Centrales au gaz: Les ministères de l’Environnement et de l’Energie s’opposent
Le ministre de l'Energie accuse un haut-responsable du ministère de la Protection environnementale, qui avait affirmé que l'ère du gaz naturel était finie, de "populisme"
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Un conflit latent entre les ministères de l’Energie et de la protection environnementale portant sur la nécessité de nouvelles centrales électriques alimentées au gaz a éclaté au grand jour dans la journée de mercredi, lorsque le ministre de l’Energie, Yuval Steinitz, a accusé de populisme un éminent responsable du ministère de l’Environnement.
Ce qui a amené le directeur-général de Steinitz à suggérer que le ministère de l’Environnement devrait s’inquiéter davantage de son échec à atteindre ses objectifs sur la réduction de la pollution générée par les déchets plutôt que des critiques émises par les politiques sur les énergies renouvelables.
Cette querelle a eu lieu après que Gil Proaktor, chef de la politique portant sur le changement climatique au sein du ministère de l’Environnement, a dit à la commission des Affaires internes de la Knesset et de l’Environnement que si le gouvernement devait s’attaquer au changement climatique avec le même sentiment d’urgence que face au coronavirus, il devrait cesser de construire des centrales électriques « somptuaires » alimentées au gaz – une énergie fossile – qui seraient encore exploitées à l’horizon 2050 – une période à laquelle il est probable que le monde développé aura d’ores et déjà fini d’assurer toute la production de son électricité à partir des énergies renouvelables.
« Personne n’a l’intention de mettre en place une seule centrale électrique qui ne soit pas nécessaire mais montrez-moi un pays dans le monde qui dépend du soleil pour 40 % de son électricité, ou même de 30 % », s’est exclamé Steinitz, qui voudrait parvenir à atteindre ce taux de 30 % de production d’électricité à partir des énergies renouvelables d’ici la fin de la décennie.
« Nous prenons un risque énorme ici. Vous devriez avoir honte. Le gouvernement doit se montrer responsable, pas populiste », a-t-il ajouté avec vigueur.
Répondant aux critiques émises sur le fait qu’un grand nombre de centrales électriques alimentées au gaz en sont au stade de la planification – elles sont au nombre de 19, selon un rapport émis par le ministère de l’Environnement le mois dernier – Steinitz a déclaré qu’il n’était nullement garanti qu’elles soient toutes construites.
« Personne n’investira des milliards s’il n’y a pas de certitudes que l’électricité qu’elles généreront sera en effet nécessaire », a-t-il commenté.
Sans préciser le prix induit par la construction de nouvelles centrales électriques, il a ajouté que la transition vers 30 % d’électricité produite à partir des énergies renouvelables coûterait 81 milliards de shekels.
Le ministre, qui envisage que le gaz pourra fournir 70 % des besoins en énergie d’ici 2030 – et 30 % étant assurés par des énergies renouvelables – a affirmé que c’était justement parce que les progrès sur les énergies renouvelables étaient si avancés qu’Israël était sur le point d’atteindre son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 10 %, comme le pays s’y était engagé à l’international. Les émissions de dioxyde de carbone issues des transports n’ont pas baissé (elle s’élèvent encore à environ deux tonnes par tête par an) et les plans visant à réduire la pollution créée par les décharges ne devraient pas non plus atteindre leurs cibles.
Il y a encore de nombreux obstacles à dépasser, a-t-il continué, comme les protestations opposées par les communautés locales à la construction de lignes terrestres à haute-tension en raison des craintes portant sur les radiations de type électromagnétique.
Le ministère tente également de conclure un accord avec l’Autorité des terres d’Israël sur le mode d’évaluation des parcelles destinées à accueillir des centrales alimentées par des ressources renouvelables.
Le directeur-général du ministère de l’Energie, Udi Adiri, a fait savoir qu’atteindre l’objectif de 30 % d’électricité produite à partir des énergies renouvelables impliquerait d’obtenir 12 000 megawatts à partir des panneaux d’énergie solaire (y compris les 4 000 megawatts qui devraient être disponibles d’ici la fin de l’année) auxquels viendront s’ajouter 2 200 megawatts issus de l’énergie solaire stockée, 800 megawatts issus d’autres ressources renouvelables (principalement le vent) et de 1 400 à 4 000 megawatts issus de sources conventionnelles (en particulier le gaz).
« La majorité de nos fonds et de nos efforts se concentreront sur les énergies renouvelables et aucune centrale électrique alimentée au gaz ne travaillera une heure de plus si les énergies renouvelables sont par ailleurs en mesure de fournir la même chose. Pourtant, vous devez comprendre qu’il n’y a pas de solution entière sans le gaz naturel », a-t-il souligné.
Proaktor, responsable du ministère de l’Environnement, a déclaré que plus de 50 % des pays-membres de l’Organisation pour la coopération économique et le développement (OCDE) visaient une dépendance aux énergies renouvelables à
100 % entre 2045 et 2050. D’ici 2030, plus de la moitié espèrent déjà atteindre les 30 %, 40 % voire 60 % de production à base d’énergies renouvelables, notamment l’Allemagne (60 %), et l’état de Hawaï, aux Etats-Unis (avec 40 % : Comme Israël, cet état ne peut pas acheter d’électricité à ses voisins et il doit donc être parfaitement auto-suffisant).
Israël a dû présenter une vision claire pour 2050 « parce qu’une centrale électrique alimentée au gaz qui sera construite aujourd’hui sera encore avec nous en 2050 », a-t-il remarqué. « Chaque centrale, chaque canalisation, chaque projet impliquant de l’huile de schiste, hautement polluante, sera encore là dans trente ans et nous empêchera d’atteindre ce pourcentage de 100 % ».
Selon Proaktor, l’Etat juif pourrait déjà atteindre le seuil de 47 % d’énergie solaire sans toucher à l’environnement naturel, et juste en érigeant des panneaux supplémentaires dans des secteurs qui ont déjà été construits. C’est la raison pour laquelle, a-t-il dit, le ministère de l’Environnement a recommandé une cible de 40 % pour 2030.
Mais pour pouvoir arriver à ce tournant et atteindre les 100 % de production à partir des énergies renouvelables d’ici 2050, Israël a besoin d’un plan détaillé pour montrer où les panneaux solaires, dans les zones construites, pourront être placés. C’est également nécessaire, a-t-il continué, pour réduire encore la consommation énergétique.
Pour renforcer les conclusions de son ministère, qui ont déterminé que l’énergie solaire était dorénavant moins chère que les énergies fossiles, Proaktor a cité le premier appel d’offres lancé par l’Autorité de l’électricité concernant la production et le stockage de l’énergie solaire et dont les résultats ont été annoncés la semaine dernière.
Trois firmes ont remporté l’appel d’offres en proposant de fournir 168 MW d’énergie en assurant quatre heures de stockage pour 19,9 agorot par kilowatt-heure (Un kilowatt-heure est la quantité d’énergie utilisée pour assurer le fonctionnement d’un appareil de 1 000 watts pendant une heure). Jusqu’à récemment, le principal obstacle à l’énergie solaire était de garantir son approvisionnement en continu, la nuit où les jours où le soleil ne brille pas.
Sur la base du tarif de 19,9 shekels, l’Etat juif pourrait stocker 13 heures d’énergie dans des batteries et construire suffisamment de panneaux solaires pour créer 4,8 heures d’électricité en moyenne chaque jour, ce qui permettrait de prévenir la nécessité de nouvelles usines au gaz.
Le mois dernier, le ministère de l’Environnement a annoncé qu’investir dans l’énergie solaire plutôt que dans le gaz pour produire 4 000 megawatts ferait économiser au pays la somme de neuf milliards de shekels.
Proaktor a indiqué que l’Autorité de l’électricité devait permettre aux firmes fournissant des panneaux solaires et des capacités de stockage de concurrencer les centrales alimentées au gaz dans tous les appels d’offre, disant qu’il était indubitable qu’elles sauraient présenter des « prix décisifs ».