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Allemagne : le fondateur de Pegida jugé pour avoir insulté les réfugiés

Lutz Bachmann, fondateur du groupe d'extrême-droite PEGIDA, affronte des accusations d'incitation à la haine raciale

Lutz Bachmann, fondateur du mouvement d'extrême-droite PEGIDA pendant un rassemblement à Dresdes, le 18 avril 2016. (Crédit : AFP/ROBERT MICHAEL)
Lutz Bachmann, fondateur du mouvement d'extrême-droite PEGIDA pendant un rassemblement à Dresdes, le 18 avril 2016. (Crédit : AFP/ROBERT MICHAEL)

Le procès du fondateur du mouvement islamophobe allemand Pegida, qui avait traité les réfugiés de « bétail », s’est ouvert mardi dans son fief de Dresde (est), dans un contexte de forte poussée de l’extrême droite au niveau national.

Déjà condamné pour braquages, violences et trafic de cocaïne, détenu 14 mois en Allemagne après s’être enfui en Afrique du Sud, Lutz Bachmann, 43 ans, encourt de trois mois à cinq ans de prison.

L’audience a débuté à 08H00 GMT pour ce procès, sous haute sécurité, étalé sur trois jours jusqu’au 10 mai.

Sourire aux lèvres, pantalon moutarde et lunettes sous forme de bandeau noir pour ironiquement masquer son visage face aux caméras, le fondateur de Pegida s’est présenté avec une centaine de partisans brandissant des panneaux « Merkel au tribunal » ou « Relaxe pour Lutz Bachmann ! », pendant que des contre-manifestants scandaient, à bonne distance: « Bachmann en prison ! ».

L’audience a commencé par la lecture de l’acte de renvoi, dans une salle pleine de journalistes et de sympathisants de Pegida qui occupaient toutes les places du public.

Rassemblement Pegida en Allemagne (Crédit : Capture d'écran YouTube/Euronews)
Rassemblement Pegida en Allemagne (Crédit : Capture d’écran YouTube/Euronews)

La justice reproche à Bachmann des propos postés en septembre 2014 sur sa page Facebook, décrivant les « réfugiés de guerre » comme du « bétail » ou de la « racaille », soit une « incitation à la haine » et une « atteinte à la dignité » aux yeux de l’accusation.

Grimé en Hitler

Lundi soir, lors du traditionnel rassemblement hebdomadaire de Pegida à Dresde, cet ancien cuisinier devenu patron d’une agence de communication n’a fait aucune allusion au procès mais a ironisé sur l’émoi suscité ces derniers jours en Allemagne par la menace de poursuites contre l’humoriste Jan Böhmermann, pour un poème traitant le président turc Recep Tayyip Erdogan de zoophile et de pédophile.

« Imaginez le tollé […] si ce poème était venu de moi ! On m’aurait arrêté directement devant la scène, placé en détention provisoire », et finalement « exécuté », a raillé Lutz Bachmann face à quelques milliers de manifestants venus réclamer l’expulsion des demandeurs d’asile et conspuer le gouvernement ainsi que la « presse mensongère ».

Les « Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident » (Pegida) avaient lancé leur mouvement à l’automne 2014 à Dresde, avec quelques centaines de personnes. Ils ont pris rapidement de l’ampleur avant de culminer après les attentats contre Charlie Hebdo, en janvier 2015.

Mais le mouvement, après avoir tenté d’essaimer dans toute l’Allemagne et chez ses voisins, avait subi un coup d’arrêt avec la publication par le journal Bild de photos de Bachmann grimé en Adolf Hitler puis l’implosion de sa direction, avec le départ des plus modérés.

Malgré un sursaut à l’automne dernier, porté par les inquiétudes suscitées par l’afflux des demandeurs d’asile en Allemagne, Pegida n’a pas renoué avec ses sommets et reste principalement cantonné à son berceau dans la capitale de l’Etat régional de Saxe, en ex-RDA.

Un axe Pegida-AfD ?

En quête de débouchés politiques, Pegida a multiplié les appels du pied au parti populiste « Alternative pour l’Allemagne » (AfD), entré mi-mars dans trois nouveaux parlements régionaux, et qui tient un discours plus ouvertement xénophobe en ex-RDA qu’à l’Ouest.

Les signes de proximité sont nombreux. La députée européenne de l’AfD Beatrix von Storch, originaire de Berlin, a créé la polémique dimanche en estimant que l’islam n’était « pas compatible » avec la Constitution allemande. Elle a été critiquée lundi tant au niveau national qu’européen, tandis que Pegida saluait « enfin un message clair ».

Frauke Petry, responsable du parti Alternative für Deutschland, à Aschaffenburg, le 25 janvier 2014. (Crédit : blu-news.org - CC BY-SA 2.0,  via WikiCommons)
Frauke Petry, responsable du parti Alternative für Deutschland, à Aschaffenburg, le 25 janvier 2014. (Crédit : blu-news.org – CC BY-SA 2.0, via WikiCommons)

En février, la présidente du parti Frauke Petry, venue elle aussi de Saxe, a suggéré que la police pouvait « en dernière instance » « avoir recours aux armes » pour protéger les frontières de l’afflux de migrants. Elle a aussi prôné le dialogue avec Lutz Bachmann.

Ces accointances sont toutefois contestées en interne. Le chef de file de l’AfD dans le Bade-Wurtemberg, région prospère du Sud-Ouest, refuse ainsi tout rapprochement avec Pegida et se distancie des positions les plus islamophobes de son parti qui seront débattues dans dix jours lors d’un congrès.

Avant la crise des réfugiés vivaient en Allemagne environ quatre millions de musulmans, majoritairement d’origine turque. En 2015, le pays a accueilli plus d’un million de demandeurs d’asile, principalement venus de pays musulmans.

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