Des écologistes dénoncent l’accord pétrolier d’une entreprise publique aux ÉAU
L'accord entre Europe Asia Pipeline Company et un consortium émirati est "invalide" car il n'a pas été approuvé par le gouvernement ou ouvert à la consultation publique
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Un accord secret ayant des implications environnementales, sanitaires, économiques et sociales pour Israël, signé par une société d’État pour faire transiter par le pays le pétrole du Golfe en direction des marchés européens, devrait être déclaré invalide parce qu’il n’a été ni discuté ni approuvé par le gouvernement, et qu’il n’a pas été ouvert à la consultation d’experts et du public, selon une plainte déposée mardi devant la Cour suprême.
La requête a été déposée par trois organisations environnementales contre le gouvernement, une série de ministères, l’Europe Asia Pipeline Company (EAPC), les municipalités d’Eilat et d’Ashkelon et d’autres organismes publics. Elle concerne un protocole d’accord signé en octobre par l’EAPC (anciennement Eilat-Ashkelon Pipeline Co.) avec MED-RED Land Bridge, une entreprise mixte israélo-émiratie.
Le protocole d’accord, conclu un mois après la signature d’un accord de normalisation entre Israël et Abou Dhabi, prévoit que l’EAPC transfère du pétrole et des produits pétroliers de son terminal d’Eilat, sur la mer Rouge, à son terminal d’Ashkelon, sur la côte sud de la Méditerranée, via un oléoduc terrestre qui relie les deux.
L’autorité israélienne chargée de la nature et des parcs, le ministère de la Protection de l’environnement, un forum regroupant une vingtaine d’organisations environnementales et un grand nombre de scientifiques et d’habitants d’Eilat s’opposent à l’accord, compte tenu du mauvais bilan environnemental de l’EAPC et de ses nombreuses fuites passées – il a été responsable, il y a six ans, de la plus grande catastrophe environnementale de l’histoire d’Israël – et de l’importance cruciale des récifs coralliens d’Eilat non seulement pour les secteurs du tourisme et de l’emploi de la ville, mais aussi à l’échelle mondiale.
Les opposants ont également attiré l’attention sur les dangers qu’une marée noire au port de l’EAPC d’Ashkelon pourrait faire courir aux installations de dessalement du pays, principale source d’eau potable d’Israël, ainsi que sur les risques d’émission de polluants cancérigènes dans l’air lors du chargement et du déchargement du pétrole brut.
La requête déposée devant la Cour suprême par Adam Teva V’Din, la Société pour la protection de la nature en Israël et Zalul, accusait le protocole d’accord d’avoir été signé sans qu’aucune procédure appropriée n’ait été mise en place, alors qu’il était susceptible de nuire à l’intérêt national et de limiter l’activité du gouvernement dans des domaines tels que ses engagements internationaux en matière de réduction des émissions de carbone et son accord bilatéral avec les Émirats arabes unis pour travailler ensemble à l’amélioration de l’environnement.
Notant qu’un appel lancé en février au bureau du Premier ministre pour qu’il prenne des mesures est resté sans réponse, la requête demande à la cour d’émettre une injonction temporaire pour arrêter l’activité de l’EAPC dans le cadre du protocole d’accord et limiter le nombre de pétroliers accostant à Eilat jusqu’à ce qu’une décision soit prise.
Les organisations souhaitent également qu’il soit demandé au gouvernement d’expliquer pourquoi le protocole d’accord ne nécessitait pas son approbation conformément à la loi sur les entreprises publiques, ou pourquoi le gouvernement n’a pas ordonné à l’EAPC de veiller à ce que l’environnement marin et côtier, ainsi que le tourisme et l’économie d’Eilat, soient protégés.
« Compte tenu du fait que cet accord n’a pas été présenté au gouvernement et n’a certainement pas reçu son approbation, comme l’exige la loi, il est invalide… De plus, l’accord a été signé dans l’obscurité et en violation du droit du public à savoir, contrairement aux positions de l’Autorité pour la nature et les parcs et du ministère de la Protection de l’environnement », indique la requête.
« Le gouvernement doit avoir une discussion appropriée sur la question, sur une base factuelle complète et après avoir entendu les opinions du public… L’accord actuel a été formulé sans base factuelle concernant les risques environnementaux et en ignorant les dommages passés, de cette même activité », poursuit le document.
La plupart du pétrole du Golfe passe par le canal de Suez ou l’oléoduc égyptien Sumed, et ces dernières années, pas plus de deux ou trois pétroliers ont accosté au terminal d’Eilat de l’EAPC, transportant pour la plupart du pétrole en provenance de Russie et d’Asie centrale, à destination de l’Extrême-Orient.
Ces derniers mois, cependant, le nombre de pétroliers à Eilat a augmenté.
Dans une lettre signée par plus de 230 scientifiques en janvier, on peut
lire : « Les récifs coralliens sont considérés, en termes de richesse et de biodiversité, comme les ‘forêts tropicales’ sous-marines du monde… Le récif corallien d’Eilat a presque disparu dans les années 1970 en raison de l’exploitation intensive du terminal pétrolier de l’EPCA de l’époque et a à peine commencé à se rétablir en 40 ans. »
Des fuites peuvent être causées par un dysfonctionnement, un accident ou « des dommages délibérés par des éléments hostiles », souligne la pétition, faisant référence à une guerre de l’ombre qui se déroule dans le Golfe, l’Iran et Israël attaquant apparemment leurs navires respectifs. Une fuite d’un seul pour cent de la cale d’un pétrolier d’environ 300 000 tonnes de pétrole pourrait causer des « dommages irréversibles », avertit la pétition. « Le potentiel de dommages est énorme et les marges de sécurité sont pratiquement inexistantes. »
Grâce à leurs caractéristiques génétiques, les coraux de la mer Rouge sont exceptionnellement robustes malgré la hausse des températures dans la mer Rouge, et n’ont pas montré les signes fatals de blanchiment observés dans d’autres récifs du monde entier. Ils sont également importants pour l’environnement et les industries touristiques de la Jordanie et de l’Égypte voisines.
On ne sait toujours pas qui, le cas échéant, connaît le contenu du protocole d’accord, en dehors des deux parties qui en sont signataires.
L’EAPC relève du ministère des Finances, mais l’autorité de la navigation du ministère des Transports supervise les terminaux pétroliers.
Dans sa réponse, au début de l’année, à une demande de renseignements sur l’accord présentée par la Société pour la protection de la nature en Israël dans le cadre de la liberté d’information, le ministère des Finances a déclaré que « les informations ne sont pas en possession du ministère des Finances ».
Zalul a soumis une demande de liberté d’information à l’autorité maritime, demandant notamment si et comment la sécurité et la réglementation environnementales seraient contrôlées dans les deux ports. Elle n’a pas reçu de réponses directes à ses questions.
L’EAPC a été créé en 1968 en tant qu’entreprise mixte israélo-iranienne pour transporter le pétrole asiatique d’Eilat vers l’Europe via un réseau de pipelines allant d’Eilat à Ashkelon et remontant le long d’Israël jusqu’à Haïfa.
En raison de la nature de l’EAPC en tant que co-entreprise avec l’Iran, les opérations de la société sont extrêmement secrètes et, aujourd’hui encore, les informations qui lui sont liées peuvent être censurées par l’armée israélienne.
- Israël Inside
- Cour suprême israélienne
- Eilat
- Relations Israël-Emirats arabes unis
- Pétrole
- Zalul
- EastMed Pipeline Project
- Mer Rouge
- Autorité israélienne de la nature et des parcs (INPA)
- Catastrophe écologique
- Corail
- Faune israélienne
- Flore israélienne
- Gouvernement israélien
- Relations Israël-Iran
- Censure
- Environnement
- Société pour la Protection de la Nature en Israël (SPNI)