institut Migal dans une photo sans date publiée par l’institut de recherche. (Crédit : Lior Journo)

Il explique que lorsque de nouveaux vaccins sont développés, il y a « des processus longs et difficiles qui ne sont généralement pas sans embûches ». Souvent, le vaccin en cours de développement n’est pas encore suffisamment sûr ou efficace, « et il faut se remettre au travail pour essayer de l’améliorer ».

Chen Katz, de l’institut de recherche israélien Migal Galilee, financé par l’État, a déclaré la semaine dernière au Times of Israël qu’un vaccin pourrait être testé sur l’homme dans le délai de trois mois annoncé par le ministère des Sciences. La société de biotechnologie Moderna, basée à Boston, prévoit de commencer les essais sur l’homme pour son propre vaccin le mois prochain.

Interrogé sur les affirmations selon lesquelles une percée est imminente, Manfred Green répond : « Il y a beaucoup de sociétés et d’équipes de recherche qui font des recherches sur les vaccins depuis des années et elles doivent être optimistes, sinon elles ne seraient pas en activité ».

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