Après avoir rêvé de la paix, une Gazaouie perd ses trois enfants dans une frappe
Umm Naim avait dit au ToI il y a une semaine, dans un hôpital israélien, qu'elle voulait la paix ; après la mort de ses enfants dans l'explosion d'Al Maghazi, elle affirme dorénavant qu'Israël "goûtera aux flammes"
Cela faisait de longues années qu’Umm Naim parlait de paix – elle avait insisté sur ce message même après la mort de son époux dans une frappe israélienne, en 2014.
« Nous espérons pour tous les enfants, pour tous les peuples de la Terre, qu’ils puissent sourire, qu’ils puissent être heureux », avait dit cette Palestinienne âgée de 47 ans au Times of Israel, la semaine dernière, pendant un séjour temporaire à Ashdod, alors que son fils suivait un traitement pour son cœur, malade, dans un hôpital israélien. « Les musulmans, les Juifs, tout le monde. Tout le monde. C’est ce que j’ai à dire ».
« J’aime la paix, c’est mon rêve », avait-elle ajouté, s’exprimant dans un anglais saccadé mais plein d’énergie.
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C’était dimanche dernier.
Six jours plus tard, il y a eu, affirment les Gazaouis, une frappe aérienne qui a touché Al Maghazi, dans le centre de Gaza – un quartier créé il y a 74 ans et composé d’immeubles résidentiels densément peuplés où le Hamas maintient une présence militaire significative. Le quartier est au sud de Wasi Aza, le secteur où les civils ont été appelés par Israël à évacuer au cours de l’opération menée par Tsahal dans le nord. L’armée israélienne a indiqué au Times of Israel qu’elle examinait l’incident.
En 2017, un tunnel appartenant au Hamas avait été découvert sous une école élémentaire pour garçons placée sous l’autorité des Nations unies à Al Maghazi. Israël avait bombardé un camp d’entraînement du groupe terroriste là-bas, au mois de février.
Le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, a annoncé que plus de 40 civils, majoritairement des femmes et des enfants, ont été tués dans l’explosion survenue samedi soir.
Une heure avant la déflagration, Umm Naim avait parlé depuis Ashdod avec ses enfants, Mina (18 ans), Mai (15 ans) et Obeida (17 ans).
« J’avais envoyé mes enfants chez ma sœur à Maghazi ; c’était un lieu sûr ; il n’y avait pas de problème là-bas ; c’était l’endroit le plus calme de la bande de Gaza et je voulais m’assurer qu’ils étaient en sécurité », raconte-t-elle au Times of Israel, mardi.
« Je leur ai dit que je voulais être sûre que tout irait bien pour eux, qu’ils mangeraient bien », ajoute-t-elle. « Ils m’ont répondu : ‘Maman, tout va bien, tout est tranquille, ne t’inquiète pas pour nous’. »
Elle se souvient qu’ils lui dont demandé des nouvelles de Naim, son fils de huit ans qui est actuellement pris en charge à l’hôpital Sheba de Ramat Gan.
Naim, né à l’hôpital Sheba, porte le nom de son mari, mort pendant la guerre qui avait opposé Israël et le Hamas en 2014.
Après s’être entretenue avec ses enfants, depuis Ashdod, Umm Naim a vu qu’il y avait eu un bombardement à Al Maghazi. Elle a reconnu les enfants et les petits-enfants de sa sœur parmi les victimes.
« J’ai crié : ‘Mais mes enfants sont avec eux !’ J’ai essayé d’appeler toute la nuit, sans réponse. »
Umm Naim a appelé une proche, qui s’est rendue à l’hôpital des martyrs d’Al-Aqsa, situé à proximité.
« Elle s’y est rendue et elle a vu mes filles là-bas », poursuit-elle. « Elle a vu mes nièces et mes neveux, elle a vu la famille ».
Dimanche, le corps sans vie de son fils Obeida a été retrouvé sous les décombres.
« Ils ne savaient rien du monde »
Umm Naim parle de ses enfants comme des enfants timides et bien élevés.
« Ils étaient innocents, ils ne savaient rien du monde, ils étaient timides et ils étaient calmes », insiste-t-elle. « A la maison, en société, ils n’avaient jamais causé de problème. De la maison jusqu’à l’école, de l’école jusqu’à la maison. Manger, boire et dormir, c’est tout ».
Jamais ils n’auraient fait de mal à une mouche, ajoute-t-elle.
« Ils n’avaient jamais fait de mal à personne. Ils étaient innocents, ils étaient adorés par leur entourage. Mais qu’ont-ils bien pu faire pour être traités ainsi ? Pour être ainsi tués, brûlés, bombardés ? Quelle a donc été leur faute ? », s’exclame-t-elle.
Elle dit pouvoir comprendre qu’Israël veuille démolir des bâtiments.
« Mais avertissez les gens, pour qu’ils puissent partir », dit-elle. « Pas de raison qu’un enfant meure ! Pourquoi venir faire exploser des immeubles, avec tout qui s’écroule sur des enfants ? Pourquoi ? Pourquoi ? »
Israël a déclaré la guerre au Hamas après l’assaut meurtrier commis par le groupe terroriste dans le sud d’Israël, le 7 octobre. Après avoir franchi la frontière, 3 000 hommes du Hamas ont massacré 1 400 personnes – des civils en majorité – dans les communautés frontalières de la bande, commettant des actes d’une brutalité terrible, décapitant leurs victimes ou violant les femmes. Ils ont également enlevé 240 personnes qui sont actuellement retenues en otage dans la bande de Gaza, dont au moins 30 enfants.
Face au plus grand traumatisme de son Histoire, Israël a juré de démanteler le Hamas et de l’écarter du pouvoir – faisant disparaître ainsi la menace terroriste qui émane de l’enclave côtière depuis presque deux décennies.
Le cri d’Umm Naim
Pour le moment et dans l’avenir proche, Umm Naim est bloquée à Ashdod. Elle est hébergée par Shevet Achim, une organisation chrétienne basée en Israël qui fait venir des enfants originaires des pays voisins et ayant besoin d’une chirurgie du cœur au sein de l’État juif.
Jonathan Miles, fondateur de Shevet Achim, avait indiqué au Times of Israel, la semaine dernière, qu’il œuvrait à faire venir des enfants gazaouis dans les hôpitaux israéliens parce que « nous sommes des chrétiens originaires de nations qui croient à la parole de Dieu telle que nous l’avons reçue des Juifs ».
Miles a aussi fait venir des dizaines d’enfants de Syrie, d’Irak, de Jordanie et de Cisjordanie dans les hôpitaux israéliens pour qu’ils puissent y subir une intervention cardiaque souvent vitale.
Et alors qu’il faisait l’éloge de l’État juif, Miles avait toutefois déclaré que « cette guerre porte un coup si dur que la population, en Israël, peine à déterminer la valeur de la vie de ses voisins comme elle l’avait pourtant toujours fait. Sans l’aide de Dieu, c’est impossible. »
Après la mort des enfants d’Umm Naim, Miles a appelé Israël à faire preuve de plus de prudence dans ses opérations.
« Pendant des années, Israël a gagné la confiance et le respect en avertissant les civils avant de prendre pour cible des immeubles occupés », a-t-il dit. « Je prie pour qu’en cette période éprouvante, Israël puisse entendre le cri d’Umm Naim ».
Le goût des flammes
Avant l’explosion survenue à Al Maghazi, Umm Naim avait dit au Times of Israel qu’être chez elle, en compagnie de ses enfants, dans la paix était suffisant à son bonheur.
« Je veux la paix, je veux être avec mes enfants parce que j’ai peur en permanence », avait-elle déclaré.
Aujourd’hui, alors qu’elle pleure la mort de trois de ses enfants, son message est un message de colère et de souffrance.
« Mais la population israélienne ne voit donc pas les massacres qui sont actuellement en cours ? », interroge-t-elle. « Elle ne voit pas les enfants ? »
Umm Naim ajoute que l’opinion publique israélienne « devrait empêcher le gouvernement de tuer des enfants ».
« Ce que je vois, c’est qu’Israël ne fait la guerre que contre des enfants et des femmes ; ses seules victoires sont remportées contre des enfants et des femmes ; c’est ce que je vois et c’est ce que voit aussi le reste du monde », s’exclame-t-elle.
Et elle lance une mise en garde à Israël : « Ceux qui nous ont fait goûter aux flammes y goûteront aussi à travers leurs familles, leurs enfants, leurs être chers. Nous avons goûté aux flammes et ils y goûteront à leur tour ».
Son fils Naim entre dans la pièce à ce moment-là.
« Mon amour, viens à moi », dit-elle. « C’est Naim, c’est le seul fils qui me reste de toute ma famille ».
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