Biden : Israël et le Hamas sont « sur le point » de conclure un accord sur les otages
Dans son dernier discours de politique étrangère, le président américain a noté que l'Iran était d'une faiblesse historique et a vanté le rétablissement d'alliances internationales au cours des quatre dernières années
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Le président américain Joe Biden a fait savoir, lundi, que les négociations de longue haleine portant sur la libération de près de cent otages à Gaza et sur un cessez-le-feu au sein de l’enclave côtière étaient « enfin en train de porter leurs fruits » après près de quinze mois – alors que lui-même s’apprête à mettre un terme à son mandat après avoir fait de la guerre et de la cause des otages détenus dans la bande l’une de ses principales priorités en matière de politique étrangère.
Les négociateurs et les responsables du Qatar semblent indiquer qu’un accord pourrait être conclu dans les jours prochains et Biden a expliqué, alors qu’il se trouvait au département d’État, que « nous sommes sur le point » de conclure un accord dont le cadre est celui d’une proposition américano-israélienne qu’il avait lui-même rendue publique au mois de mai dernier.
« Mes nombreuses années de service public m’ont appris à ne jamais, jamais, jamais, jamais abandonner », a-t-il dit à l’occasion de son dernier discours de politique étrangère à Foggy Bottom.
« L’accord dont nous avons conçu le cadre ouvrirait la porte à la remise en liberté des otages, à la fin des combats ; il assurera la sécurité d’Israël et il renforcera de manière considérable l’aide humanitaire en direction des Palestiniens qui ont terriblement souffert de la guerre déclenchée par le Hamas », a précisé Biden.
Un responsable qui n’a pas souhaité être identifié a noté que le Qatar avait présenté le texte de l’accord aux deux parties lors de discussions à Doha. Les chefs des agences de sécurité israéliennes, le Mossad et le Shin Bet, ainsi que le Premier ministre du Qatar étaient présents.
Les États-Unis, l’Égypte et le Qatar ont été les principaux pays médiateurs dans les négociations depuis le début des pourparlers – qui avaient commencé dans les premières semaines qui avaient suivi le pogrom commis dans le sud d’Israël par le Hamas, le 7 octobre 2023. Les hommes armés avaient massacré plus de 1 200 personnes et 251 personnes avaient été kidnappées et emmenées en captivité à Gaza. Selon Israël, 94 d’entre elles se trouvent toujours dans les geôles du groupe terroriste. Près de la moitié d’entre eux auraient perdu la vie.

Une nouvelle série d’échanges est prévue à Doha, dans la matinée de mardi, des échanges qui permettront de finaliser les derniers détails. L’envoyé de Biden, Brett McGurk, devrait y participer aux côtés de Steve Witkoff, qui sera l’envoyé de Trump au Moyen-Orient lorsque le président élu prendra ses fonctions le 20 janvier – une date devenue une échéance de facto pour les négociations. Les deux hommes ont pris part à des négociations dans la nuit de dimanche à lundi, des discussions qui ont permis aux deux parties de faire une avancée, a indiqué le responsable.
De son côté, un responsable israélien a noté que les négociations qui permettraient à 33 otages de recouvrer la liberté dans le cadre de la première phase d’un potentiel accord en étaient à un stade avancé. La délégation envoyée à Doha par le Hamas a diffusé un communiqué à l’issue d’une réunion avec l’émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, indiquant que les discussions progressaient bien.
Biden a confié qu’il s’était entretenu avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu sur cette question, dimanche, et qu’il a parlé avec l’émir du Qatar dans la journée de lundi. Il devrait également échanger avec le président égyptien, ce qui témoigne d’un engagement au plus haut-niveau – ce qui est souvent signe de négociations atteignant leur apogée.
De nombreux éléments de l’accord envisagé restaient encore flous dans la journée de lundi, notamment l’envergure et le calendrier du redéploiement militaire d’Israël et du retrait de Gaza de Tsahal. La description faite par Biden « d’un arrêt » des combats a marqué une rupture avec des déclarations antérieures sur le même sujet – même s’il n’est pas certain que le choix des mots ait eu une signification réelle. Par le passé, Israël avait exigé qu’un accord ne comprenne qu’une interruption des hostilités et non un cessez-le-feu permanent.
Le président américain a souligné que les Palestiniens de Gaza « ont vécu l’enfer – tant d’innocents ont été tués, tant de communautés ont été détruites ».

« Le peuple palestinien mérite la paix et il mérite le droit de déterminer son propre avenir. Israël mérite la paix et une véritable sécurité, et les otages et leurs familles méritent d’être réunis. C’est pourquoi nous travaillons à la conclusion de cet accord avec un sentiment d’urgence », a-t-il expliqué.
S’il a appelé à la paix et à l’autodétermination des Palestiniens, il n’a fait aucune référence à une éventuelle solution à deux États.
L’administration de Joe Biden a toujours soutenu ce cadre de la solution à deux États – mais elle avait relégué d’emblée le conflit israélo-palestinien au second plan, estimant que les conditions n’étaient pas réunies pour de nouvelles négociations de paix dans le conflit, des négociations aux enjeux considérables.
Pendant la majeure partie de son mandat, Biden a plutôt pris des mesures dont l’objectif était de renforcer les perspectives d’un éventuel accord entre deux États.
Après le pogrom du Hamas, le 7 octobre, il avait pris conscience du fait que le dossier ne pouvait pas se contenter d’être géré au coup par coup et en conséquence, les responsables de son administration avaient insisté de manière croissante sur la nécessité de rechercher une solution fondée sur la coexistence de deux États, une fois les armes déposées à Gaza.
Les propos tenus par Joe Biden n’ont pas mentionné un potentiel plan américain concernant la prise en charge de la bande de Gaza dans l’après-guerre – l’une des questions les plus épineuses encore en suspens mais qui ne sera probablement abordée que dans les phases ultérieures de l’accord.

La guerre à Gaza a également éloigné la perspective de la conclusion d’un accord de normalisation des liens entre Israël et l’Arabie saoudite – un accord sur lequel l’administration Biden avait travaillé avec âpreté, affirmant qu’il était à portée de main. Mais l’Arabie saoudite a exigé d’Israël un engagement, dans un délai précis, en faveur de la solution à deux États – ce que Netanyahu a toujours refusé.
Cet accord potentiel n’a pas été mentionné directement dans le discours de Biden, le président se contentant d’une vague référence à son sujet lorsqu’il a appelé la nouvelle administration à « capitaliser sur un nouveau moment en faveur d’un Moyen-Orient plus stable et plus intégré ».
Les défenses aériennes de l’Iran sont complètement détruites
« Avez-vous jamais envisagé que nous en serions là avec l’Iran ? » , a lancé Biden dans le cadre de son discours, tout en rappelant l’attaque « méprisable » du Hamas, groupe terroriste soutenu par la république islamique, le 7 octobre 2023 ainsi que les attaques de missiles de Téhéran qui ont pris pour cible Israël au mois d’avril et au mois d’octobre 2024.
« Ils ont échoué à deux reprises parce que les États-Unis avaient mis en place une coalition de pays pour les arrêter et parce que j’ai ordonné aux avions américains de venir défendre Israël », a-t-il dit, évoquant les Iraniens.
« Aujourd’hui, les défenses aériennes de l’Iran sont complètement détruites », a ajouté Biden, qui a souligné que le Hezbollah était « grièvement blessé » et que le régime d’Assad s’était effondré en Syrie.

Alors que l’Iran est plus proche que jamais de l’arme atomique – des avancées à pas de géant qui se sont faites sous son mandat – Joe Biden a affirmé que son administration avait maintenu la pression sur la république islamique en infligeant des sanctions qui ont laissé l’économie de Téhéran dans une « situation désespérée ».
Biden avait pris ses fonctions en faisant la promesse de relancer l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, le JCPOA, qui avait été abandonné par son prédécesseur, Donald Trump. Les initiatives entreprises n’avaient jamais abouti en raison de l’intransigeance de l’Iran, selon Washington.
« Et tout compte fait, l’Iran est plus faible qu’il ne l’a jamais été depuis des décennies », a affirmé Biden, qui a appelé la future administration Trump à « poursuivre l’engagement de l’Amérique, qui est qu’elle ne permettra jamais, jamais, à l’Iran de se doter d’une arme nucléaire ».
« Je ne peux pas m’attribuer le mérite de tous les facteurs qui ont conduit à l’affaiblissement de l’Iran et de la Russie au cours des quatre dernières années. Ils ont entraîné beaucoup de dommages par eux-mêmes, et Israël a infligé beaucoup de dégâts à l’Iran et à ses supplétifs, mais il ne fait aucun doute que nos actions ont contribué à cette nouvelle faiblesse de manière significative », a dit le président américain.
Biden a également vanté les mérites de la coalition qu’il avait mise en place pour assurer la protection des navires civils en mer Rouge contre les attaques des Houthis. Il a appelé la nouvelle administration à « maintenir la pression » sur les rebelles yéménites soutenus par l’Iran.
« Aujourd’hui, je peux annoncer au peuple américain que nos adversaires sont plus faibles qu’ils ne l’étaient lorsque nous sommes entrés en fonction il y a quatre ans », a-t-il affirmé, se félicitant des efforts déployés pour rétablir les alliances des États-Unis à l’international.

Dans son discours, le président américain sortant s’en est pris à la Russie et a il exhorté l’Occident à continuer à soutenir l’Ukraine.
Mais sa cible implicite a été Trump. Il s’est vanté d’avoir rétabli des alliances internationales au cours des quatre dernières années, des alliances qui avaient pâti lors du premier mandat chaotique de son rival républicain.
« Les États-Unis sont en train de gagner la compétition mondiale par rapport à il y a quatre ans », a dit Biden, acclamé par les diplomates qui étaient réunis au département d’État.
« L’Amérique est plus forte. Nos alliances sont plus fortes, nos adversaires et nos concurrents sont plus faibles », a-t-il ajouté.
Le démocrate a noté que les partenaires des États-Unis, au sein de l’alliance militaire de l’OTAN, « payaient désormais leur part ».
Trump avait critiqué à plusieurs reprises les pays membres de l’OTAN, allant jusqu’à déclarer à un moment donné qu’il encouragerait la Russie à faire « ce qu’elle voulait » aux alliés qui ne payaient pas leur dû.

Le futur président a également exprimé son admiration pour le président russe Vladimir Poutine – mais Biden a raillé ce dernier au sujet de l’invasion de l’Ukraine.
« Lorsque Poutine a envahi l’Ukraine, il pensait conquérir Kiev en quelques jours. La vérité, c’est que depuis le début de cette guerre, c’est moi qui me suis tenu au centre de Kiev, ce n’est pas lui », s’est-il amusé.
Biden était devenu le premier président américain en exercice à se rendre dans une zone de guerre non-contrôlée par les forces américaines lors d’une visite secrète effectuée dans la capitale ukrainienne, en 2023.
Il a estimé que les États-Unis et leurs alliés « ne peuvent pas se désengager » de l’Ukraine, à laquelle Washington a envoyé des milliards de dollars d’aide militaire depuis le début de la guerre en 2022.
« Il y a encore beaucoup à faire », a continué Joe Biden.

Trump s’est engagé à finaliser un accord de paix entre la Russie et l’Ukraine « dans les 24 heures » suivant son arrivée au pouvoir. Kiev, de son côté, redoute l’imposition d’un cessez-le-feu qui verrait l’Ukraine céder des territoires à Moscou.
Pour sa part, Biden a également insisté sur le fait que la Chine « ne nous dépassera jamais » et que les États-Unis resteront la superpuissance dominante dans le monde.
« D’après les dernières prévisions, la Chine ne nous dépassera jamais si elle continue sur sa lancée, point final », a-t-il déclaré.
Il a ajouté que Washington avait su gérer ses liens complexes avec Pékin et que ces relations n’avaient « jamais basculé dans le conflit » au cours de ses quatre années de présidence.
Le président, âgé de 82 ans, a enfin exhorté l’administration Trump à poursuivre les politiques menées par son administration en matière d’énergie verte et d’environnement. Il a affirmé que les négationnistes et autres climatosceptiques avaient « tout faux » et qu’ils « appartiennent à un autre siècle ».
Le discours de politique étrangère de Biden sera suivi d’un discours d’adieu à la nation qui sera diffusé depuis le bureau ovale en prime time, mercredi.