Amsterdam s’excuse d’avoir puni un diplomate qui a sauvé des Juifs
Le roi des Pays-bas et un ministre ont parlé à la famille de Jan Zwartendijk, sanctionné après avoir fourni des visas non-autorisés à plus de 2 000 Juifs pendant la Shoah
Le ministère des Affaires étrangères néerlandais a présenté ses excuses à la famille d’un diplomate qui a sauvé des milliers de Juifs pendant la Shoah, mais qui a été sanctionné, après la Seconde Guerre mondiale, pour ses agissements et notamment pour avoir émis des visas qui n’avaient pas été préalablement autorisés.
Dans une réponse écrite au Parlement, le ministre néerlandais des Affaires étrangères Stef Blok a expliqué que des initiatives ont été prises pour faire amende honorable suite au traitement infligé à Jan Zwartendijk, consul honoraire des Pays-Bas dans ce qui est aujourd’hui devenu la Lituanie, pendant la guerre, a fait savoir jeudi la chaîne de télévision Nederlandse Omroep Stichting.
Après la guerre, le ministère des Affaires étrangères néerlandais avait réprimandé le diplomate pour avoir outrepassé son autorité dans le but de sauver des milliers de Juifs de la Shoah. Il avait même été privé de ses privilèges royaux, comme l’a montré une nouvelle recherche.
« Si c’est arrivé », a écrit Blok, « cela a été totalement inapproprié. Jan Zwartendijk mérite de la reconnaissance et qu’on lui rende hommage pour son comportement de bravoure, malheureusement de façon posthume ».
Blok a expliqué que lui et le roi Willem-Alexander des Pays-Bas s’étaient entretenus avec le fils et la fille de Zwartendijk.
« En faisant cela, nous avons exprimé notre grande admiration pour les actions menées par leur père, en 1940 », a-t-il écrit.
Les résultats des recherches sur ce qu’a vécu après la guerre Zwartendijk sont racontés dans un livre écrit en néerlandais publié ce mois-ci, intitulé Le Juste et dont l’auteur est le biographe Jan Brokken.
Zwartendijk avait été consul à Kaunas au même moment où Chiune Sugihara s’y trouvait, représentant le Japon impérial.
Largement éclipsé par Sugihara, Zwartendijk avait initié et facilité le sauvetage de plus de 2 000 Juifs secourus par les deux diplomates. Sugihara donnait aux réfugiés qui fuyaient l’occupation allemande des visas de transit qui leur permettaient d’entrer en Union soviétique. Mais les précieux documents auraient été inutilisables si Zwartendijk n’avait pas transmis, pour sa part, des visas de destination pour Curaçao, une île des Caraïbes qui était alors une colonie néerlandaise. Certains Juifs sauvés par Zwartendijk lui avaient donné le surnom « d’ange de Curaçao ».
Les deux hommes agirent sans l’aval de leurs supérieurs. Contrairement à Sugihara, Zwartendijk avait mis en péril sa propre vie ainsi que celle de son épouse et de leurs trois enfants en bas âge, qui vivaient tous sous l’occupation nazie.
Et pourtant, Zwartendijk, décédé en 1976, a été « réprimandé » après que ses actes ont été portés à la connaissance d’un haut responsable des Affaires étrangères, Joseph Luns, devenu ultérieurement chef de l’OTAN, révèle le livre sur la base d’entretiens avec des personnalités auxquelles s’était confié Zwartendijk. Les enfants de Zwartendijk ont confirmé que leur père avait été profondément meurtri par le traitement qui lui avait été infligé.
Sjoerd Sjoerdsma, un député néerlandais, avait recommandé dans une déclaration que le ministère des Affaires étrangères présente des excuses pour la manière dont avait été traité Zwartendijk, reconnu en Israël comme Juste parmi les nations (ces non-Juifs qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs pendant la Shoah).
“Jan Zwartendijk méritait une statue, pas une réprimande », aurait indiqué Sjoersma au début du mois, selon l’agence de presse ANP. « Il est grand temps de le disculper et de demander pardon à ses descendants. J’espère que le ministre des Affaires étrangères Stef Blok le fera ».
Le livre suggère également que le responsable du ministère non-identifié dans le livre était intervenu auprès de la maison royale néerlandaise pour empêcher Zwartendijk d’être adoubé pour des raisons sans lien avec la guerre – il était cadre à la firme électronique néerlandaise Philips – ce qui aurait partiellement motivé son comportement rebelle pendant la Seconde Guerre mondiale.