Ashkénazes contre Séfarades dans une nouvelle version de « Roméo et Juliette »
Au Centre d'histoire juive de New York, dans une adaptation du classique shakespearien, une Juliette ashkénaze tombe amoureuse d'un Roméo séfarade, au grand désarroi des familles

NEW YORK (JTA) – Une nouvelle production de « Roméo et Juliette » donne un aspect juif à la légendaire histoire d’amour de Shakespeare.
Produit par le chanteur d’opéra parisien David Serero, la comédie musicale se déroule à Jérusalem et imagine une Juliette ashkénaze tombant amoureuse d’un Roméo séfarade, au grand désarroi de leurs familles.
La soirée de première officielle de la production au Centre d’histoire juive aura lieu dimanche, bien que l’auteur de ces lignes a assisté à une avant-première jeudi.
Serero, qui a produit et écrit l’adaptation, joue aussi Roméo dans la distribution de six personnes. Les blagues juives sont monnaie courante.

Au lieu de frère Laurence de Shakespeare, le prêtre qui marie secrètement les adolescents amoureux, il y a un rabbin Laurence qui porte tallit et kippa.
La mère de Roméo joue sur le stéréotype de la mère juive et s’inquiète que son fils soit trop mince et perde ses cheveux. Et le père de Juliette semble préoccupé par l’argent qu’il a dépensé pour ce qu’il croyait être le mariage de sa fille avec Rabbi Mordechai, l’homme qu’il voulait qu’elle épouse.
Cette production « Roméo et Juliette » comprend également des chansons en ladino, yiddish, hébreu, russe et anglais – y compris une nouvelle version du succès « thank u, next » de la pop star Ariana Grande.
Serero a dit qu’il était conscient du fait qu’au début de l’Etat d’Israël, il y avait des tensions entre les Juifs ashkénazes, avec leurs racines en Allemagne, en France et en Europe de l’Est, et les Séfarades, dont les ancêtres étaient d’Espagne, d’Afrique du Nord et des pays musulmans. À l’époque, les mariages entre les deux communautés étaient considérés comme tabous, bien qu’aujourd’hui les deux communautés se mélangent plus facilement.
Mais il a choisi de rendre Juliette ashkénaze et Roméo séfarade surtout parce qu’il voulait mettre en valeur les deux riches traditions culturelles, notamment en présentant des chansons dans plusieurs langues.
« Je voulais montrer les cultures, que ce soit dans l’humour, que ce soit à travers les chansons », a-t-il dit à la Jewish Telegraphic Agency.
Le spectacle est le résultat d’une collaboration qui a débuté en 2014 entre Serero et l’American Sephardi Federation, et se joue au Center for Jewish History au centre-ville de Manhattan.
Dans le cadre de ce projet, Serero a adapté une série de pièces classiques, dont « Le Marchand de Venise » et « Othello » de William Shakespeare, ainsi que « Cyrano de Bergerac » d’Edmond Rostand, entre autres.
Leonard Bernstein et trois autres juifs ashkénazes ont adapté « Roméo et Juliette » comme la comédie musicale de Broadway « West Side Story » et ont initialement conçu les parties belligérantes comme juives et catholiques. (Arthur Laurents, qui a écrit le livre, avait estimé qu’il serait plus pertinent de parler des gangs de rue porto-ricains et blancs).

Serero, dont la famille a ses racines au Maroc, aime inclure des éléments séfarades dans le théâtre juif.
« Dans le domaine des arts, en particulier les arts de la scène, le théâtre, c’était surtout un truc ashkénaze », dit-il, « alors je veux reprendre tous ces classiques mais montrer ma chutzpah séfarade ».
Le spectacle se déroulera jusqu’au 23 juin au Centre d’histoire juive. Les billets sont disponibles en ligne au prix de 26 $.