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Yad Vashem: la déclaration commune sur la Shoah est « très problématique »

La déclaration israélo-polonaise contient de "graves erreurs et mensonges", affirment les historiens de l'institution ; des ministres exigent que Netanyahu l'annule

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu dépose une couronne de fleurs lors de la cérémonie officielle de la Journée nationale de commémoration de la Shoah au Musée de la Shoah Yad Vashem, le 27 avril 2014. (crédit photo : Haim Zach/GPO/Flash 90)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu dépose une couronne de fleurs lors de la cérémonie officielle de la Journée nationale de commémoration de la Shoah au Musée de la Shoah Yad Vashem, le 27 avril 2014. (crédit photo : Haim Zach/GPO/Flash 90)

Le mémorial de la Shoah Yad Vashem a vivement critiqué jeudi l’accord entre les gouvernements d’Israël et de la Pologne concernant le bilan de ce dernier pendant la Shoah, affirmant qu’il entraverait la recherche libre sur le sujet.

La déclaration commune de Varsovie et de Jérusalem « contient des formulations très problématiques qui contredisent les données historiques existantes et acceptées dans ce domaine », et contient des « supercheries » a déclaré l’institution dans un communiqué de presse.

Ce communiqué est un coup dur pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a salué la semaine dernière l’accord et la déclaration commune qui a été publiée à cette occasion comme étant un garant de « la vérité historique sur la Shoah ».

Jeudi également, le ministre de l’Éducation, Naftali Bennett, a contesté la déclaration commune israélo-polonaise comme étant inexacte sur le plan factuel, affirmant qu’elle ne sera pas enseignée dans les écoles israéliennes. Bennett a en outre demandé à Netanyahu d’annuler la déclaration ou de la soumettre au vote du Cabinet pour approbation.

Le 27 juin, Netanyahu et son homologue polonais Mateusz Morawiecki ont signé un accord qui met fin à la controverse entre les deux pays sur la loi polonaise qui criminalise toute accusation de la nation polonaise d’être « responsable ou coresponsable des crimes nazis commis par le Troisième Reich ».

L’amendement a supprimé les amendes ou les sanctions pénales prévues dans le texte.

Peu après l’adoption par le Parlement polonais de la loi expurgée des passages dérangeants et la signature de la loi par le président Anderzej Duda, les gouvernements israélien et polonais ont publié une déclaration commune sur la Shoah et le rôle de la Pologne dans la Shoah.

Il y est dit que l’expression « camps de la mort polonais » est « manifestement erronée » et que le gouvernement polonais en exil pendant la guerre « a tenté de mettre fin à cette activité nazie en essayant de sensibiliser les alliés occidentaux au sujet du meurtre systématique des Juifs polonais ».

La déclaration commune, publiée mercredi dernier simultanément par Netanyahu et Morawiecki, rejette également l’antisémitisme et l’“antipolonisme”.

Plus polémique, il condamne « tous les cas de cruauté envers les Juifs perpétrés par les Polonais pendant… la Seconde Guerre mondiale » mais souligne « les actes héroïques de nombreux Polonais, en particulier les Justes parmi les Nations, qui ont risqué leur vie pour sauver le peuple juif ».

Présentant l’accord et la déclaration à Tel Aviv la semaine dernière, Netanyahu a remercié l’historienne en chef de Yad Vashem, Dina Porat, pour avoir « accompagné le travail » qui a conduit à l’accord.

Plus tôt cette semaine, le Times of Israel a rapporté que si Porat était effectivement impliquée dans les négociations secrètes avec le gouvernement polonais, elle n’a pas pu voir la version finale de la déclaration. Yad Vashem, qui avait publié un communiqué saluant l’annulation par Varsovie des paragraphes controversés de la loi, a été déçu par le libellé de la déclaration commune, selon la source.

Mais Yad Vashem, centre de recherche de renommée mondiale sur l’extermination des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale, a publié jeudi une analyse cinglante de la loi amendée et de la déclaration commune.

Jeudi, Yad Vashem a publié un long communiqué de presse dans lequel ses historiens expliquent pourquoi ils contestent non seulement la véracité historique de la déclaration commune, mais sont également insatisfaits de l’amendement polonais à la loi controversée.

« Un examen approfondi par les historiens de Yad Vashem montre que les affirmations historiques, présentées comme des faits non contestés, dans la déclaration commune contiennent de graves erreurs et supercheries, et que l’essence de la loi reste inchangée même après l’abrogation des articles susmentionnés, y compris la possibilité d’un préjudice réel pour les chercheurs, la recherche sans entrave et la mémoire historique de la Shoah », peut-on lire dans le communiqué.

En effet, la déclaration « contient une formulation très problématique qui contredit les connaissances historiques existantes et acceptées dans ce domaine », poursuit le communiqué.

La déclaration commune israélo-polonaise « soutient effectivement un narratif que la recherche a réfuté depuis longtemps, à savoir que le gouvernement polonais en exil et son armée clandestine ont lutté inlassablement – en Pologne occupée et ailleurs – pour contrecarrer l’extermination des juifs polonais ».

Libération d’enfants d’Auschwitz-Birkenau, avec des travailleuses humanitaires adultes qui ont été pixelisées dans le magazine Mishpacha, numéro du 24 janvier 2018. (HistClo. com)

Cependant, ajoutent les historiens israéliens, le gouvernement polonais en exil basé à Londres et ses représentants en Pologne occupée par les nazis « n’ont pas agi résolument au nom des citoyens juifs de Pologne à aucun moment de la guerre. Une grande partie de la résistance polonaise dans ses divers mouvements n’a pas seulement échoué à aider les Juifs, mais elle a aussi été souvent impliquée activement dans leur persécution ».

Alors que la déclaration commune – que les Polonais promeuvent activement par des publicités pleine page dans les journaux du monde entier – semble donner autant de poids aux Polonais qui ont aidé les Juifs et à ceux qui les ont persécutés, la déclaration de Yad Vashem soutient que « des décennies de recherche historique révèlent une image totalement différente : l’aide des Polonais aux Juifs pendant la Shoah était relativement rare, et les attaques contre les Juifs et même le meurtre de Juifs étaient des phénomènes très répandus ».

Certains Polonais ont fait des efforts « remarquables » pour sauver les Juifs, mais cela « ne peut être projeté sur la société polonaise dans son ensemble », a affirmé l’historien.

« La tentative d’amplifier le secours apporté aux Juifs et de le dépeindre comme un phénomène courant, et de minimiser le rôle des Polonais dans la persécution des Juifs, constitue une offense non seulement à la vérité historique, mais aussi à la mémoire de l’héroïsme des Justes parmi les Nations ».

Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki dépose une couronne en l’honneur des Ulma, une famille polonaise tuée par les Allemands nazis pour avoir sauvé des Juifs pendant l’Holocauste, devant un musée retraçant leur destin dans le village de Markowa, au sud-est de la Pologne, le 2 janvier 2018. (AFP PHOTO / JANEK SKARZYNSKI)

De plus, les historiens « rejettent avec véhémence les tentatives de juxtaposer le phénomène de l’antisémitisme avec ce qu’on appelle l' »antipolonisme ». Alors que des termes tels que « camps de la mort polonais » sont effectivement trompeurs, le terme d’antipolonisme « est fondamentalement anachronique et n’a rien à voir avec l’antisémitisme ».

L’annulation de la partie de la loi polonaise controversée qui prévoyait des sanctions pénales pour les personnes accusant la nation polonaise de complicité dans les crimes nazis « est sans aucun doute importante », note le communiqué de Yad Vashem.

Cependant, l’abrogation « renverse l’exception explicite qui a été faite pour la recherche académique et l’effort artistique dans le libellé de l’amendement », a-t-il déploré. En outre, ceux qui accusent la Pologne de complicité sont toujours passibles de poursuites civiles, a souligné la déclaration.

En réponse, Joseph Ciechanover et Yaakov Nagel – les deux hommes de confiance de Netanyahu qui ont négocié l’accord avec le gouvernement polonais – ont déclaré que Porat, historienne en chef de Yad Vashem, avait été impliquée dans le processus depuis sa création et qu’elle approuvait les affirmations historiques de la déclaration commune.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu lors d’une conférence de presse au ministère de la Défense à Tel Aviv le 27 juin 2018 pour discuter de la loi polonaise amendée sur la Shoah. (Tomer Neuberg/Flash90)

« La déclaration commune signée par le gouvernement polonais fait explicitement référence au fait que la capacité de mener librement des recherches a été préservée et qu’aucune loi ne l’empêche ou ne l’empêchera à l’avenir », ont-ils déclaré dans un communiqué publié par le cabinet du Premier ministre.

La semaine dernière, alors qu’ils ont présenté l’accord et la déclaration à Tel Aviv, Netanyahu et ses deux collaborateurs ont été très fiers de leurs efforts, affirmant qu’ils avaient « veillé à protéger la vérité ».

« Nous avons respecté notre devoir premier d’assurer la vérité historique sur la Shoah et nous continuerons à le faire », avait déclaré Netanyahu à l’époque.

Les premiers détracteurs de l’accord étaient Yehuda Bauer, historien de la Shoah, qui l’a qualifié de « trahison de la mémoire de la Shoah et des intérêts du peuple juif », et le député Yair Lapid, qui a fait valoir qu’Israël ne doit pas négocier avec la Pologne sur les questions liées à la Shoah.

Jeudi, Bennett, le ministre de l’Éducation et plusieurs autres députés de l’opposition se sont joints au concert des condamnations.

« La déclaration commune d’Israël et du gouvernement polonais est une honte pleine de mensonges et nuit à la mémoire de ceux qui ont péri dans la Shoah », a tweetté Bennett, arguant qu’elle « manque de vérité factuelle et historique » et jurant qu’elle ne sera pas enseignée dans le système éducatif.

La déclaration commune n’a pas été présentée au gouvernement et ne représente pas l’opinion des ministres du Cabinet, a-t-il ajouté. « C’est inacceptable pour moi et, en tant que ministre de l’Éducation, j’exige que le Premier ministre le modifie ou l’annule immédiatement, ou qu’il le soumette au vote du Cabinet, où je suis sûr qu’il sera rejeté ».

Lapid, lui aussi a exigé que Netanyahu résilie l’accord.

« La déclaration que Netanyahu a signée avec le Premier ministre polonais est une honte et une scandaleuse offense à la mémoire des victimes de la Shoah », a-t-il déclaré.

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