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Aux environs de Philadelphie, une armée de militants vise l’électorat juif

Venant de loin - parfois de Chicago, New-York City ou DC - des bénévoles des deux partis cherchent à convaincre leurs coreligionnaires dans cet État pivot que leur candidat sera le meilleur pour eux

Suzan Lopatin montre son tatouage "Plus jamais ça" avant de faire du démarchage pour la vice-présidente Kamala Harris dans la banlieue de Philadelphie, en Pennsylvanie, le 20 octobre 2024. (Crédit : Ron Kampeas/JTA)
Suzan Lopatin montre son tatouage "Plus jamais ça" avant de faire du démarchage pour la vice-présidente Kamala Harris dans la banlieue de Philadelphie, en Pennsylvanie, le 20 octobre 2024. (Crédit : Ron Kampeas/JTA)

BALA CYNWYD, Pennsylvania (JTA) — C’est la deuxième fois, au cours des trente derniers jours, que Benny Stanislawski fait le voyage qui sépare les circonscriptions juives de la banlieue de Washington et les circonscriptions juives de la banlieue de Philadelphie – ce qui représente trois heures de route. il a abandonné sa voiture, préférant emprunter le minivan de sa mère.

Il dit avoir eu besoin de l’espace que lui offre la Honda Odyssey 2019, qui est recouverte des autocollants des établissements d’enseignement supérieur qui avaient été fréquentés par les cinq enfants Stansilawski – car cette fois-ci, il a emmené avec lui cinq autres militants juifs, âgés d’une vingtaine d’années, qui travaillent pour les Démocrates au sein du Congrès américain.

En cette journée de dimanche, lui et ses compagnons de route intègrent le groupe de cent militants juifs environ venus pour faire la promotion de la candidature à la Maison Blanche de la vice-présidente américaine Kamala Harris. Certains arrivent de loin – Chicago, New York ou Washington, DC – pour faire du porte-à-porte dans des banlieues comme celle-ci, où des panneaux « Je suis solidaire d’Israël » trônent sur de grandes pelouses.

« Le chemin vers la présidence passe par la Pennsylvanie », s’exclame Eva Wyner, qui est la directrice de campagne de Harris chargée des relations avec la communauté juive, devant les militants. « Ce chemin passe ici-même, dans le comté de Montgomery. En 2020, Joe Biden a remporté la Pennsylvanie par moins de cinq voix par circonscription. Cinq voix par circonscription ! »

La population juive de l’État est estimée à 400 000 personnes.

L’équipe de campagne de Harris considère les électeurs juifs qui habitent dans sept États déterminants comme des cibles essentielles et, le même jour, deux vedettes démocrates, le député new-yorkais Ritchie Torres et Doug Emhoff, le second gentleman juif, sont arrivés dans la région de Detroit pour présenter leurs arguments devant les Juifs du Michigan. L’équipe de campagne de Harris a programmé, pour ses militants, une autre escapade en Pennsylvanie – ce sera à Pittsburgh, le 3 novembre, à quarante-huit heures de l’élection.

« La Pennsylvanie abrite 45 % des électeurs juifs qui résident dans les États-bascule », déclare Halie Soifer, directrice du Jewish Democratic Council of America, aux militants qui se sont rassemblés devant elle. « Nous sommes ici pour une bonne raison et nous sommes ici pour nous assurer que non seulement les électeurs juifs se rendront bien aux urnes, mais aussi qu’ils s’y rendront pour y glisser un bulletin de Kamala Harris ».

Les militants démocrates ne sont pas seuls. Le jour où ils s’aventurent dans les longues allées caractéristiques de cette banlieue, plus de 50 bénévoles de la Republican Jewish Coalition sont également dans les parages pour soutenir leur candidat, Donald Trump, comme ils le font depuis des mois (La RJC n’avait pas répondu à une demande de commentaire au moment de la rédaction de cet article). Avec un message : Le soutien apporté par l’administration Biden-Harris à Israël dans sa guerre contre le Hamas a faibli alors que celui de Trump est resté inébranlable.

Les Juifs de Pennsylvanie et les inquiétudes qu’ils ressentent attirent l’attention – parce qu’il devient de plus en plus manifeste que le scrutin pourrait facilement basculer dans quelques dizaines de districts, notamment dans les banlieues très juives de Philadelphie.

Dimanche, Dana Bash, de CNN, reçoit des invités dans un restaurant local populaire, Hymie’s, où le RJC a choisi de tourner son spot publicitaire de clôture.

Plusieurs politiciens juifs éminents sont originaires du comté de Montgomery, appartenant aux deux côtés de la sphère politique. Le gouverneur Démocrate de Pennsylvanie, Josh Shapiro, a grandi dans la région et il l’a représentée avant d’être élu à une fonction étatique (et avant également d’intégrer la shortlist des candidats à la vice-présidence aux côtés de Harris, qui a finalement choisi Tim Walz). Mort Klein, le directeur de la Zionist Organization of America, vit à Bala Cynwyd et il est un fervent partisan de Trump. Deux grands donateurs Juifs au parti républicain, Jeffrey Yass et Arthur Dantchik, habitent, pour leur part, à quelques minutes de là – des manifestations ont d’ailleurs eu lieu aux abords de leurs domiciles respectifs, les protestataires dénonçant le soutien qu’ils apportent à des groupes de droite en Israël.

Des manifestants contre Kohelet Policy Forum brandissant des panneaux critiquant Arthur Dantchik près de la maison de ce dernier, dans les faubourgs de Philadelphie, le 26 mars 2023. (Crédit : Roy Boshi)

Ces banlieues ne sont évidemment pas à cent pour cent juives, mais les équipes de campagne misent sur les affinités ethniques. Les militants démocrates, qui ont commencé la journée en grignotant des bagels et des petits gâteaux aux pépites de chocolat dans une souccah installée à l’extérieur d’un bâtiment universitaire local qui fait également office de synagogue, sont imprégnés des arguments démocrates juifs susceptibles de faire pencher la balance en faveur de Harris.

Ils discutent les uns avec les autres, faisant la promotion de leur message à travers un argumentaire ponctué de mots en hébreu et de références à la période des grandes fêtes juives.

Stanislawski, à la tête du service de communication d’un éminent politicien démocrate, a préparé un discours d’encouragement pour son équipe (demandant à ce que son boss ne soit pas identifié – le travail de démarchage politique étant distinct de son travail au Congrès).

Stanislawski raconte que, la semaine dernière, il a rencontré un couple israélo-américain qui venait de revenir aux États-Unis. Ils étaient réticents à l’idée de voter pour Trump – mais ils nourrissaient de fortes inquiétudes au sujet de Harris, une inconnue pour eux.

La femme s’est rapidement ralliée à Harris mais le mari a été plus difficile à convaincre, note Stanslawski.

« Je lui ai alors dit que Trump avait déclaré que le Hezbollah était ‘très intelligent’, » se souvient Stanislawski, « et c’est ce qui a fait pencher la balance en sa faveur. Lorsque je suis parti, ils avaient une pancarte ‘Kamala’ au-dessus de leur porte ».

Trump avait fait l’éloge de l’intelligence du Hezbollah quelques jours après le pogrom commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre – même si ces propos avaient voulu être une critique à l’égard du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui avait été incapable de préparer l’État juif à un tel assaut. Le Hezbollah avait rejoint le conflit vingt-quatre heures après le déclenchement de la guerre par le Hamas. Israël combat actuellement le groupe terroriste soutenu par l’Iran sur le territoire libanais.

Un échange qui s’avère être emblématique de la mission que mènent ces militants juifs profondément impliqués dans le processus politique – relayant les arguments et les informations qui favorisent leur candidat avec pour objectif d’influencer les électeurs qui, Juifs ou non, n’ont pas nécessairement eu connaissance de tout ce qui a marqué la vie politique au cours du temps, événements ou controverses.

La candidate Démocrate à la présidence et actuelle vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, s’exprimant lors d’une assemblée publique, à Aston, en Pennsylvanie, le 23 octobre 2024. (Crédit : Matt Rourke/AP)

« Cette élection sera gagnée ou elle sera perdue sur le terrain, et nous avons besoin de votre aide pour contacter chaque électeur de Pennsylvanie », explique Wyner avant que les militants ne se mettent en route. « Le moyen le plus efficace de mobiliser les électeurs est d’écouter les sympathisants issus de leur propre communauté, c’est-à-dire des gens comme vous ».

Les militants ont en tête un fort argumentaire juif au cas où ils rencontrent des électeurs juifs encore indécis.

Suzan Lopatin, éducatrice juive à la retraite qui vit dans le comté voisin de Bucks, explique craindre que la campagne condensée de Harris – une campagne qui avait été lancée au mois de juillet après le retrait de la course à la Maison Blanche du président américain Joe Biden – n’ait pas permis à son message pro-israélien d’arriver jusqu’aux électeurs.

« Harris était largement inconnue et elle a été dans l’incapacité de diffuser ses convictions de manière aussi large que Trump a pu le faire », regrette-t-elle.

Lopatin, qui est âgée de 64 ans, indique qu’elle met à profit ses vastes connaissances sur la Shoah – un sujet qu’elle a enseigné et elle ajoute posséder, chez elle, des centaines de livres sur cette période – pour défendre son point de vue. Elle s’est également munie de nombreuses citations de Trump – ses menaces de violences à l’égard des manifestants, ses propos ambigus lors du rassemblement néonazi meurtrier de Charlottesville, en Virginie, en 2017, ou ses interventions qui avaient révélé son incapacité à endiguer la prise d’assaut du 6 janvier 2021, une prise d’assaut qui avait été entraînée par son refus de reconnaître sa défaite électorale.

Lopatin dit qu’elle prévoit de montrer son tatouage – « Plus jamais ça » a été écrit sur son bras – en frappant aux portes.

« Je pense que l’expression ‘Plus jamais ça’ est très importante », explique-t-elle. « Cet homme détruirait les gens ».

Les démocrates considèrent que l’anxiété que suscite Trump est un facteur déterminant s’agissant d’inciter les hésitants à aller voter et à sortir de leur réserve.

Benny Stanislawski discute avec un électeur lors d’une campagne pour la vice-présidente américaine Kamala Harris à Bala Cynwyd, Pennsylvanie, le 20 octobre 2024. (Crédit : Ron Kampeas/JTA)

Et c’est peut-être un discours qui résonne auprès des électeurs. « Je vais voter pour Kamala, mais plus encore, je vais voter contre Donald », s’exclame Richard Weschler en s’adressant à Stanislawski et à ses amis lorsqu’il les rencontre dans une rue de cette banlieue. Après avoir été informé de la présence d’un journaliste, il hésite à donner son nom dans un premier temps : « Je ne veux pas d’alertes à la bombe », dit-il.

Melanie Nathan, cofondatrice de la page Facebook Jewish Women for Kamala Harris (une page distincte de Jewish Women for Kamala), déclare qu’elle et les autres administratrices du compte répondent souvent à des questions de femmes qui se montrent catégoriques sur le fait qu’elles ne voteront pas pour Trump, mais qui sont inquiètes concernant Harris. Elle et Carol Goldman, l’autre cofondatrice du groupe, affirment que la page compte 31 000 membres et que l’ajout de 10 000 nouveaux profils est actuellement en cours d’examen. Goldman raconte que certains messages directs ont donné lieu à de longs appels téléphoniques.

Nathan, qui dirige une ONG qui cherche à aider des demandeurs d’asile LGBT en provenance d’Afrique à s’installer aux États-Unis, indique qu’elle a une vision plus globale de la situation : Quels que soient les propos tenus récemment par l’un ou par l’autre des candidats, Harris a toujours défendu les intérêts des Juifs, alors que Trump a été irrégulier dans son soutien. Elle rappelle que ce dernier a snobé Netanyahu pendant des années parce que le Premier ministre avait félicité Biden après l’élection de 2020.

« Je n’ai aucun doute sur le fait que viendra un jour où il dira à nouveau ‘F- Bibi’, » dit Nathan qui est âgée de 68 ans.

Les campagnes juives ont tendance à mettre l’accent sur les aspects négatifs du candidat rival.

Le spot final de la RJC met ainsi en scène une conversation entre trois femmes sur les liens présumés qu’entretiendrait Harris avec des radicaux, avec un « Oy vey ! » angoissé. L’une des trois protagonistes déclare : « Je n’ai jamais aimé Trump, mais lui, au moins, il nous protégera ! »

De même, le clip final du JDCA se concentre sur des prédictions sinistres en cas de victoire de Trump. « Donald Trump fait ouvertement des Juifs ses boucs émissaires », est-il écrit dans le clip – une référence faite à l’avertissement lancé par le candidat républicain le mois dernier, qui avait dit que les Juifs seraient les seuls responsables de son éventuelle défaite.

La RJC a dépensé 15 millions de dollars pour sa campagne, tandis que le JDCA a déboursé 2 millions de dollars.

Des personnes écoutent l’ancien président Donald Trump s’exprimer à distance lors d’une réunion annuelle des dirigeants de la Coalition juive républicaine, samedi 19 novembre 2022, à Las Vegas. (Crédit : John Locher/AP)

Ce week-end, Stanislawski et ses amis n’ont pas été beaucoup invités à entrer dans les foyers. De nombreuses personnes ont déjà voté pour Harris lors du scrutin anticipé. Faisant référence à l’élection de Trump en 2016, un homme crie depuis sa fenêtre : « Je ne laisserai pas ça arriver à nouveau ! »

Les militants doivent aussi faire face à un rival de poids : un match entre les Eagles de Philadelphie et les Giants de New York (les Eagles ont battu les Giants 28 à 3). Quelques minutes avant le coup d’envoi du match, un homme indique : « Tout va bien, merci », une fillette vêtue d’un sweat-shirt des Eagles accrochée à sa jambe.

Certains habitants semblent plus intéressés par les militants que par le message qu’ils doivent transmettre. Une employée du Congrès raconte que plusieurs personnes ont été impatientes de lui expliquer que leurs fils en âge de voter étaient partis, faisant des études en faculté de médecine.

Il y a parfois des pancartes de Trump sur les pelouses – pas beaucoup, mais plus qu’en 2020, c’est du moins ce qu’affirment les habitants. « Pro-Israël, pro-Trump », lit-on sur un panneau.

Alors que les militants se mettent en route, le représentant Brad Schneider, un démocrate juif de l’Illinois, utilise une métaphore juive de saison en guise d’encouragement.

« Nous secouons ce loulav, au nord, au sud, à l’est et à l’ouest, parce que nous devons être partout, parce que nous devons faire passer le message et parce qu’au sens littéral du terme, c’est l’avenir du monde qui en dépend », dit-il.

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