Un regain d’affluence lors de la 22e semaine de manifestations anti-réforme
Des centaines de personnes ont bloqué l'autoroute principale de Tel Aviv après un rassemblement qui a attiré au moins 95 000 personnes ; Ben Gvir soutient les forces de l’ordre
Les manifestations hebdomadaires contre l’intention du gouvernement de réformer le système judiciaire ont connu une légère augmentation de la participation samedi soir par rapport à la semaine précédente. Les rassemblements ont été stimulés par un regain de colère contre la police pour la répression musclée d’une manifestation vendredi soir près de la résidence privée du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Césarée, et contre l’architecte principal de la réforme, le député Simcha Rothman, pour avoir violemment arraché un mégaphone à un manifestant qui le suivait lors d’une visite aux États-Unis.
Plusieurs médias israéliens ont estimé qu’entre 95 000 et 140 000 personnes ont participé au principal rassemblement rue Kaplan à Tel Aviv, ainsi qu’à des milliers d’autres dans quelque 150 endroits du pays, donnant ainsi le coup d’envoi de la 22e semaine consécutive de manifestations contre le plan gouvernemental, désormais suspendu. La semaine dernière, le rassemblement de Tel Aviv avait attiré environ 80 000 personnes.
De nombreuses manifestations, notamment à Tel Aviv, ont commencé par une commémoration silencieuse des trois soldats israéliens tués samedi matin lors d’une fusillade et d’affrontements à la frontière avec un policier égyptien, qui a, par la suite, été abattu. Les représentations artistiques à Tel Aviv ont été annulées en raison de cet attaque, qui faisait la Une des journaux samedi soir.
Lors du principal rassemblement rue Kaplan, les manifestants ont brandi une grande pancarte sur laquelle était écrit : « Les États-Unis boycottent Bibi et l’Iran se précipite vers une bombe [nucléaire] », en référence au fait que Washington a évité d’inviter officiellement le Premier ministre depuis sa prestation de serment, il y a six mois, en invoquant la réforme du système judiciaire qu’il a annoncée.
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Une fois les discours terminés, des centaines de personnes se sont dirigées vers l’autoroute Ayalon et ont brièvement bloqué la principale artère de la ville dans les deux sens, certains y allumant des torches.
La police a rapidement dégagé et rouvert la partie nord de l’autoroute, mais la partie sud est restée bloquée pendant plus d’une heure.
איילון דרום pic.twitter.com/A1G2wb1JrC
— אריאל. אריאב אריאל (@HotSteamIron) June 3, 2023
Le rassemblement principal a été précédé d’une marche allant de la place Habima vers la rue Kaplan, plusieurs manifestants portant des torches allumées.
Lors d’une marche séparée, du centre Dizengoff vers la rue Kaplan, organisée par le « bloc anti-occupation », des manifestants juifs et arabes ont brandi des drapeaux palestiniens et ont mis l’accent sur la domination militaire exercée depuis des dizaines d’années par Israël sur la Cisjordanie, affirmant que cette question devait faire partie intégrante des manifestations contre la réforme.
« L’objectif final du coup d’État est d’annexer les territoires occupés », a déclaré Rula Daood, co-directrice du groupe de protestation judéo-arabe Standing Together. « Il est impossible de séparer les luttes et de se battre pour la démocratie en Israël sans se battre pour mettre fin à la domination militaire sur les millions de Palestiniens qui vivent dans les territoires, qui dure depuis 56 ans. »
Des milliers de personnes ont manifesté à Haïfa, sous la houlette d’un groupe de jeunes, dans le but d’impliquer la jeune génération dans les manifestations hebdomadaires. Des milliers d’autres personnes se sont rassemblées près de la résidence officielle du président Isaac Herzog à Jérusalem, ainsi que dans de nombreux autres endroits.
Plusieurs pierres auraient été lancées lors d’un rassemblement à Hod HaSharon. Un manifestant, Uzi Dror, a déclaré au site d’information du quotidien Haaretz qu’il avait été légèrement touché dans le dos et qu’une femme se trouvant à proximité avait été touchée à la jambe. Dror a ajouté qu’il pensait que le lanceur ne le visait pas personnellement et a déclaré que les forces de police recherchaient les auteurs.
Des dizaines de personnes se sont rassemblées au même moment à New York, à l’extérieur d’une conférence à laquelle participait le ministre de la Diaspora, Amichaï Chikli.
Vendredi, 17 personnes ont été arrêtées et plusieurs ont été blessées lors de la manifestation de Césarée, que la police a qualifiée « d’illégale ». De son côté, le député Rothman a été filmé en train d’arracher un mégaphone à un manifestant lors de sa visite à New York.
« La direction des manifestations nationales condamne fermement les actes de violence effroyables qui ont été observés à Césarée et à New York la nuit dernière, affirmant que la violence institutionnalisée est une caractéristique essentielle des dictatures », ont déclaré les organisateurs dans un communiqué avant les manifestations de samedi soir. « Les scènes dont nous avons été témoins à Césarée la nuit dernière sont une véritable parodie de justice orchestrée par un régime dictatorial qui tente de faire taire les dissidents en recourant à la brutalité. »
Frères d’armes, un groupe de protestation de premier plan, a indiqué que Moshe Radman, qui s’était démarqué dans les rassemblements organisés en opposition au projet de réforme judiciaire du gouvernement Netanyahu, figurait parmi les personnes arrêtées vendredi. L’organisation a partagé sur les réseaux sociaux une courte vidéo qui semble montrer des policiers attaquer les protestataires, avec la photo d’une empreinte sanguinolente de main sur une voiture de police blanche qui, a-t-elle ajouté, était celle d’un homme ayant été arrêté.
אלימות משטרתית קשה כנגד משה רדמן @RadmanMoshe
קיסריה 02/06/23 pic.twitter.com/wDAd8jaARu— אלימות ישראל (@Alimut_Israel) June 2, 2023
Lors d’un rassemblement à Ramat HaSharon, le chef de l’opposition Yaïr Lapid a dénoncé les arrestations. « Nous n’accepterons pas la violence contre les patriotes israéliens qui sortent manifester. Nous ne pouvons pas accepter la vue du sang étalé sur les véhicules de police. Les violences policières contre les manifestants hier à Caesarea et Hadera sont graves et dangereuses. Elles doivent être examinées. Cela ne peut pas se reproduire. »
« Nous brandissons le drapeau contre un gouvernement extrémiste », a ajouté Lapid. « Ce drapeau appartient à tous ceux qui croient en un État juif et démocratique, national et libéral. »
S’adressant à des milliers de personnes à Karkur, dans le nord du pays, Uri Baran, le père du jeune manifestant de Césarée, Gidi Baran, qui a été arrêté vendredi soir et hospitalisé plus tard en raison de ses blessures, a déclaré à la foule : « Je suis ici pour transmettre un message de paix et de réconciliation en mon nom, au nom de Gidi et de tous ceux qui croient aux valeurs de liberté, de justice et d’égalité : nous n’avons pas peur. Nous continuerons à bloquer physiquement les tentatives du gouvernement destructeur de commettre un coup d’État ».
Samedi soir, plusieurs centaines de manifestants se sont à nouveau rassemblés près du domicile de Netanyahu à Césarée, scandant « Les policiers sont une honte » et « Nous n’abandonnerons pas », selon les médias israéliens. Un grand nombre de policiers étaient présents, y compris des officiers de la garde montée, mais les policiers ne sont pas intervenus lorsque les manifestants ont brièvement bloqué la route.
Dans une déclaration faite samedi soir, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a apporté son soutien aux officiers qui avaient arrêté les manifestants, déclarant au chef de la police Kobi Shabtaï qu’il devait y avoir « une tolérance zéro envers les agressions contre les officiers de police et l’anarchie ».
Les organisateurs de la manifestation ont réagi en qualifiant le politicien d’extrême-droite de « ministre de la violence et de l’incitation » et en affirmant « qu’un condamné pour terrorisme soutient les violences policières ». « Nous n’avons pas peur de vous, nous continuerons à manifester partout contre les partenaires de la tentative de coup d’État », ont-ils ajouté.
Lors du rassemblement à Césarée, Shikma Bressler, cheffe de fil de la manifestation, a également dénoncé l’incident de New York. « La violence de Rothman à l’égard d’un manifestant à New York montre que les dirigeants ont perdu leur capacité à gouverner avec des moyens légitimes et qu’ils utilisent donc la force exactement comme le font les régimes dictatoriaux. »
Des manifestants anti-gouvernement ont déposé plainte pour harcèlement contre le député du parti HaTzionout HaDatit Rothman tôt samedi, après qu’il a arraché avec force un mégaphone à l’un des manifestants lors de sa visite à New York. D’autres vidéos montrent des manifestants continuant à se battre avec Rothman et son service de sécurité alors qu’ils tentaient de récupérer le mégaphone. Au moins deux personnes ont été jetées au sol.
Les députés ont été pris pour cible à plusieurs reprises par les manifestants anti-réforme dans la ville, qui se sont principalement concentrés sur Rothman, le président de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice et l’un des principaux architectes de la réforme du système judiciaire.
https://twitter.com/amospickel/status/1664891703667335168
La poursuite des manifestations intervient une semaine après que Netanyahu a déclaré que le projet controversé de réformer le système judiciaire reviendrait à l’ordre du jour législatif après l’adoption du budget de l’État.
Le processus législatif sur la réforme judiciaire est gelée depuis la fin du mois de mars, lorsque Netanyahu a déclaré qu’il suspendait les projets pour permettre des discussions avec l’opposition sous les auspices du président Isaac Herzog, en vue de trouver un compromis largement accepté.
Mais les mois de négociations n’ont pas encore abouti, et la pression s’est accrue au sein de la coalition pour reprendre le processus législatif.
La semaine dernière, après l’adoption du budget de l’État, Netanyahu a déclaré que la réforme était « bien sûr » de nouveau à l’ordre du jour. « Nous poursuivrons bien sûr nos efforts pour parvenir à un large consensus, dans la mesure du possible, sur la question de la réforme judiciaire », avait-il toutefois ajouté.
Les opposants à la réforme qui critiquent les négociations estiment qu’elles permettent à la coalition de continuer à légiférer dans l’intervalle tout en cherchant à nuire au mouvement de protestation, tandis que les opposants de droite estiment qu’elles ne sont pas nécessaires car la coalition devrait exercer unilatéralement son poids législatif.
La pièce maîtresse de cette réforme est une loi qui donnerait aux coalitions gouvernementales un contrôle étendu sur l’écrasante majorité des nominations judiciaires en Israël, en donnant à la coalition une majorité intrinsèque au sein de la commission de sélection des juges.
Le projet de loi est sur le point d’être adopté et peut être soumis à un vote final en séance plénière de la Knesset à tout moment. Cependant, il est presque certain qu’une telle action conduira à une reprise de l’agitation publique intense, telle qu’on l’a vue pour la dernière fois avant que le processus législatif ne soit temporairement suspendu.
Michael Bachner a contribué à cet article.