« Alost ne doit pas noircir la réputation de la Belgique » – ambassadeur d’Israël
L'ambassadeur d'Israël à Bruxelles craint de voir resurgir "les clichés antisémites" qui ont valu à la manifestation d'être rayée du patrimoine immatériel de l'Unesco en décembre
À cinq jours du carnaval d’Alost, un des plus fréquentés de Belgique, l’ambassadeur d’Israël à Bruxelles craint de voir resurgir « les clichés antisémites » qui ont valu à la manifestation d’être rayée du patrimoine immatériel de l’Unesco en décembre.
Dans un entretien avec l’AFP, Emmanuel Nahshon explique qu’il serait « inacceptable » qu’il y ait un nouvel incident comme en 2019, quand un char caricaturant des Juifs orthodoxes aux nez crochus, assis sur des sacs d’or, avait suscité une vaste polémique.
Joël Rubinfeld, président de la Ligue Belge contre l’Antisémitisme, a partagé les craintes de l’ambassadeur. L’homme s’est ainsi rendu à Alost la semaine dernière pour « un avant-goût du grand raout antisémite prévu les 23, 24 et 25 février prochains ».
Dans une boutique, le responsable associatif a demandé « s’ils avaient des nez crochus. Une dame a dit que c’était en rupture de stock », a rapporté SudInfo.
AFP : Sur Twitter, en évoquant Alost, vous avez appelé à des « actes » en Belgique contre l’antisémitisme, pas seulement des paroles. Que souhaitez-vous ?
Emmanuel Nahshon : Il y a eu des déclarations de dirigeants belges dans le contexte des 75 ans de la libération du camp d’Auschwitz, qui sont des déclarations importantes, positives, encourageantes… Mais sans aucune traduction en actes. Le maire d’Alost est N-VA, je suppose que ce parti (de nationalistes flamands, ndlr) peut avoir un poids sur la prise de décision de cet élu dans ses fonctions de maire (…).
D’après ce qu’on lit, les costumes caricaturant les Juifs, avec un nez crochu et des papillotes, se sont vendus comme des petits pains, et tout laisse supposer que le défilé aura encore cette connotation antisémite et que malheureusement beaucoup de personnes y participeront.
La liberté d’expression est un principe du carnaval, et beaucoup vous répondront en Belgique qu’on ne punit pas quelqu’un pour s’être déguisé.
Il n’y a pas qu’une manière légale de faire face à l’antisémitisme, il faut aussi qu’il y ait tout un programme au niveau éducatif pour que les jeunes comprennent que c’est quelque chose de négatif et pas une conduite à imiter. Il faut dire que l’antisémitisme n’est malheureusement pas un problème seulement du passé mais aussi du présent.
Quand le maire d’Alost (Christoph D’Haese) affirme que dans son carnaval on ne peut pas rire des tueurs du Brabant et de la tuerie abominable commise à Alost (8 morts dans un supermarché en novembre 1985), parce que, dit-il, la mémoire de la douleur est trop fraîche parmi les habitants… Alors je me permets de lui dire que la mémoire de la douleur de l’antisémitisme et de ses conséquences est trop fraîche au sein du peuple juif. C’est la raison pour laquelle nous estimons que toute moquerie à outrance et toute caricature des Juifs telle qu’elle est présentée au carnaval d’Alost est quelque chose d’illégitime et d’inacceptable.
Vous lancez un appel au monde politique pour qu’il réagisse ?
Je lance un appel à tous les gens de bonne volonté en Belgique, qu’ils appartiennent au monde politique, intellectuel, académique, religieux, associatif, économique etc, en disant : c’est inconcevable que le seul pays d’Europe accueillant une telle manifestation antisémite soit la Belgique, alors que c’est un pays démocratique, tolérant et ouvert. Il serait fort dommage que ce qui se passe à Alost noircisse la réputation de la Belgique qui ne le mérite pas.
Et les Alostois ne peuvent plus se cacher derrière le prétexte de la méconnaissance ou de l’innocence.
Si l’Unesco a dit de manière très claire que ce carnaval véhiculait des clichés antisémites, je suppose que le message est arrivé aussi à Alost.