Amit rejette l’appel de Levin à renoncer à la présidence de la Cour suprême
Le président par intérim, qui a été accusé d'avoir trempé dans diverses affaires présentant des conflits d'intérêts, a évoqué une "campagne de diffamation" à son encontre
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Le ministre de la Justice, Yariv Levin, a demandé mercredi au président par intérim de la Cour suprême, Isaac Amit, de suspendre sa candidature au poste de président permanent de la plus haute instance judiciaire du pays, suite à de nouveaux articles publiés dans la presse qui ont accusé Amit d’avoir été impliqué dans des affaires relatives à de possibles conflits d’intérêt.
Levin a estimé avec conviction qu’Amit devait suspendre sa candidature jusqu’à ce que les accusations lancées à son encontre soient clarifiées, affirmant qu’il s’agissait là du comportement attendu de la part de tout candidat au service public.
Amit a rejeté cette requête. Il a insisté sur le fait que ces accusations entraient dans le cadre d’une « campagne de diffamation organisée » dont l’objectif était d’empêcher sa désignation au poste de président du prestigieux tribunal.
Le président en exercice de la Cour suprême a déclaré qu’il fournirait des preuves qui viendront réfuter toutes les allégations avancées par les médias.
Cela fait quinze mois que Levin se refuse à nommer un nouveau président de la Cour suprême – depuis que la précédente présidente a pris sa retraite – parce qu’il s’oppose à la désignation d’Amit, un magistrat libéral. Levin cherche à nommer un conservateur à la tête de la Cour mais il ne dispose pas des votes nécessaires pour ce faire au sein de la commission de sélection des juges.
La Cour suprême – qui s’est exprimée en tant que Haute Cour de Justice – a statué que Levin avait outrepassé son autorité en refusant de nommer un nouveau président.

Les magistrats avaient ordonné à Levin à trois reprises d’organiser un vote qui permettrait d’élire un nouveau président – d’abord au mois de septembre quand ils lui avaient demandé de procéder à cette nomination « dans les plus brefs délais » puis au mois de décembre, où ils lui avaient donné la date-butoir du 16 janvier pour désigner un nouveau chef. Enfin, le 16 janvier, ils lui avaient accordé dix jours supplémentaires pour procéder à la nomination – une manière d’autoriser l’examen des accusations qui avaient commencé à prendre pour cible Amit.
Levin n’a pas encore officiellement programmé de réunion de la commission de sélection des juges pour le dimanche 26 janvier.
Dans la lettre qu’il a écrite à Amit dans la soirée de mercredi, Levin est entré dans le détail des accusations diverses qui ont été lancées à l’encontre du magistrat par le biais des médias.
Il a évoqué un reportage diffusé par la chaîne d’information N12 qui a affirmé qu’Amit avait été membre d’une commission judiciaire qui avait été chargée d’examiner des requêtes qui réclamaient l’annulation d’une décision prise par le ministre David Amsalem, qui voulait alors supprimer « le groupe de directeurs », un groupe formé de candidats aux conseils d’administration des entreprises publiques.
La chaîne a précisé que le frère d’Amit, Hanoch Goldfreind, faisait partie des 400 candidats appartenant au groupe et que le juge ne s’était pas pour autant retiré du panel, ordonnant le gel de la décision formulée par Amsalem.
Amit a répondu que son frère, quoi qu’il arrive, devait se retirer du « groupe de directeurs » en 2021 et que son positionnement n’avait, par conséquent, eu aucune incidence en ce qui concerne Goldfreind – qui devait toutefois être réélu au sein du groupe en 2022.
Levin a cité d’autres exemples qui, selon lui, prouvent des conflits d’intérêt – notamment des affaires impliquant la First International Bank. Le frère d’Amit siège à son conseil d’administration.
Autre exemple cité par Levin, une affaire dont Amit avait été chargé en tant que juge. Dans cette affaire, c’était la chaîne de magasins de proximité AM:PM qui était alors « la partie la plus affectée par l’issue du dossier ». Levin a fait savoir que le beau-frère d’Amit était à l’époque président du groupe Dor Alon, dont AM:PM fait partie.
Levin a également noté qu’Amit avait siégé dans des affaires impliquant les autorités municipales de Tel Aviv. Elles avaient alors fait appel à la justice concernant un groupe de propriétaires – dont Amit – parce qu’elles s’inquiétaient des graves manquements à la sécurité qu’il pouvait y avoir dans leurs biens immobiliers. L’affaire avait ensuite été abandonnée.
« Cette série d’affaires semble montrer un schéma régulier, avec une tendance, de votre part, à siéger pour statuer sur des affaires où se présentent des conflit d’intérêts en ce qui vous concerne – où il apparaît en tout cas sérieusement qu’il y a des conflits d’intérêt », a noté Levin.
« Si un seul de ces articles était publié au sujet d’un candidat à une fonction publique, ce candidat devrait immédiatement faire l’objet d’un examen approfondi et fournir des réponses complètes à la commission de Sélection [compétente] et à l’ensemble du public israélien avant une éventuelle nomination », a poursuivi le ministre de la Justice.
Il a ajouté que cela était d’autant plus important lorsqu’il s’agissait de « la personnalité qui se présente à la haute fonction de président de la Cour suprême de l’État d’Israël ».
Amit a répondu qu’il n’avait pas l’intention de suspendre sa candidature.
« Je n’ai pas l’intention de capituler face à la campagne de diffamation organisée récemment à mon encontre, une campagne dont le seul objectif est de faire échouer ma nomination en tant que président de la Cour suprême et de saper la confiance du public dans le système judiciaire », a déclaré Amit dans une déclaration à la presse.
« Des réponses détaillées et pertinentes à toutes les accusations qui ont été soulevées ont été et seront fournies, réfutant chacune d’entre elles, et la question devra être soumise à la décision de la commission de sélection des juges ».