Dalala, association parisienne qui propose des cours mêlant arabe et hébreu
Les Juifs comme les musulmans participant à ces ateliers de langue se sont pris de passion pour ces langues supposées être celle de l’autre, qui les plongent dans leurs racines
Des franco-maghrébins de culture musulmane qui se passionnent pour l’hébreu, et des Français juifs originaires de la diaspora séfarade d’Afrique du Nord qui se mettent à l’apprentissage de l’arabe : tel est le thème d’un récent reportage de France 24 sur l’association Dalala, établie à Paris.
Les Juifs comme les musulmans participant à ces ateliers de langue se sont pris de passion pour ces langues supposées être celle de l’autre, qui les plongent en fait dans leurs propres racines.
Langues sœurs, hébreu comme arabe sont dérivées d’une langue antique appelée « ouest-sémitique ». Pendant treize siècles, les communautés juives d’Afrique du Nord ont toutes parlé l’arabe, jusqu’à leurs exodes.
Jonas Sibony et Yohann Taïeb, 38 ans, agrégé d’arabe et enseignant à Sciences Po, sont les fondateurs de l’association Dalala. Juifs nés en France et dont les deux pères sont Séfarades, ils ont voulu raviver les cultures juives d’Afrique du Nord, notamment avec ces cours de langue. Ceux-ci ont une particularité : les cours d’hébreu valorisent une connaissance préalable de l’arabe, et les cours d’arabe encouragent un bagage en hébreu.
« Un dessein pédagogique, dont découle une situation inédite : la plupart des élèves du cours d’hébreu sont de culture musulmane maghrébine, tandis que le public intéressé par le cours d’arabe est très généralement issu de familles juives originaires d’Afrique du Nord », écrit France 24, dont les journalistes ont rencontré et échangé avec plusieurs élèves.
« Je ne concevais même pas de vivre mon judaïsme sans comprendre l’arabe », dit l’une d’elles, Ilana.
Mourad, musulman, dit lui se sentir « encore plus Marocain » depuis qu’il apprend l’hébreu. « Une partie de notre spiritualité islamique trouve ses origines dans la culture judaïque », dit-il.
« Dans l’artisanat, la cuisine ou les musiques qui ont bercé mon enfance au Maroc, j’ai réalisé que beaucoup de références que je pensais arabo-musulmanes étaient en réalité judéo-arabes », dit une autre élève, Khawla.
Cela ne surprend par l’historien Benjamin Stora. « Les populations musulmanes marocaines ont jadis côtoyé une importante communauté juive, jusque dans les zones rurales. Tout dans ce pays, sa musique, sa gastronomie, son architecture, rappelle les Marocains au souvenir de cette minorité. Beaucoup d’entre eux vivent la disparition des Juifs comme une mutilation de leur histoire nationale », dit-il.
« La génération issue des communautés juives qui ont quitté la rive sud de la Méditerranée savent que leurs grands-parents parlaient arabe, appartenaient à un univers oriental, feutré, longtemps dissimulé. Fantasmé, il se rappelle à leur souvenir généalogique au travers de photos de famille, par la musicalité des liturgies des synagogues séfarades. Cette génération qui a grandi en Europe aimerait se réapproprier cet univers », ajoute-t-il.
Juifs comme musulmans ont également raconté à France 24 leurs expériences, parfois compliquées et douloureuses, avec ces cultures.