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Communauté juive d’Autriche : C’est à Israël de décider comment agir avec le FPÖ

Oskar Deutsch, rallié au président autrichien, salue le boycott du FPÖ par Jérusalem le qualifiant de "politique étrangère juive", et dit que le parti est "évidemment" antisémite

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Oskar Deutsch, (à gauche), avec le président autrichien Alexander van der Bellen, rencontrant des Juifs à Jérusalem, février 2019. (HBF/Peter Lechner)
Oskar Deutsch, (à gauche), avec le président autrichien Alexander van der Bellen, rencontrant des Juifs à Jérusalem, février 2019. (HBF/Peter Lechner)

C’est au gouvernement israélien de décider comment traiter avec le Parti de la liberté d’Autriche d’extrême droite, a déclaré cette semaine le chef de la communauté juive du pays, déplorant, cependant, que de nombreux membres du parti nourrissent encore des sentiments profondément antisémites et que la direction ne fait pas assez pour agir contre eux.

Interviewé en marge de la première visite officielle du président autrichien Alexander Van der Bellen en Israël cette semaine, Oskar Deutsch a salué les liens de plus en plus chaleureux entre Vienne et Jérusalem. Son pays a une vie juive riche, a-t-il souligné, et ne devrait pas être réduit au Parti de la liberté, connu sous son acronyme allemand FPÖ, bien que le FPÖ fasse partie de la coalition au pouvoir en Autriche.

« C’est à Israël de décider comment traiter avec le FPÖ. Au sein de la communauté juive autrichienne, nous avons un conseil d’administration démocratiquement élu avec sept partis différents et un total de 24 membres. Ce conseil a décidé à l’unanimité de ne pas avoir de contact avec le FPÖ, non pas à cause du passé du parti, mais à cause des incidents du présent », a-t-il déclaré mardi au Times of Israel.

La communauté juive autrichienne et le gouvernement israélien ont actuellement pour politique de ne pas rencontrer les responsables du parti, y compris la ministre des Affaires étrangères Karin Kneissl, qui a été nommée par le parti, même si elle n’en est pas membre.

Mais le gouvernement autrichien, y compris Van der Bellen, a demandé à plusieurs reprises à Israël d’assouplir sa politique de non-communication, sinon à l’égard de l’ensemble du parti, du moins de Kneissl, ce qui a donné lieu à des rumeurs selon lesquelles Jérusalem pourrait à un moment donné établir une voie de communication avec elle.

Oskar Deutsch, président de la communauté juive d’Autriche. (Autorisation)

« Je crois que le gouvernement israélien suit la situation de près et que sa politique est très raisonnable. Mais c’est à eux de décider », a déclaré M. Deutsch. « Je parle au nom de ma communauté – nous n’avons aucune raison de revoir notre décision ».

Kneissl assiste à tous les grands événements du FPÖ et n’a jusqu’à présent pas encore été en mesure de condamner les attaques du FPÖ contre la shehita, ou abattage rituel juif, et les nombreux scandales auxquels sont impliqués les membres du parti Nazi, a déploré Deutsch.

Les Juifs autrichiens seraient-ils mécontents si Israël établissait des contacts avec le FPÖ ou Kneissl ?

« Les Juifs autrichiens sont très heureux de bon nombre des décisions prises par le gouvernement israélien, et moins heureux de certaines autres. Tout le monde n’est pas d’accord avec tout », répondit Deutsch avec diplomatie.

« Bien sûr, je suis satisfait de l’évolution du gouvernement israélien jusqu’à présent. Mais s’il change de cap un jour, je prendrais note de cette décision. Que pourrais-je faire d’autre ? Je ne vois pas pourquoi le gouvernement devrait changer sa position maintenant », a-t-il dit.

C’est un aspect du caractère juif de cette merveilleuse démocratie que de ne pas donner un ‘hechsher’ [tampon casher] à un parti comme le FPÖ

Notant qu’il s’agit d’une question hypothétique, Deutsch a indiqué qu’il ne peut critiquer publiquement Jérusalem si le gouvernement modifie effectivement sa politique à l’égard du FPÖ ou de Kneissl.

« Il y a assez de gens dans le monde pour attaquer Israël. Je ne veux pas attaquer publiquement le gouvernement israélien », a-t-il dit, ajoutant que la position actuelle de Jérusalem « fait de sa politique étrangère une véritable position juive. Pourquoi Jérusalem devrait-elle renoncer à une politique étrangère juive ? » demanda-t-il rhétoriquement.

Le gouvernement israélien a de « bonnes raisons » pour justifier sa politique à l’égard des ministres qui se présentent sur un ticket du FPÖ, a-t-il poursuivi en faisant référence à Kneissl. « C’est un aspect du caractère juif de cette merveilleuse démocratie que de ne pas donner un « hechsher » [tampon casher] à un parti comme le FPÖ ».

La ministre des Affaires étrangères autrichienne Karin Kneissl à la 73e session de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, le 29 septembre 2018 (Crédit : AP Photo/Mary Altaffer)

Le Parti de la liberté ne s’est pas amélioré depuis son entrée dans la coalition du chancelier Sebastian Kurz il y a un peu plus d’un an, s’est lamenté Deutsch. « Il y a eu plus de 50 incidents antisémites et néo-nazis, et les auteurs ne sont généralement pas sanctionnés ».

A la question de savoir si le FPÖ est vraiment antisémite ou simplement d’extrême droite, Deutsch a répondu : « Il y a eu 50 incidents antisémites et néo-nazis [impliquant des membres du parti] en 14 mois environ. Il y a eu tellement d’incidents antisémites que cette question est totalement superflue. C’est tout à fait évident ».

Par exemple, le FPÖ est le siège politique des fraternités nationalistes allemandes d’Autriche, a expliqué M. Deutsch, ajoutant que plus tôt cette semaine, l’une de ces fraternités a appelé l’Autriche « Ostmark » – un terme utilisé par les Nazis après l’Anschluss de l’Autriche par l’Allemagne en 1938.

L’année dernière, la police a trouvé des livres de chants nazis dans deux fraternités dirigées par des responsables du FPÖ, a rappelé Deutsch. Les hommes ont été suspendus temporairement mais sont rapidement retournés à leurs anciennes fonctions.

Le chef du FPÖ et vice-chancelier Heinz-Christian Strache a récemment pris ses distances par rapport à l’antisémitisme, a noté Deutsch. « Mais aucune action n’a suivi », a-t-il ajouté rapidement. « Bien au contraire : la cinquantaine d’incidents antisémites sont restés impunis ».

Deutsch, qui dirige la communauté juive autrichienne depuis 2012, a accompagné cette semaine Van der Bellen lors de sa visite d’État de cinq jours en Israël et dans l’Autorité palestinienne, au cours de laquelle le président fédéral a rencontré le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le président Reuven Rivlin et le président de l’AP Mahmoud Abbas.

A Jérusalem, Van der Bellen a également visité le mur Occidental et le Mémorial de la Shoah de Yad Vashem.

L’Autriche n’est pas le FPÖ. Ne réduisez pas l’Autriche à ce parti

Presque partout où il est allé, le chef de l’État autrichien a mentionné la complicité de son pays dans la Shoah, condamné l’antisémitisme moderne et souligné le droit d’Israël à vivre en paix et en sécurité.

Mais tout au long de son séjour, il a évité de mentionner publiquement le FPÖ, bien qu’il en ait parlé lors de sa réunion de lundi avec Rivlin, qui s’est tenue à huis clos. Rivlin, connu comme étant un adversaire déclaré des partis d’extrême droite européens – en novembre, il a refusé de rencontrer Matteo Salvini, vice-Premier ministre italien et chef du parti d’extrême droite – n’a pas soulevé la question de la participation du FPÖ au gouvernement autrichien lors de deux interventions publiques communes avec Van der Bellen.

Mardi, Van der Bellen a déclaré, dans une interview [lien en allemand], qu’il avait soulevé la question, exhortant Israël à accorder à Kneissl « un libre accès, pour des raisons pratiques. Il a ajouté que si Jérusalem insiste sur son boycott de la ministre des Affaires étrangères, « nous saurons comment y faire face ».

Les sympathisants du Parti de la liberté de l’Autriche (FPÖ) brandissent des écharpes et des photos du chef du parti Hans-Christian Strache et du candidat à la présidence Norbert Hofer l’année dernière lors du dernier rassemblement électoral du parti à Vienne, Autriche, le 13 octobre 2017. (AP/Matthias Schrader)

S’adressant au Times of Israel dans le hall de l’hôtel King David, où séjournait la délégation autrichienne, Deutsch a déclaré qu’il n’y avait aucune raison pour Van der Bellen ou ses interlocuteurs israéliens de soulever la question.

« L’Autriche n’est pas le FPÖ. Ne réduisez pas l’Autriche à ce parti », a-t-il dit.

« L’opinion du président Rivlin est connue de tous, il est l’un des adversaires les plus virulents des partis extrémistes, non seulement du FPÖ mais aussi de l’Alternative pour l’Allemagne ou du Rassemblement National français [anciennement Front national]. Il n’est pas nécessaire de répéter ses opinions quand on ne les a pas changées ».

M. Van der Bellen, qui entretient depuis longtemps de bonnes relations avec la communauté juive autrichienne, est venu en Israël cette semaine – c’est la troisième fois qu’il visite le pays – pour améliorer encore les relations bilatérales. C’est ce seul aspect qui devrait être au centre de la visite, a déclaré M. Deutsch.

Le président Reuven Rivlin (à gauche) et son homologue autrichien Alexander Van der Bellen passent en revue la garde d’honneur lors d’une cérémonie de bienvenue dans l’enceinte présidentielle à Jérusalem, le 4 février 2019. (Crédit : GALI TIBBON / AFP)

« Concentrons-nous sur les aspects positifs. Il y a un nombre record de touristes israéliens en Autriche, notre synagogue à Vienne est, le vendredi soir et le samedi, remplie de touristes israéliens. Nous avons des écoles juives, des restaurants casher. La vie séculière et religieuse y est possible », a-t-il ajouté.

« Il se passe de bonnes choses. Et quand notre président est ici, nous devrions nous concentrer sur ces sujets ».

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