Aux cris de « Fake news », Lapid emprunte le manuel politique de Netanyahu
Quelque chose - peut-être la chute de son parti dans les sondages - a ennuyé le président de Yesh Atid qui semble décidé à passer à l'offensive

La clique de journalistes rassemblés lors d’une récente réunion de faction hebdomadaire de Yesh Atid s’est clairement distinguée des rendez-vous précédents depuis l’entrée de la formation au parlement en 2013.
Avec le politicien et ancien présentateur à la télévision Yair Lapid à la barre, Yesh Atid est parvenu à transformer la séance photo informelle et les quelques déclarations publiques – que les partis politiques font généralement au commencement de la semaine législative – en conférence de presse plus conventionnelle et plus respectable.
Lapid avait été le premier à introduire un arrière-plan aux couleurs de son parti remplissant le cadre placé derrière lui lorsqu’il prenait la parole depuis une tribune également colorée de la même façon.
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Lorsque les journalistes, à la Knesset, avaient affirmé qu’ils ne couvriraient plus les réunions de parti variées à moins que les questions ne soient autorisées, Lapid avait été le premier à accepter la demande et à déterminer une liste officielle des demandes soumises par les médias. Les autres formations politiques avaient suivi.
Et, ancien initié du monde des médias, Lapid s’était toujours assuré que ses propos, lors des réunions, comporteraient au moins une petite phrase sous forme de punchline digne de faire un gros titre. Les autres formations politiques ont suivi – comme elles le pouvaient.

Mais lors de cette réunion de faction, c’est Lapid qui a semblé à la traîne.
Il a longuement exposé les « fake news » qui, selon lui, sont propagées à son sujet dans un discours qu’il aurait pu directement emprunter au manuel politique de Benjamin Netanyahu.
Suite à une déclaration brève blâmant le gouvernement pour un manque de cohérence dans la politique de réponse aux violences récentes survenues sur la frontière avec Gaza, Lapid s’est lancé dans une diatribe animée avec une frustration inhabituelle et manifeste.
« Au cours des dernières semaines, nous avons assisté à une attaque énorme sous forme de ‘fake news’ contre Yesh Atid et contre moi personnellement », a accusé Lapid. « Cela fait plus de six ans que je fais de la politique maintenant. Avant cela, j’ai travaillé dans les médias pendant plus de trente ans. Je n’ai jamais assisté à un tel déferlement de mensonges ».
L’usage de l’expression « fake news » aura instantanément rappelé les propres railleries de Netanyahu dans sa gestion des critiques dirigées à son encontre.
Tandis que c’est au président Donald Trump que l’on doit la nouvelle popularité de l’expression, c’est Netanyahu, qui doit faire face à de nombreuses enquêtes criminelles pour corruption présumée, qui l’a introduite dans le lexique politique israélien : En accusant les médias de se livrer à des « chasses aux sorcières » contre lui, en qualifiant des journalistes spécifiques de « partiaux » et « d’indignes de confiance », et en dénonçant les récits à son sujet – selon lui, des « fake news » disséminées par des ennemis.

De manière similaire, Lapid a dénoncé la circulation de « mensonges » contre lui de la part de ses adversaires politiques de gauche et de droite.
« Ils ne viennent pas de la marge, ils viennent des responsables. Ce sont les gens de Netanyahu qui dirigent cette campagne, mais l’Union sioniste, elle aussi, s’y est investie », a-t-il clamé, ajoutant : « Ils font se propager des mensonges sans rougir ».
Selon le chef de Yesh Atid, Netanyahu et le président de l’Union sioniste, Avi Gabbay, « se sont persuadés qu’il n’y a pas de problème à mentir, qu’il n’y a pas de problème à dénaturer, et qu’il n’y a pas de problème à inventer des choses » pour remporter quelques points politiques.
« Il n’y a pas un seul outil dont ils ne se servent pas. Des profils anonymes. De fausses citations. De fausses pages. Cette campagne entière en zig-zag est basée sur des choses que je n’ai jamais dites », a dit Lapid, se référant aux allégations récentes portant sur des changements d’opinion presque quotidiens chez lui.
« Ils sortent les choses de leur contexte. Des choses sans lien avec la réalité », a ajouté Lapid en évoquant Netanyahu et « ses gens ».
Tout en ne mettant notablement pas la presse en cause – comme Netanyahu l’a fait de manière répétée – Lapid a posé un « défi aux médias » ainsi qu’aux forces chargées de l’application de la loi qui, a-t-il indiqué, devraient se pencher sur cette imposture présumée.
« Il est temps que quelqu’un ouvre une enquête : Qui finance cette campagne ? Quelles en sont les sources ? C’est beaucoup d’argent. Qui rémunère tous ceux qui passent toute la journée sur Twitter et sur Facebook pour me dénigrer et dénigrer Yesh Atid ? Combien d’entre eux sont payés par les coffres du gouvernement ? Est-ce que c’est là le rôle d’un employé du bureau du Premier ministre ? Répandre des mensonges sur les opposants politiques ? », s’est-il interrogé, les lèvres pincées, clairement furieux face au portrait fait de lui de politicien versatile et inepte, changeant constamment de positionnement sur des sujets déterminants.
Interrogé sur des exemples d’une telle malveillance à son encontre, un responsable de Yesh Atid a souligné les tweets souvent lapidaires à l’encontre de Lapid de Topaz Luk et de Yonatan Erich, conseillers en réseaux sociaux pour le bureau du Premier ministre et pour le parti du Likud respectivement, et plusieurs pages Facebook publiant des posts et des memes tournant l’homme en ridicule.
לפיד על גנדלמן: "אני גאה בצביקה גנדלמן, ראש העיר הראשון שלנו, שמביא לחדרה יושרה ופוליטקה חדשה במקום קומבינות וכתבי אישום…
Posted by חלאס יאיר on Monday, 4 June 2018
Une telle page, intitulée « Assez, Yair », présente en effet quelques signes indicateurs d’un soutien financier significatif avec des posts qui ont été largement promus par des publicités payantes sur Facebook. Et les administrateurs anonymes de la page n’ont pas répondu à des demandes répétées du Times of Israel concernant leur identité ou l’origine de leurs fonds.
Ripostant à ces accusations, l’Union sioniste et le bureau du Premier ministre ont nié financer des campagnes anti-Lapid sur Facebook ou ailleurs.
Que les récriminations de Lapid soient justifiées ou non, sa tirade contre ses détracteurs signifie un changement de direction téméraire – et paniqué – suite à une série de sondages montrant que son parti perd un soutien croissant au profit du Likud de Netanyahu.
Avec actuellement onze sièges à la Knesset, Yesh Atid avait pris son essor dans les sondages, prenant le pas du Likud, fort de 30 fauteuils. Ces derniers mois, la formation au pouvoir a toutefois récupéré ses soutiens et les derniers sondages prévoient un raz-de-marée de 42 sièges pour le Likud, contre 18 pour Yesh Atid.
Tout comme la baisse de Yesh Atid, les sondages indiquent également que les hauts-cris poussés par Netanyahu sur des « fake news » ont pu l’aider à persuader l’opinion publique de ne pas tenir compte des informations négatives parues à son sujet dans les médias, une initiative que Lapid pourrait reprendre à son compte pour stimuler ses propres soutiens.
Et en effet, Lapid a reconnu son changement de tactique, disant aux journalistes qu’il avait décidé de passer « de la défense à l’attaque » tout en niant le lien avec une éventuelle baisse de sa popularité.
Il a préféré affirmer que les chiffres, dans les enquêtes publiques, ne cessent de fluctuer et que lui-même retrouverait bientôt sa domination : « Rien ne va nous arrêter. Yeh Atid vaincra la vieille politique et les fake news ».
Quelques minutes plus tard, les conseillers de Netanyahu pour les réseaux sociaux étaient de retour sur Twitter.
« Si Lapid entre dans un tel état de panique à cause d’une page Facebook anonyme contre lui, comment réagira-t-il face aux pressions réelles que le Premier ministre doit affronter ? », a raillé Erich, le conseiller pour le Likud, ignorant les propres plaintes de Netanyahu portant sur les « fake news » mais apparemment imperturbable devant le discours prononcé par le leader de Yesh Atid.
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