Conflit Iran/Israël : la communauté juive de Créteil exprime son inquiétude
"Chacun dans son quotidien se porte plutôt bien, mais a perdu la confiance dans l'avenir", rapporte le président du Crif, parti à la rencontre de ses coreligionnaires
« On ne dort plus! » : avec l’exacerbation du conflit entre l’Iran et Israël, l’inquiétude grandit au sein de la paisible communauté juive de Créteil, l’une des plus importantes d’Ile-de-France.
« Nous sommes tous très préoccupés de ce qui se passe en Israël. On s’inquiète parce qu’on a tous des personnes qui habitent là-bas », affirme lundi à l’AFP le rabbin Ary Szenkier, dont la fille, partie pour assister à un mariage, se retrouve coincée par la suppression des liaisons aériennes.
Même s’il se veut « confiant », il explique qu’à « la synagogue, avant de commencer la prière, on a tous besoin de faire un débrief. Parce que forcément, on se sent tous concernés ».
« On veut juste que ça se calme, que ça s’arrête », lance de son côté Marellyn Amselem, gérante d’une agence de voyages, dont les deux enfants adultes sont installés en Israël.
« Ils ont des bébés en bas âge, c’est pas facile. L’autre jour j’étais au téléphone avec mon fils, il me dit ‘je te rappelle, il y a l’alarme’. On ne dort plus, on est collés au téléphone, on a l’alarme avec eux! » ajoute-t-elle.
Tous deux ont pu dire leurs préoccupations à Yonathan Arfi, le président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) réélu dimanche, et venu 24 heures plus tard à la rencontre de la communauté juive de Créteil, forte de 22.000 personnes environ.

Sur la place près du lac, attablés en terrasse d’un café, ou dans les magasins cacher dont il pousse la porte, le président du Crif entend combien cette inquiétude vient troubler la sérénité ambiante.
Sabrina, gérante d’un salon de beauté, en témoigne : « Je suis une fille du quartier, je me mélange avec tout le monde, tout le monde vient et tout le monde se respecte ».
« Fausse naïveté »
« Avec toutes les religions ça se passe bien. Il y a la paix », explique le vendeur d’une supérette, équipée d’un large rayon cacher.
« Il faut exporter le modèle de Créteil ! », réplique en souriant Yonathan Arfi, qui était déjà venu ici en 2022, sitôt élu pour son premier mandat.
Car « il y a à Créteil une communauté assez emblématique du judaïsme français, très intégrée », explique-t-il à l’AFP, en détaillant « un judaïsme populaire dont on parle peut-être un peu moins ».

Au cours de cette déambulation « j’ai entendu qu’au fond, chacun dans son quotidien se porte plutôt bien, mais a perdu la confiance dans l’avenir », explique-t-il devant une quarantaine de personnes venues ensuite échanger avec lui dans une salle au dessus de la synagogue.
Avec cette « guerre existentielle avec l’Iran, les juifs ont un peu l’impression de vivre au jour le jour », ajoute-t-il.
A un homme qui lui demande comment il compte faire pour rendre, comme il l’a promis, « l’influence de LFI résiduelle » au cours de son second mandat, il affirme que « la victoire contre LFI ne viendra que de l’intérieur de la gauche », et lance « un appel à la gauche républicaine » pour se « démélenchoniser ».
Car « oui, LFI a une responsabilité dans le climat d’antisémitisme en faisant de la question de Gaza un carburant électoral », assure-t-il.
« Est-ce que votre regard sur le Rassemblement national a évolué ? » demande un autre. « Leurs sympathisants gardent un taux de préjugés antisémites plus élevés que la moyenne », souligne M. Arfi, en appelant à « ne pas se faire instrumentaliser dans leur plan de com » pour la présidentielle de 2027.
« Est-ce qu’il y a un avenir pour les juifs en France ? » s’enquiert un autre, en s’interrogeant « si un point de non-retour n’a pas été franchi ». « Aujourd’hui, on a globalement l’Etat avec nous », tente de rassurer le président du Crif. Mais « le vrai sujet est avec la société civile ».
Dans la salle, une femme s’inquiète que plusieurs stands israéliens de l’armement au salon du Bourget aient vu leur accès condamné sur décision du gouvernement français. « Cette décision stigmatise Israël », affirme M. Arfi, en déplorant « une fausse naïveté » et un choix « incohérent ».