Au mémorial commémorant le meurtre en masse d’Azerbaïdjanais par les Arméniens
Le Mémorial à Quba, au nord de Bakou, commémore les musulmans qui auraient été tués par les bolcheviks arméniens, 3 ans après le génocide mené par les Turcs
- La guide touristique Aygün Agamirzayeva, parlant anglais, explique un panneau historique au complexe commémoratif du génocide de Quba. (Larry Luxner/ Times of Israel)
- Entrée du centre d'information du complexe commémoratif du génocide de Quba en Azerbaïdjan. (Larry Luxner/ Times of Israel)
- Les marches menant à un monument aux victimes du génocide de 1918 à Quba, en Azerbaïdjan. (Larry Luxner/ Times of Israel)
- Photo historique des Juifs azerbaïdjanais des montagnes, vers 1915, au complexe commémoratif du génocide de Quba. (Larry Luxner/ Times of Israel)
- Les monolithes en granit noir symbolisent les hommes, les femmes et les enfants qui ont été massacrés en 1918 sur le site actuel du complexe commémoratif du génocide de Quba. (Larry Luxner/ Times of Israel)
QUBA, Azerbaïdjan – Si la principale attraction touristique de cette ville présente une ressemblance frappante avec le mémorial et musée de la Shoah de Yad Vashem à Jérusalem, il y a une bonne raison : sous ce site se trouvent les ossements de pas moins de 60 000 victimes d’un meurtre de masse qui aurait eu lieu il y a plus de 100 ans.
Le complexe commémoratif du génocide de Quba est situé à Quba (également orthographié Guba), une ville – et une région – située à 160 kilomètres au nord de la capitale azerbaïdjanaise en plein essor, Bakou.
Ziyaddin Aliyev, le maire de Quba, a déclaré que sa région montagneuse et productrice de pommes comptait 172 000 habitants vivant dans 149 villes et villages sur une superficie de 2 600 kilomètres carrés. Cela fait de Quba la plus grande des 75 régions de l’Azerbaïdjan. Elle abrite également Krasnaya Sloboda, une ville entièrement juive d’environ 3 000 habitants dont le nom russe signifie « village rouge ».
En fait, Quba a une ville jumelée en Israël : la ville de Maalot-Tarshiha, en Haute-Galilée, dont le nouveau maire, Arkady Pomerantz, se trouve être originaire de cette région.
« Quba est le meilleur exemple de tolérance dans notre pays », a déclaré Aliyev, 58 ans, dans une récente interview à l’hôtel de ville, notant la présence de plus de 70 mosquées et de deux synagogues. « Nous avons plus de 20 ethnies dans notre région, et nous vivons tous ensemble dans une atmosphère d’amitié ».

Mais en 1918 – trois ans seulement après le massacre d’un million d’Arméniens de souche en Turquie – une chose terrible s’est produite ici : le meurtre en masse de dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants azerbaïdjanais aux mains des bolcheviks arméniens.
« Le nombre exact n’est pas connu, mais 60 000 est le minimum. C’est probablement plus que cela, car on a trouvé des os de 100 000 personnes », a déclaré M. Aliyev. « Ces os ont été trouvés par accident en 2007. Un homme d’affaires se construisait une maison pour lui-même, et les ouvriers creusaient. Le gouvernement a pris le contrôle du site et a trouvé encore plus d’ossements. Finalement, il a été décidé de construire ce complexe commémoratif ».
On pense que les os sont ceux de musulmans qui vivaient dans la région et qui ont été assassinés en avril et mai 1918, lorsque 167 villages ont été complètement détruits et que Quba elle-même a été incendiée.

60 % des visiteurs du musée sont des Israéliens
Avec son design minimaliste en forme de triangle, ses longues salles d’exposition souterraines et ses pierres tombales en granit noir, ce complexe commémoratif du génocide ressemble beaucoup à Yad Vashem, le mémorial israélien érigé à la mémoire des 6 millions de Juifs assassinés pendant la Shoah.
« La cruauté brutale du génocide est déchirante et provoque une douleur intense », lit-on sur un dépliant distribué aux visiteurs à l’entrée. « En raison de la tension grave et dramatique, de la lourdeur et de la douleur du génocide, les architectes ont spécifiquement évité l’utilisation de décorations et d’ornements, en signe de respect pour les victimes de la tragédie ».
Le musée a été commandé par la Fondation Heydar Aliyev et inauguré en 2013 par le président Ilham Aliyev, qui dirige ce pays depuis la mort de son père, Heydar Aliyev, en 2003.

Des dizaines de photographies en noir et blanc ornent les murs de ce solennel complexe muséal, dont celles représentant des Juifs d’Azerbaïdjan au début du XXe siècle, avant les bouleversements de 1918.
La guide touristique Aygün Agamirzayeva a déclaré que 83 000 personnes ont visité le complexe sur le génocide en 2019, dont 60 % venaient d’Israël. La plupart des 40 % restants venaient d’Iran, de Géorgie, de Turquie et d’autres pays voisins.

Ce n’est pas vraiment une surprise, compte tenu de l’amitié étroite entre l’Azerbaïdjan et Israël. Les deux pays entretiennent de solides relations diplomatiques et économiques, et l’Azerbaïdjan – malgré sa population majoritairement musulmane et sa longue frontière avec l’Iran – est un client important de l’armement israélien. Il fournit également environ 40 % des besoins en pétrole brut d’Israël, avec un commerce bilatéral de plus de 1,3 milliard de dollars en 2018.
En outre, des vols directs hebdomadaires relient Tel Aviv à Bakou, et plus de 40 000 Israéliens – dont beaucoup sont d’origine azerbaïdjanaise – devraient s’y rendre cette année.

En septembre 2018, le Moldave Avigdor Liberman, alors ministre de la Défense israélien, a planté un pommier au complexe commémoratif du génocide de Quba, en compagnie d’Aliyev et d’autres responsables.
« Les gens d’Israël sont désolés, bien sûr, parce qu’ils sont d’une certaine manière liés à cette histoire », a déclaré le maire, notant que les chefs religieux – y compris ceux de l’Eglise orthodoxe orientale – sont également venus rendre hommage ici. « Même le patriarche de Russie a visité notre mémorial, même s’ils étaient de la même religion que les Arméniens qui ont commis ce génocide ».

Reconnaissance d’un génocide, mais pas d’un autre
Pourtant, il n’est pas certain que les citoyens arméniens soient les bienvenus ici. Les passeports étrangers sont contrôlés à l’entrée, et les personnes portant des noms de famille à consonance arménienne font régulièrement l’objet d’un examen minutieux, voire d’une hostilité totale.
Malgré cela, affirme M. Aliyev, « le complexe est ouvert à tous. Ce sont les faits, et c’est un triste chapitre de notre histoire. S’ils veulent venir nous voir, ils peuvent venir. Nous espérons qu’un jour, les Arméniens admettront ce qu’ils ont fait et s’excuseront, comme l’ont fait les Allemands après la Shoah ».
Cependant, contrairement à l’Allemagne et à Israël qui ne sont pas en guerre l’un contre l’autre, l’Azerbaïdjan et l’Arménie se confrontent dans une amère dispute territoriale depuis plus d’un siècle. En 1992, les deux anciennes républiques soviétiques sont entrées en guerre, et les troupes arméniennes se sont installées dans la région du Haut-Karabakh. L’Arménie occupe le Haut-Karabakh depuis lors – ce qui a conduit à des accusations de nettoyage ethnique, de violations des droits de l’Homme et d’atrocités indicibles des deux côtés.

L’amertume de chaque partie est si profonde que le conflit israélo-arabe peut sembler tout à fait gérable en comparaison. Pourtant, grâce aux gisements de pétrole et de gaz offshore de la mer Caspienne, l’Azerbaïdjan se porte bien mieux sur le plan économique que l’Arménie. Le régime d’Aliyev utilise sa manne énergétique non seulement pour acheter des armes israéliennes pour combattre les Arméniens, mais aussi pour réinstaller environ 700 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays dans 106 nouvelles localités dispersées dans tout l’Azerbaïdjan.
Il est intéressant de noter que les cérémonies du mois dernier à Yad Vashem marquant le 75e anniversaire de la libération d’Auschwitz ont réuni 49 chefs d’Etat. La liste comprenait le président arménien Armen Sarkissian mais pas Ilham Aliyev ; à la place, l’Azerbaïdjan a envoyé le président de son Parlement, Ogtay Asadov.
Et si Israël a ostensiblement des relations beaucoup plus étroites avec l’Azerbaïdjan qu’avec l’Arménie majoritairement chrétienne, ce sont les Arméniens – et non les Azerbaïdjanais – qui envisagent d’ouvrir une ambassade à Tel Aviv cette année.
Malgré cela, le gouvernement israélien a jusqu’à présent refusé de reconnaître comme un génocide le massacre de plus d’un million d’Arméniens par les Turcs ottomans en 1915. Le 17 décembre, une semaine après le vote à l’unanimité du Sénat américain en ce sens, le Département d’État a déclaré qu’il n’était pas d’accord.

« La position de l’administration [Trump] n’a pas changé », est-il indiqué, contredisant directement le Congrès dans un communiqué qui a plu au président turc Recep Tayyip Erdoğan – ainsi qu’à l’un des plus fidèles alliés de la Turquie, l’Azerbaïdjan.
Interrogé sur le refus de M. Trump de suivre le Congrès, M. Aliyev a répondu qu’en tant que membre du gouvernement, il n’était pas autorisé à faire des commentaires.
« Mais sur le plan personnel, je suis d’accord avec Trump », a-t-il déclaré. « Bien sûr, le Sénat l’a approuvé parce que les Arméniens ont beaucoup de partisans au Congrès. Comme l’a déclaré le président Trump, c’est une histoire inventée de toutes pièces. Cependant, notre ministère des Affaires étrangères devrait déclarer notre position officielle ».
La visite de ce reporter en Azerbaïdjan, ainsi que le transport dans le pays, ont été organisés et financés par le ministère azerbaïdjanais de la Diaspora.
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