Israël en guerre - Jour 494

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Brève crise diplomatique Pologne/Israël sur le rôle de Varsovie pendant la Shoah

Varsovie avait été irrité par des propos de Netanyahu qui accusait la nation d'avoir "coopéré avec les nazis"; le bureau du Premier ministre dénonce une "manipulation médiatique"

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le président polonais Andrzej Duda et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pendant la conférence sur la paix et la sécurité au Moyen-Orient à Varsovie, le 13 février 2019 (Crédit : Janek SKARZYNSKI / AFP)
Le président polonais Andrzej Duda et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pendant la conférence sur la paix et la sécurité au Moyen-Orient à Varsovie, le 13 février 2019 (Crédit : Janek SKARZYNSKI / AFP)

La Pologne a semblé mettre un terme vendredi matin à une courte crise diplomatique l’opposant à Israël en raison de propos tenus par le Premier ministre Benjamin Netanyahu au sujet de la collaboration polonaise avec les nazis. Le pays a affirmé avoir obtenu des clarifications de la part du gouvernement israélien qui avaient su atténuer ses inquiétudes.

Le bureau présidentiel a incriminé une « manipulation médiatique » de la part du Jerusalem Post pour expliquer le malentendu entraîné par les paroles prononcées par Netanyahu.

La crise a émergé après que le Times of Israel a interrogé Netanyahu, qui se trouvait au sommet sur le Moyen-Orient de Varsovie, sur un accord controversé passé entre Israël et la Pologne l’année dernière suite à une polémique entraînée par une nouvelle loi adoptée dans le pays, qui criminalisait toute incrimination de la nation polonaise dans les crimes commis pendant la Shoah.

Devant les journalistes et en réponse à la question, Netanyahu a nié les suggestions de révisionnisme historique : « Ici, je dis que les Polonais ont coopéré avec les nazis. Je connais l’histoire et je ne la blanchis pas. Je la fais apparaître », a-t-il répondu.

Un article du Jerusalem Post (qui a été supprimé depuis) aurait mal retranscrit les propos du leader israélien, disant qu’il avait affirmé que « les Polonais » avaient collaboré avec « les nazis ». Selon certains médias, Netanyahu aurait déclaré que « des Polonais ont coopéré avec les nazis », même si le bureau du Premier ministre a clairement établi ultérieurement qu’il n’avait pas parlé des Polonais dans leur ensemble.

Le président polonais Andrzej Duda, à gauche, et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, à droite, parlent après une photo de groupe au château royal de Varsovie, en Pologne, le 13 février 2019 (Crédit : AP/Czarek Sokolowski)

Ces propos ont rapidement amené le président polonais Adrzej Duda à menacer de boycotter un sommet de haut-niveau prévu en Israël.

Suite à la polémique, Duda a écrit sur Twitter que si Netanyahu avait véritablement eu ces mots, il offrirait d’organiser lui-même une prochaine rencontre du groupe Visegrad en lieu et place d’Israël, comme prévu initialement.

L’Etat juif doit accueillir les Premiers ministres des quatre pays du groupe – Mateusz Morawiecki (Pologne), Andrej Babis (République tchèque), Peter Pellegrini (Slovaquie), et Viktor Orban (Hongrie) — à Jérusalem, le 18 et le 19 février.

« Dans ce contexte, Israël n’est pas le bon endroit où se rencontrer », a commenté Duda.

Néanmoins, l’ambassade israélienne en Pologne a contacté jeudi soir les autorités polonaises, affirmant clairement que « Netanyahu n’a pas dit que la nation polonaise avait commis des crimes contre les Juifs mais seulement que personne n’a été poursuivi sous les termes de la loi sur la Shoah pour avoir dit que ‘des Polonais’ avaient coopéré ».

L’ambassadrice Anna Azari a ajouté que Netanyahu « n’a jamais mentionné ‘la nation polonaise’ dans ce contexte… Le Jerusalem Post a d’ores et déjà changé son article, notant que la version précédemment rapportée était mensongère – et ceci à la demande du Premier ministre Netanyahu. »

L’ambassadrice d’Israël en Pologne, S.E. Anna Azari. (Capture d’écran YouTube)

Vendredi matin, Krzysztof Szczerski, chef du bureau présidentiel, a écrit sur Twitter : « Nous avons reçu des explications officielles de la part d’Israël concernant les retranscriptions des propos présumés du Premier ministre israélien et il semble que l’article du Jerusalem Post soit un exemple de manipulation journalistique. C’est une bonne chose que cette explication ait eu lieu après notre intervention ».

Jeudi, Beata Mazurek, vice-présidente du parlement polonais sous l’étiquette du parti du Droit et de la Justice de Morawiecki et Duda au pouvoir, avait par ailleurs indiqué que la formation présenterait une mesure pour condamner les « commentaires inacceptables prononcés pendant la conférence sur le Moyen-Orient ».

Il n’est pas possible de dire pour le moment si cette mesure a été bel et bien abandonnée.

En Israël, Yair Lapid, chef du parti d’opposition Yesh Atid, s’est montré combatif, publiant un message filmé dans la matinée de vendredi disant que les Israéliens ne devaient pas se sentir obligés de donner des explications aux Polonais.

« A la place des excuses que devraient nous présenter les Polonais pour les millions de personnes tuées en Pologne pendant la Shoah, pour leur collaboration avec les nazis, Netanyahu leur présente des excuses pour la deuxième fois », dit-il dans le clip.

« Son voyage en Pologne devient une catastrophe complète, tant en termes de relations publiques que de politique. Il aurait dû dire au Premier ministre polonais : ‘Annulez votre billet d’avion dès maintenant, ne venez pas parce que nous n’abandonnons pas la mémoire de ce que fut la Shoah et ne nous livrerons à aucune négociation, parce que nous éprouvons de la fierté, de l’amour-propre pour notre nation, et nous avons du respect pour le souvenir de nos morts ».

Le chef du parti Yesh Atid Yair Lapid s’adresse à la presse, à la Knesset, le 24 décembre 2018. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Netanyahu cherche à établir des liens plus proches avec la Pologne et d’autres pays de l’est de l’Europe, désireux de construire un bloc de soutien à l’Etat juif au sein de l’Union européenne.

La rencontre de Jérusalem marquerait la toute première réunion hors de l’Europe de ce consortium, fondé en 1991.

Netanyahu avait offert, la première fois, d’organiser une rencontre du Groupe Visegrad – également connu sous le nom de V4 – à Budapest, au mois de juillet 2017. Le sommet de Jérusalem devrait se pencher sur les moyens susceptibles d’être mis en oeuvre par les quatre pays pour aider à combattre ce que Netanyahu considère comme les politiques inéquitables de l’UE envers l’Etat juif.

Le conflit sur la loi polonaise sur la Shoah avait été résolu, l’année dernière, lorsque la Pologne avait modéré la législation et que Netanyahu et son homologue polonais avaient convenu d’écrire une déclaration conjointe qui soulignait l’implication de la résistance polonaise dans le secours apporté aux Juifs. La crise avait été considérée comme une réussite diplomatique pour la Pologne et Netanyahu avait dû affronter les critiques d’historiens en Israël, et notamment à Yad Vashem, qui avaient reproché au Premier ministre d’avoir ratifié une déclaration qui, selon eux, dénaturait l’histoire.

« L’idée que nous dénaturions l’histoire ou que nous la dissimulions est insensé », a dit Netanyahu jeudi aux journalistes.

Il a expliqué que la loi avait été évoquée lors d’une rencontre avec Morawiecki dans la journée de jeudi.

Les plus importants historiens israéliens avaient largement critiqué la déclaration conjointe, affirmant qu’elle adoptait de manière inexacte le narratif polonais sur la Shoah, en surestimant l’aide apportée aux Juifs par les Polonais tout en sous-estimant les atrocités anti-juives commises par les citoyens.

Au mois de juillet dernier, Netanyahu avait indiqué avoir pris note des critiques, affirmant qu’il les évoquerait ultérieurement, ce qu’il n’a encore jamais fait.

« Depuis, j’ai entendu dire que certains historiens ont changé d’avis », a-t-il commenté, refusant de détailler ses propos.

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