Israël en guerre - Jour 422

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Créées pour les crises à l’étranger, des ONG israéliennes aident sur le sol national

IsraAID, OLAM et d'autres organisations spécialisées dans les secours d'urgence dans le monde mettent leur expertise au service des victimes des massacres du 7 octobre

Une membre de l'équipe d'IsraAID manipule des vivres et fournitures de première nécessité pour les victimes de l'ouragan Harvey, dans des abris à Dallas, au Texas, le 29 août 2017. (Crédit : IsraAID)
Une membre de l'équipe d'IsraAID manipule des vivres et fournitures de première nécessité pour les victimes de l'ouragan Harvey, dans des abris à Dallas, au Texas, le 29 août 2017. (Crédit : IsraAID)

JTA — En sa qualité de responsable communautaire de son kibboutz du sud d’Israël, Asaf Artel, 52 ans, a un œil sur toutes les questions sociales concernant les 120 familles membres de Kissufim. Le 7 octobre dernier, c’est via un talkie-walkie et depuis l’intérieur de sa pièce sécurisée – dans laquelle il a passé plusieurs heures avec sa femme et ses trois enfants – qu’Artel est parvenu à guider les soldats de Tsahal venus secourir les membres du kibboutz.

Ce jour-là, quinze membres du kibboutz ont été assassinés et d’autres sont toujours portés disparus. Mais en l’espace d’à peine 24 heures, Artel et d’autres responsables du kibboutz ont réussi à évacuer tous les autres et à les mettre en lieu sûr, à l’hôtel Leonardo Plaza dans la mer Morte, où ils se trouvent toujours.

Le jour de leur arrivée – comme le lendemain – c’était « le chaos total », confie-t-il. « Tout le monde était traumatisé, en pyjama, pieds nus. Il y a eu beaucoup, beaucoup de pleurs. »

Et soudain, trois jours après l’attaque, le hall de l’hôtel s’est soudainement rempli des chemises bleues des bénévoles d’IsraAID. « C’est à ce moment-là que j’ai su que nous étions entre de bonnes mains », se souvient Artel.

Artel a lui-même été bénévole pour IsraAID en 2016 : il s’était à l’époque envolé pour la Louisiane suite à des inondations catastrophiques et avait depuis été recontacté à cinq reprises pour se rendre aux États-Unis.

Et aujourd’hui, c’est lui qui bénéficie de l’aide d’IsraAID, ce qui donne une idée de l’intensité avec laquelle le massacre perpétré le 7 octobre par le groupe terroriste palestinien du Hamas contre les communautés du sud d’Israël change la donne en Israël. Les terroristes du Hamas ont tué plus de 1 200 personnes, pour la plupart des civils dans leur maison ou venus faire la fête dans une rave, et enlevé quelque 240 otages.

Un soldat israélien patrouille à côté d’une maison endommagée par des terroristes du Hamas dans l’enceinte du kibboutz Kissufim, dans le sud d’Israël, le 21 octobre 2023. (Crédit : AP/Francisco Seco)

Après avoir œuvré dans 62 pays dans le monde et pour la première fois en 22 ans d’existence, l’organisation mobilise ses ressources pour faire face à une crise humanitaire sur son propre sol. Il s’appuie pour ce faire sur son expertise des urgences complexes, en particulier celles impliquant le terrorisme et les déplacements, pour faire face à la situation actuelle en Israël.

Le PDG d’IsraAID, Yotam Polizer, fait le parallèle entre l’aide nécessaire suite à l’attaque du 7 octobre dernier et d’autres événements liés au terrorisme, à l’instar de la mission qu’il a dirigée en 2021 pour évacuer 205 filles d’Afghanistan après la prise de pouvoir des talibans, ou cette autre mission, en 2014, pour aider les victimes yézidies de l’État islamique.

« Je ne compare pas ce que ces gens ont vécu à ce que les gens en Israël ont vécu, mais il y a des similitudes évidentes », a-t-il expliqué à la Jewish Telegraphic Agency.

Polizer souligne également la compétence d’IsraAID en matière de gestion des zones de conflit prolongées, comme en Ukraine – l’un des 16 pays où l’organisation opère actuellement – et le besoin d’un engagement humanitaire soutenu.

« Sans même parler de l’aspect sécuritaire et politique des choses, d’un point de vue purement humanitaire, nous n’avons jamais rien vu de tel », estime Polizer, ajoutant que son organisation aidait les familles des personnes assassinées, les milliers de blessés, les proches des otages et les quelque 300 000 personnes déplacées.

Yotam Polizer, PDG d’IsraAid, aide une réfugiée syrienne à Lesbos, en Grèce, en 2015 (Avec l’aimable autorisation d’IsraAid)

La raison, dit-il, c’est qu’IsraAID sait bien que les secours d’urgence ne sont que le début du processus, et que la voie vers le rétablissement et la résilience est un « marathon, pas un sprint ».

IsraAid n’est pas l’unique ONG israélienne à réorienter ses activités vers son propre sol. L’Afrique utilise généralement les technologies israéliennes pour développer l’énergie solaire et assurer l’approvisionnement en eau potable. Aujourd’hui, IsraAid se mobilise pour que les soldats aient de l’eau et de la lumière sur le terrain. Et NATAN Worldwide Disaster Relief, qui ne peut envoyer de bénévoles à l’étranger à cause de la guerre, a mis en place des cliniques médicales et dentaires pour prendre en charge les Israéliens évacués du nord ou du sud, près des lignes de front du conflit.

Ces trois organisations sont membres d’OLAM, réseau fort de 77 organisations juives et israéliennes travaillant à l’international dans le secteur du service, du développement international et de l’aide humanitaire. Selon la PDG d’OLAM, Dyonna Ginsburg, c’est en raison de la nature unique de cette crise qu’OLAM a décidé de s’associer à un autre réseau d’organisations israéliennes spécialisées dans le développement, SID-Israël. Aucun des deux réseaux n’était intervenu en Israël auparavant, note-t-elle.

« Le mois dernier, les organisations israéliennes spécialisées dans la réponse aux crises à l’étranger ont pris conscience des besoins immenses et sans précédent en Israël, et ont déployé du personnel et des bénévoles ici même », souligne Ginsburg. « Et fait remarquable, beaucoup l’ont fait tout en continuant à aider ceux qui en ont aussi besoin à l’étranger. »

Ginsburg dit avoir eu à cette occasion la réponse à des questions qu’elle se posait depuis longtemps.

« Avant la guerre, je rencontrais des gens qui me demandaient pour quelle raison les Juifs ou les Israéliens investissaient tant de ressources pour aider des non-Juifs vulnérables qui vivent loin », explique Ginsburg. « Derrière cette question, il y a l’hypothèse d’un jeu à somme nulle : soit vous donnez aux Juifs d’ici, soit vous soutenez des causes universelles. Je crois qu’il s’agit d’une fausse polarité. »

Les organisations spécialisées dans l’assistance en cas de catastrophes à l’étranger peuvent en effet apporter des informations dont Israël peut bénéficier, explique Polizer, qui qualifie ironiquement l’engouement initial pour toutes les formes d’aide, dans le sillage des catastrophes humanitaires, de « festivals d’aide ». Il a inventé ce terme pour donner une idée de l’afflux chaotique d’individus bien intentionnés qui veulent aider mais ne savent pas nécessairement comment s’y prendre.

Des Israéliens emballent de la nourriture et d’autres produits de première nécessité pour les soldats et civils israéliens dans le sud, à Tel Aviv, le 9 octobre 2023. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

« C’est une sorte de gare où les gens vont et viennent. C’est inévitable », dit-il. « Tout le monde veut envoyer les chaussettes de sa grand-mère, vous savez, en don, c’est très bien, mais pas très utile. »

En outre, même les bénévoles réellement expérimentés sont généralement disponibles un temps, à court terme, ce qui fait souvent plus de mal que de bien. Ce scénario, Polizer l’a rencontré dans les zones sinistrées du monde entier et c’est aussi ce qui se passe en ce moment-même en Israël. Il parle du soutien psychologique post-traumatique comme de l’exemple le plus frappant en la matière.

« Il y a beaucoup de gens, même des professionnels, animés des meilleures intentions et qui viennent parler à ces gens qui sont profondément, profondément traumatisés. Si cela se fait à très court terme, ou s’il s’agit d’une intervention ponctuelle ou d’un processus de debriefing, cela peut en fait faire beaucoup de mal. Cela peut déclencher des crises chez ces gens ».

Polizer dit également un mot des erreurs de la communauté humanitaire, comme une tendance à se précipiter au moment des évaluations ou de la cartographie des besoins à court et long terme.

« J’ai vu beaucoup d’organisations, un peu partout dans le monde, qui viennent, écrivent et envoient un rapport complet sur ce qui est nécessaire. Mais au moment où ils obtiennent l’aide, les financements et les fournitures, les choses ont déjà changé, la réalité a changé ».

Cette fois, certaines de ces erreurs ont pu être évitées, tout simplement parce qu’il n’y a pas eu un afflux massif de telles ONG en Israël après l’attaque. Apres des catastrophes humanitaires, le protocole implique généralement que des agences des Nations unies telles que OCHA, ainsi que diverses entités d’aide internationale, établissent un système de clusters pour rationaliser et coordonner la réponse aux divers besoins.

Fichier : Des employés des Nations unies et du Croissant-Rouge préparant l’aide à distribuer aux Palestiniens dans l’entrepôt de l’UNRWA, à Deir Al-Balah, dans la bande de Gaza, le 23 octobre 2023. (Crédit : Hassan Eslaiah/AP Photo)

Mais cela ne peut se produire que lorsque ni le gouvernement ni la société civile n’ont la capacité de répondre aux besoins fondamentaux de la population. Dans de tels cas, c’est le gouvernement lui-même qui est supposé demander l’aide, ce qu’il n’a pas fait dans ce cas. (JTA a confirmé auprès de Mashav, la branche développement du ministère des Affaires étrangères, qu’Israël n’avait pas lancé un tel appel.)

Pourtant, dans de nombreux cas, note Polizer, ces organisations décident néanmoins d’aider. La World Central Kitchen du chef Jose Andres soutient les efforts d’IsraAID par le biais d’une aide directe – sous forme de repas – au bénéfice de la communauté des demandeurs d’asile d’Israël et de la population bédouine touchée par la guerre. Mais en dehors, la plupart des organisations partenaires d’IsraAID, telles que l’UNICEF et l’OMS, envoient de l’argent et non de l’aide de terrain.

« Beaucoup d’entre eux nous envoient des fonds, donc ils nous soutiennent », explique-t-il. « Ils disent : ‘OK, nous ne pouvons pas répondre, ils n’ont pas besoin de notre aide, mais nous allons renforcer les capacités d’une organisation comme IsraAID’. » « Evidemment, nous apprécions.»

Une vingtaine d’ONG opèrent actuellement à Gaza, où les besoins humanitaires sont criants alors qu’Israël poursuit sa guerre contre le Hamas. Selon les Nations unies, la majorité des Palestiniens de Gaza ont été déplacés le mois dernier.

« Par ailleurs, bien sûr, nombre d’entre eux aident surtout Gaza », ajoute Polizer. « Je ne peux pas dire s’il s’agit d’une décision politique de ne pas nous aider. »

Il ajoute : « Je pense que pour beaucoup d’entre eux, il est logique que nous nous en chargions et que nous soyons la principale organisation humanitaire en Israël dans ce domaine. »

La clé pour atténuer les problèmes courants associés à une réponse civile trop zélée, dit-il, est de privilégier une approche de rétablissement collaborative fondée sur la confiance et le travail avec les communautés, de façon à réévaluer périodiquement les besoins et « combler les trous ».

Il cite la création d’une école ex nihilo pour les habitants de Nir Yitzhak, actuellement hébergés dans un hôtel d’Eilat, comme l’exemple le plus récent de la réponse à un besoin inattendu. Les dirigeants de la communauté ont demandé à IsraAID de les aider à ouvrir une école parce que les enfants « devenaient fous ».

Des personnes évacuées du kibboutz Nir Oz dans le hall d’un hôtel d’Eilat, le 17 octobre 2023. (Crédit : Aris Messinis/AFP)

« Il n’y avait pas de structure pour l’école. Nous avons donc installé une tente assez proche de l’abri anti-aerien. Mais il fait très chaud. Il fallait un climatiseur. Nous avons donc acheté deux climatiseurs mobiles ».

« L’autre problème, c’est que nous n’avons pas d’enseignants, soit parce qu’ils ont été rappelés dans la réserve, soit pire, parce qu’ils ont été kidnappés ou assassinés. Malheureusement, nous entendons ces histoires tout le temps ».

Dans de tels cas, IsraAID s’occupe de trouver à la fois les enseignants et les fonds nécessaires pour les rémunérer à titre provisoire jusqu’à ce que le ministère israélien de l’Éducation puisse s’en charger. « Parfois, il s’agit de trouver des solutions très rapides et d’éviter la paperasse », explique Polizer.

Les premiers secours priorisent les enfants, en raison de leur particulière vulnérabilité aux traumatismes. Et cet objectif est double, assure-t-il : en aidant les enfants, on donne également aux parents le temps et l’espace nécessaire pour « respirer, commencer à faire le point et envisager les prochaines étapes ».

Artel est d’accord. « Avant de pouvoir rétablir une routine, il faut un système éducatif. Parce que lorsque cela ne fonctionne pas, cela nous sort tous de la routine. C’est ce que nous faisons maintenant et cela fait automatiquement baisser une grande partie de la pression ».

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