Aisman poursuivra la police « s’il le faut », une attaque indirecte contre Ben Gvir
Les accusations contre les manifestants et les policiers seront évaluées indépendamment ; le pouvoir discrétionnaire de la police doit être préservé
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Le procureur de l’État, Amit Aisman, a critiqué lundi indirectement le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, en insistant sur le fait que les propos tenus au « niveau ministériel » n’auront absolument aucune influence sur le processus de prise de décision concernant les poursuites à l’encontre des officiers de police.
S’exprimant lors de la conférence de l’Association du barreau israélien, Aisman a également rejeté les allégations selon lesquelles une application sélective de la loi était appliquée en faveur des manifestants anti-gouvernementaux, comparativement aux manifestations précédentes, et a affirmé que l’indépendance des organismes chargés de l’application de la loi devait être préservée afin de protéger les normes démocratiques.
À plusieurs reprises, Ben Gvir a soutenu directement et publiquement des incidents au cours desquels des policiers semblent avoir fait usage excessif de la force contre des manifestants qui protestaient contre le projet de réforme du système judiciaire proposé par le gouvernement.
Le ministre de la Sécurité nationale d’extrême droite, ainsi que d’autres ministres et députés, ont, a maintes reprises, accusé le bureau du procureur d’être trop indulgent à l’égard des manifestants qui auraient enfreint la loi pendant les manifestations, en soulignant le faible nombre d’actes d’accusation déposés depuis le début des manifestations.
Ben Gvir a répondu à Aisman en accusant le bureau du procureur d’avoir « un programme de gauche » et de ne pas appliquer la politique du gouvernement.
Dans son discours, Aisman a déclaré que la période actuelle était « peut-être la plus complexe et la plus difficile » à laquelle la police ait jamais été confrontée, et qu’elle devait faire face à des violations de la loi commises à la fois par des manifestants et par des policiers qui ont fait usage d’une force excessive lorsqu’ils se sont retrouvés face à ces manifestants.
« Le pouvoir discrétionnaire du bureau du procureur de l’État concernant la prise de décisions individuelles dans chaque dossier est indépendant et doit le rester ; il ne saurait être dicté par le gouvernement dans son ensemble, ni par aucun organe ministériel, quel qu’il soit », a déclaré Aisman.
« Les cas de policiers soupçonnés d’avoir commis des crimes dans l’exercice de leurs fonctions ont été et continueront d’être examinés au cas par cas, et la décision [de poursuivre ou non] sera basée sur les seules preuves », a insisté Aisman.
« Toute décision prise à cet égard ne sera en aucun cas influencée par des propos tenus au niveau ministériel qui soutiennent la conduite des policiers soupçonnés d’avoir commis des crimes violents (…) et qui critiquent la conduite du service d’enquête de la police, sans aucune connaissance des faits et des preuves dans cette affaire », a-t-il ajouté.
Tout en rejetant les accusations d’application sélective de la loi, Aisman a noté que les critiques du bureau du procureur de l’État, qui ont allégué qu’il n’avait pas émis suffisamment d’actes d’accusation contre les manifestants antigouvernementaux, ont établi ce qui, selon lui, était des comparaisons erronées entre le mouvement de protestation actuel et les mouvements antérieurs.
Les ministres et les députés de la coalition actuelle accusent régulièrement la police d’être biaisée contre les Israéliens de droite et ont comparé le grand nombre d’actes d’accusation déposés contre les opposants au désengagement de Gaza en 2005 au nombre relativement faible d’actes d’accusation déposés actuellement contre les opposants au projet de loi du gouvernement.
« Avec tout le respect que je leur dois, ces mesures ne sont pas pertinentes pour déterminer si une application sélective a eu lieu ou non. L’application sélective de la loi n’est pas un exercice de mathématiques ou de comptabilité », a souligné Aisman, ajoutant que « les événements se distinguent les uns des autres par leurs caractéristiques et leurs circonstances ».
Ben Gvir a réagi vivement aux commentaires d’Aisman, le critiquant pour « la tendance gauchiste qui s’est infiltré dans le bureau du procureur de l’État depuis des années ».
Il a accusé le parquet de ne pas appliquer la politique du gouvernement et de privilégier « sa propre politique, indépendante, qui consiste à ne pas soutenir les soldats et la police, et même à soutenir les anarchistes qui enfreignent la loi et rendent la vie difficile aux élus ».
Ben Gvir a conclu : « Bref, cher Amit, vous [et le parquet] êtes vraiment indépendants, vous faites ce que vous voulez, vous ne tenez pas compte du gouvernement qui a été élu dans les urnes par le peuple ».