Amman met en garde contre l’expulsion de Palestiniens des collines de Hébron
Au terme de 20 ans de bataille judiciaire, les résidents ont déclaré qu'ils resteraient malgré la décision du tribunal autorisant leur expulsion d'un terrain convoité par Tsahal
La Jordanie a lancé vendredi un avertissement contre l’expulsion prévue de 1 300 Palestiniens vivant dans huit villages des collines au sud de Hébron et contre le projet de construction de près de 4 000 nouvelles unités de logement dans des implantations, ailleurs en Cisjordanie.
Le porte-parole du ministère jordanien des Affaires étrangères, Haitham Abu Alfoul, a déclaré que « l’expansion de la colonie constituait une violation flagrante du droit international et des résolutions [préexistantes]», selon l’agence de presse officielle Petra.
« Abu Alfoul a souligné que la politique de colonisation israélienne, que ce soit en établissant ou en agrandissant des colonies, en s’emparant de terres ou en déplaçant de force des Palestiniens, est une politique illégale, rejetée et condamnée », peut-on lire dans le communiqué.
Ces condamnations ont été émises alors que les habitants des communautés confiaient leur intention de rester, malgré la décision rendue par la Cour Suprême israélienne, tard mercredi soir. Aux termes de cette décision, fruit d’une bataille judiciaire qui dure depuis des dizaines d’années, l’armée israélienne est autorisée à expulser les habitants de huit villages situés dans les collines du sud de Hébron.
La vie de milliers de Palestiniens vivant au sein de communautés bédouines dans le sud de la Cisjordanie est en suspens depuis plus de quarante ans, depuis que la terre qu’ils cultivaient et sur laquelle ils vivaient a été déclarée zone de tir et d’entraînement militaire par Israël.
Depuis cette décision prise au début de 1981, les habitants de la région de Masafer Yatta se sont opposés aux démolitions, aux saisies de biens, résistant aux restrictions, aux problèmes d’approvisionnement en nourriture et en eau, ainsi qu’à la menace constante d’expulsion.
Cette menace est montée d’un cran cette semaine après confirmation, par la Cour suprême d’Israël, d’un ordre d’expulsion pris depuis fort longtemps à l’encontre de huit des douze hameaux palestiniens formant Masafer Yatta, concernant un millier de personnes susceptibles de se retrouver sans abri.
Vendredi, des résidents ont affirmé leur détermination à rester sur place.
Le verdict a été rendu après une lutte judiciaire d’une vingtaine d’années menée par les Palestiniens pour rester sur leurs terres. Israël a fait valoir que les résidents n’utilisaient la zone que pour l’agriculture saisonnière et qu’ils avaient rejeté les offres qui leur auraient donné un accès occasionnel à ces terres.
Les Palestiniens assurent que la mise en œuvre de la décision ouvrirait la voie à l’expulsion des 12 communautés riches d’une population de 4 000 habitants, principalement des Bédouins vivant de l’élevage et d’une forme traditionnelle d’agriculture du désert.
Les habitants de Jinba, l’un des hameaux, ont déclaré vendredi refuser tout compromis au motif qu’ils vivaient à cet endroit bien avant qu’Israël ne s’empare de la Cisjordanie lors de la guerre de 1967.
Issa Abu Aram est né dans une grotte, sur ces terres de montagne accidentées, il y a 48 ans. Sa vie n’est pas simple depuis l’interdiction des constructions dans cette zone.
En hiver, il vit dans une grotte avec les membres de sa famille. En été, ils séjournent dans des caravanes à proximité de la grotte. Ses chèvres sont une source de revenus et ce vendredi, il avait mis à sécher sur le sol des dizaines de boules de yogourt au lait de chèvre.
Il précise que ses 14 enfants ont grandi avec la menace d’expulsion. Ses enfants fréquentent une école de fortune à Jinba et son fils aîné est en Terminale.
« Il n’a jamais vécu ailleurs qu’à Jinba. Comment allez-vous le convaincre … de vivre ailleurs », a-t-il interrogé.
Vendredi, alors qu’Israël célébrait le Jour de l’Indépendance, les dirigeants palestiniens ont condamné la décision de la Cour suprême rendue mercredi.
Nabil Abu Rudeineh, porte-parole du président de l’AP Mahmoud Abbas, a déclaré que l’avis d’expulsion « équivalait à un déplacement forcé et à un nettoyage ethnique, en violation du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ».
La Cisjordanie est sous régime militaire israélien depuis près de 55 ans. Masafer Yatta se trouve dans les 60 % du territoire où l’Autorité palestinienne ne peut intervenir. Les Palestiniens souhaiteraient que la Cisjordanie forme la partie principale d’un futur État.
Les résidents juifs des implantations ont établi des avant-postes dans la région, qui ne sont pas officiellement autorisés par Israël mais sont protégés par l’armée. L’automne dernier, des dizaines de résidents avaient attaqué un village de la région et un garçon de 4 ans avait été hospitalisé après avoir été frappé à la tête avec une pierre.
Pour l’instant, les familles disent qu’ils n’ont qu’une chose à faire : rester sur leur terre.
« Je n’ai pas d’alternative et ils ne peuvent pas me faire partir de force », a déclaré l’agriculteur Khalid al-Jabarin, debout devant une étable à chèvres. « Le gouvernement d’Israël ne me fera pas bouger d’ici. Nous ne partirons pas… nous ne partirons pas parce que nous habitons cette terre. »