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Eurovision : les Juifs de Malmö discrets envers la candidate israélienne

Selon la communauté juive, la police a annulé les manifestations pro-israéliennes prévues lors de ce concours "apolitique". Selon les autorités, toutes les manifestations sont interdites

De la peinture rouge projetée sur un panneau publicitaire pour l'Eurovision en signe de protestation contre Israël, à Malmö, en Suède, le 11 mars 2024. (Crédit : Capture d’écran SVT ; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)
De la peinture rouge projetée sur un panneau publicitaire pour l'Eurovision en signe de protestation contre Israël, à Malmö, en Suède, le 11 mars 2024. (Crédit : Capture d’écran SVT ; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur les droits d’auteur)

MALMO, Suède – La ville hôte de l’Eurovision 2024 parachève les préparatifs du concours qui se déroulera du 7 au 11 mai prochain, mais les supporters suédois de la candidate israélienne Eden Golan feraient bien de ne pas sortir leurs drapeaux bleu et blanc trop vite.

Les Amis de la communauté juive de Malmö, organisation faîtière qui rassemble deux synagogues sur les trois que compte la ville au total, pensaient pouvoir applaudir la chanteuse israélienne dès son arrivée à la Malmö Arena pour les demi-finales qui auront lieu le 9 mai. Mais, disent-ils, la police a douché leurs espoirs et leurs projets.

« La police a interdit les manifestations dans les environs de la Malmö Arena », explique Jehoshua Kaufman, membre actif de la petite communauté juive de la ville. « A la base, on nous avait autorisés à nous tenir devant le complexe avec des drapeaux israéliens, pour montrer notre soutien, mais la police a changé d’avis et interdit ce type de manifestations dans le secteur. »

Cette ville portuaire de 300 000 habitants, située dans le sud de la Suède, compte une importante minorité musulmane et palestinienne allant, selon certaines estimations, jusqu’à un tiers de la population, et un taux d’incidents antisémites sans commune mesure avec sa minuscule communauté juive, et ce dès avant le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre et la guerre qui s’en est suivie à Gaza. Les autorités locales ont renforcé les mesures de sécurité autour de l’événement de crainte de perturbations liées à la participation d’Israël au concours.

Le porte-parole de la police de Malmö, Nils Norling, a déclaré au Times of Israel que ses services s’étaient bien préparés pour la semaine de l’Eurovision. Il est possible que des manifestants tentent d’enfreindre les règles, explique-t-il, mais la police est bien renseignée et maintient le dialogue avec les différents groupes.

Il indique que la police fait en sorte de rester neutre dans le débat houleux entre pro et anti-Israël, et qu’elle s’opposera aux discours de haine s’il y en a.

Eden Golan, candidate d’Israël à l’Eurovision 2024. (Crédit : Ran Yehezkel/UER)

Très en amont du concours, des partisans du boycott d’Israël ont demandé à l’instance organisatrice du concours – l’Union européenne de radio-télévision (UER) – de disqualifier Israël à cause de la guerre contre le Hamas. Un affichage publicitaire de l’Eurovision a été vandalisé, revêtu de graffitis anti-Israël, en mars dernier. L’UER n’a pas cédé à la pression, expliquant par voie de communiqué que le radiodiffuseur public israélien Kan « respectait l’ensemble des conditions pour concourir pour cette
année ».

Cela ne veut pas pour autant dire que tout va pour le mieux pour la candidature de l’État juif. L’UER a ainsi écarté la chanson « October Rain » proposée par Kan, pour ses accents jugés trop politiques, avant d’en accepter la version revisitée et intitulée « Hurricane ».

Le porte-parole de la police de Malmö, Nils Norling. (Autorisation)

Les paroles originales de la chanson faisaient manifestement référence au massacre du 7 octobre 2023, lorsque des milliers de terroristes dirigés par le Hamas ont envahi le sud d’Israël, massacré près de 1 200 personnes avec une brutalité extrême et fait 253 otages dont 129 sont encore aujourd’hui séquestrés dans la bande de Gaza – mais pas tous en vie.

Depuis l’attaque terroriste et la guerre qui s’en est suivie à Gaza, Malmö est le théâtre de fréquentes manifestations anti-israéliennes. Kaufman craint que les rassemblements anti-Israël ne donnent lieu à des violences, car les groupes extrémistes font peser une menace bien tangible.

En novembre, des manifestants ont brûlé un drapeau israélien devant une synagogue de Malmö et scandé « Bombardez Israël » tout en agitant des drapeaux palestiniens. Le même mois, des gens ont défilé avec un portrait géant d’Hitler. L’agence de sécurité intérieure israélienne, le Shin Bet, s’est récemment entretenue avec Golan pour lui conseiller, ainsi qu’à tous les membres de son équipe, de ne pas quitter leur chambre d’hôtel pendant toute la durée de leur séjour à Malmö, à l’exception bien sûr des spectacles et des événements officiels.

Un manifestant brûle un drapeau israélien aux abords d’une synagogue de Malmo, le 4 novembre 2023. (Crédit : Conseil des communautés juives suédoises)

Questionné sur le précédent du portrait d’Hitler vu lors du rassemblement anti-Israël de novembre dernier, Norling souligne que la police a signalé l’illégalité de ce cas d’incitation à la haine, sans toutefois déboucher sur une quelconque affaire judiciaire.

Norling estime que l’émoi suscité par l’annulation de la petite cérémonie d’accueil pour Golan est le fruit d’un malentendu, dans la mesure où aucun groupe, dit-il, n’est autorisé à se réunir.

Une petite communauté en butte à de gros problème d’antisémitisme

On estime que la Suède compte quelque 15 000 Juifs, essentiellement dans la capitale, Stockholm. Il y a de cela une dizaine d’années, Malmö comptait une population juive, petite mais forte, de 1 200 personnes. Ce nombre est tombé à 800 depuis 2019 face au regain d’antisémitisme et aux lenteurs des autorités locales à garantir la sécurité des habitants juifs malgré le grand nombre d’agressions dont ils étaient victimes.

Le porte-parole de la communauté, par ailleurs directeur du Jewish Learning Center, Fredrik Sieradzki, craint que la communauté ne disparaisse d’ici 2029 si les choses ne s’améliorent pas.

Pour autant, Sieradzki ne pense pas que la communauté se réduise à l’antisémitisme qui la frappe, et il n’aime guère la manière dont la presse étrangère présente à Malmö en parle, comme par exemple lorsqu’une équipe de journalistes israéliens de la Douzième chaîne a délibérément cherché une manifestation anti-israélienne et s’est approchée des manifestants. Les réactions hostiles auxquelles les journalistes ont fait face étaient amplement prévisibles et ont été utilisées pour servir un but bien précis, estime Sieradzki, ajoutant que les Juifs de la ville ont assez de problèmes sans qu’on leur en ajoute.

Illustration : Des Juifs danois arrivent à Malmö, en Suède, en septembre 2012 pour témoigner de leur solidarité avec la communauté juive de la ville. (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)

Sieradzki estime qu’avant les attaques du 7 octobre, politiciens et autorités locales avaient commencé à coopérer avec la communauté juive pour lutter ensemble contre l’antisémitisme. Tout ceci a cessé lorsque la guerre a commencé.

« Les jeunes Juifs sont particulièrement exposés aux sentiments anti-Israël sur les réseaux sociaux », explique Sieradzki. « Israël est diabolisé sur TikTok, vraiment diabolisé. Et cette hostilité s’apparente souvent à de l’antisémitisme. Les gens ont peur, et certains parents disent à leurs enfants de ne pas dire qu’ils sont juifs aux inconnus. »

Il estime qu’il reste à peu près 150 enfants et adolescents juifs à Malmö, et qu’une petite minorité est toujours en danger lorsqu’il s’agit de sectarisme.

« Mais ce n’est pas propre à Malmö », s’empresse-t-il d’ajouter. « On peut dire la même chose de nombreux endroits en Suède et en Europe. »

Kaufman, quant à lui, est déçu par le manque d’intérêt des médias pour les événements pro-israéliens organisés notamment par lui pour faire connaître le sort des otages encore aux mains du Hamas – même si les Juifs de Malmö ont l’habitude d’être ignorés.

« Le journal local a publié un article sur nous », conclut Kaufman. « Mais les médias préfèrent parler des rassemblements anti-Israël. »

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