Antisémitisme : l’ONU demande à un de ses enquêteurs de clarifier ses propos
"Il est temps de dissoudre cette commission", a averti l'ambassadrice israélienne à Genève Meirav Eilon Shahar

Le président du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a demandé vendredi à l’un de ses enquêteurs de clarifier des propos qu’il a tenus sur le « lobby juif », après les vives protestations d’Israël et d’autres pays.
Cet expert, l’Indien Miloon Kothari, est l’un des trois membres d’une commission onusienne enquêtant sur des violations présumées des droits humains dans le cadre du conflit entre Israël et les Palestiniens.
Dans une interview publiée le 25 juillet sur Mondoweiss, un site web très critique à l’égard d’Israël, il a fait allusion à un « lobby juif » et remis en question la légitimité de l’appartenance d’Israël aux Nations unies.
« Il n’y a pas que les gouvernements. Nous sommes très découragés par les réseaux sociaux qui sont contrôlés en grande partie par – que ce soit le lobby juif ou des ONG spécifiques. Beaucoup d’argent est injecté pour essayer de nous discréditer », a déclaré Kothari.

« Si les gens pensent que nous sommes partiaux, alors nous sommes partiaux », a-t-il ajouté.
Kothari a remis en question le fait même qu’Israël soit membre de l’ONU et l’a accusé de ne pas respecter et de saper les mécanismes de l’ONU.
« J’irais même jusqu’à soulever la question de savoir pourquoi [Israël est] même membre des Nations unies. Parce que […] le gouvernement israélien ne respecte pas ses propres obligations en tant qu’État membre de l’ONU. En fait, il essaie systématiquement, de manière directe ou par l’intermédiaire des États-Unis, de saper les mécanismes de l’ONU », a-t-il déclaré à Mondoweiss.
Ses propos ont suscité l’indignation d’Israël, qui a demandé vendredi sa démission, ainsi que les vives critiques d’autres diplomates, dont britannique et américain.
Deux jours après la publication de l’interview, l’ambassadrice israélienne à Genève Meirav Eilon Shahar a écrit un premier courrier au président du Conseil des droits de l’Homme, l’Argentin Federico Villegas, pour protester contre ces « commentaires scandaleux, dont certains sont manifestement antisémites ».
La présidente de la commission, la Sud-Africaine Navi Pillay, ancienne Haute-Commissaire aux droits de l’Homme, a elle affirmé jeudi que les commentaires de M. Kothari « semblent avoir été délibérément sortis de leur contexte » et qu’ils avaient été « délibérément mal cités ».
Elle a ajouté que ces propos reflétaient « la déception de la commission face au manque de coopération persistant » d’Israël avec les experts.
« Clarifier publiquement »
Dans un second courrier adressé vendredi au président du Conseil et dont l’AFP a eu connaissance, l’ambassadrice israélienne a dénoncé les propos de Mme Pillay : « C’est la défense de l’indéfendable », a-t-elle affirmé. « Elle soutient l’antisémitisme. Elle fait honte à l’ensemble » de l’ONU.
« Il est temps de dissoudre cette commission », a-t-elle écrit, ajoutant que les trois membres de la commission ne peuvent plus « remplir leurs fonctions de façon effective » et les a appelés à « démissionner immédiatement ».
Suite à ces propos, Bnai Brith International, une organisation juive qui existe depuis 180 ans, a demandé la dissolution de la Commission d’enquête.
Dans une déclaration mercredi, le président du Bnai Brith International, Seth J. Riklin, a déclaré qu’il « incombe à l’ONU de faire preuve d’équité et de neutralité dans son travail, mais cette Commission est-elle équitable et neutre ? Manifestement pas. »
Plus tard dans la journée, le président du Conseil des droits de l’Homme a à son tour adressé une lettre à Mme Pillay dans laquelle il affirme que certains commentaires faits par M. Kothari « pourraient raisonnablement être interprétés comme une stigmatisation du peuple juif, ce qui (…) est au cœur de toute expression d’antisémitisme ».
« Par conséquent, je suggère respectueusement que le Commissaire Kothari envisage la possibilité de clarifier publiquement ses commentaires malheureux », a-t-il conclu.
Israël a refusé de coopérer avec cette commission mise en place suite à la guerre de 11 jours que se sont livrés l’État juif et le groupe terroriste palestinien du Hamas en mai 2021.
Les experts sont chargés d’enquêter sur les violations présumées des droits humains commises dans les Territoires palestiniens et en Israël depuis le 13 avril 2021.
Dans un rapport publié le 7 juin, cette commission a estimé que « l’occupation » de territoires palestiniens par Israël et la « discrimination » envers la population palestinienne sont « les causes principales » des tensions récurrentes et de l’instabilité.