Des ex-vendeurs en options binaires se tournent vers les crypto-devises
Hauser s'inquiète d'une nouvelle itération de la fraude; "C'est le Far-west. Personne ne sait ce qu'il se passe. On peut faire ce qu'on veut"
Lors d’une matinée d’octobre, vingt-quatre heures avant l’adoption par la Knesset d’une législation mettant hors la loi l’industrie largement frauduleuse des options binaires, les rues du quartier des diamantaires de Ramat Gan étaient étrangement calmes.
« Regardez les rues, là – A cette heure-ci, elles étaient habituellement pleines de jeunes qui travaillaient dans le secteur des options binaires », s’exclamait ce jour-là le propriétaire de l’établissement City Cigar, un café et magasin de cigares et de vin.
« Il y avait une entreprise de l’autre côté de la rue qui employait cent personnes, et une autre, dans l’immeuble derrière, qui en employait plus de cent également. Maintenant, ils travaillent à Chypre, à Kiev, en Géorgie et à Belgrade. Toutes ces entreprises sont parties ».
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Rue Tuval, à proximité, un employé de la boulangerie de la paix a décrit un scénario similaire. « Il y a véritablement beaucoup moins de circulation dans les rues. On m’a dit qu’il y avait plus de 10 000 salariés du secteur des options binaires à Ramat Gan seulement. L’entreprise, de l’autre côté de la rue, a fermé ses portes il y a quelques mois. Certains commerciaux travaillent maintenant à l’étranger et je crois savoir que des sociétés se sont installées dans d’autres parties de la ville », avait-il expliqué, désignant avec son doigt la direction du sud.
« Où ça » ? Avons-nous interrogé. « Par là », a-t-il répondu, haussant légèrement les épaules.
Mais le départ des entreprises d’options binaires n’a pas été ressenti de la même manière partout dans le quartier de Ramat Gan.
A quelques pâtés de maison, à proximité de la rue Jabotinsky, le gérant d’un restaurant a expliqué ne pas avoir constaté de baisse de sa fréquentation au-delà de l’accalmie habituelle autour des fêtes juives de l’automne. Une employée dans un salon de beauté a partagé le même point de vue, n’ayant pas subi de ralentissement notable.
Une industrie criminelle
Le 23 octobre, la Knesset a voté à l’unanimité pour l’interdiction de l’industrie des options binaires toute entière, une vaste escroquerie qui a rapporté des milliards de dollars en arnaquant des millions de victimes dans le monde pendant une décennie.
La loi, qui entrera en vigueur en janvier, est le résultat direct de l’enquête du Times of Israël sur la fraude, à commencer par un article publié en mars 2016, intitulé, « Les Loups de Tel Aviv : la vaste arnaque immorale des options binaires d’Israël exposée ». La loi a donné à toutes les entreprises d’options binaires trois mois pour cesser leurs opérations. Après ce délai, quiconque impliqué dans les options binaires – les entreprises frauduleuses trompaient leurs victimes en leur faisant croire qu’elles proposaient des investissements lucratifs à court terme, mais induisaient en erreur les clients par le biais de plate-formes truquées, refusant de les rembourser et utilisant d’autres multiples ruses – sera passible de deux ans de prison.
Et, au même moment, les anciens opérateurs du secteur des options binaires sont en quête d’un nouveau travail. Les panneaux d’affichage pour les emplois à destination des personnes qui parlent des langues étrangères – qui étaient encore remplis, l’été dernier, de petites annonces proposant du travail dans le secteur des options binaires – sont pris d’assaut pour promouvoir des postes destinés à des commerciaux « avides d’argent » qui viendront travailler dans des centres d’appels qui proposeront les « meilleures primes ».
« Une expérience dans les options binaires est un avantage », déclarent même certaines de ces annonces, apparemment peu gênées par le fait que ce pan industriel entier est devenu illégal.
A la Tour Atrium, un nouvel immeuble luxueux de 40 étages situé rue Jabotinsky, il n’y a pas eu de ralentissement des activités commerciales. Des hommes jeunes, habillés dans un style à la fois hipster et gangster, se rassemblent en groupe à l’extérieur et fument des cigarettes. Les carillons résonnent alors que les employés des bureaux embarquent dans les ascenseurs de verre qui offrent des points de vue stupéfiants sur la ville. « Nous avons plus de 90 % d’occupation », a récemment affirmé un réceptionniste au Times of Israel.
Y a-t-il des entreprises financières installées dans l’immeuble ?… Le réceptionniste nous répond : « Oui, il y a Beta Media [l’entreprise responsable du site d’options binaires 24option.com] mais elle a changé son nom en Bit-tech, et il y en a d’autres aussi ».
La prochaine grosse affaire ?
A la fin du mois d’octobre, au 24e étage de l’Atrium Building, une entreprise appelée « Traffic Lords » — qui se définit elle-même comme un centre de formation au marketing en ligne, un espace de co-travail et un réseau affilié – a organisé un événement auquel ont participé environ 150 personnes, un grand nombre d’entre elles issues de l’industrie des options binaires.
Intitulé « Avez-vous jamais entendu parler du marché des crypto-devises ? Ne soyez pas en retard ! », l’événement a ciblé des négociants en quête d’opportunités lucratives dans le secteur émergent des crypto-devises et des ICOs (« initial coin offering », ou émission de jetons).
« Venez découvrir le nouveau secteur dernier cri de marketing d’affiliation et écouter les meilleurs experts, découvrez pourquoi vous devez aujourd’hui vous impliquer dans le secteur des crypto-devises et, plus important encore, comment faire de l’argent ! », recommandait vivement l’invitation lancée par Traffic Lords sur Facebook.
Le marketing d’affiliation est une branche de la publicité en ligne qui consiste en un site internet conduisant vers des ventes proposées sur un autre site en échange d’une commission ou de frais. Les annonceurs peuvent faire toutes sortes de publicités – des vêtements, des livres, des rencontres en ligne – et recevoir des paiements de la part du vendeur lorsqu’une vente aboutit. Néanmoins, en Israël, un pays considéré comme un poumon mondial du marketing d’affiliation, de nombreux annonceurs en affiliation ont concentré leurs efforts sur le Forex, les options binaires et les jeux en ligne, avec une préférence pour les options binaires. Un ancien employé de ce secteur dorénavant illégal avait décrit au Times of Israel le travail des annonceurs en affiliation :
“Généralement, ils cultivent des liens sur toute la Toile en utilisant quelque chose qu’on appelle un entonnoir. Un entonnoir est une vidéo grossière sur un site plus grossier encore, et le sujet est habituellement un ancien trader de Wall Street qui a découvert une information secrète, ou qui possède un algorithme de dingue qu’il veut faire connaître au public. Il y a toujours urgence à le faire, une offre limitée dans le temps et, bien sûr, tout est faux – de la vidéo elle-même jusqu’aux avis ».
Prise en tant que telle, l’industrie du marketing d’affiliation a créé un environnement de « fake news » pour l’industrie des options binaires, où un investisseur de bonne foi cherchant les mots « options binaires » sur Google pouvait trouver nombre de sites internet créés par des annonceurs en affiliation chantant les éloges de l’industrie.
Tout le monde, dans le public réuni lors de l’événement organisé par Traffic Lords, n’était pas annonceur en affiliation. Un homme, dans l’assistance, a même demandé à un intervenant une explication de ce qu’est le marketing d’affiliation. D’autres sont venus écouter des experts du mouvement israélien des crypto-devises expliquer cette nouvelle tendance en vogue qui balaie le monde de la haute-technologie, pas seulement en Israël, mais aussi dans la Silicon Valley.
Mais la plupart, si ce n’est la majorité des personnes présentes, étaient d’anciens commerciaux du Forex et des options binaires. L’assistance était formée d’hommes, à 80 %, la majorité d’entre eux ont entre 20 et 30 ans. Parmi eux, certains se distinguaient par des chaussures de créateur, des tee-shirts à 80 dollars, le visage non-rasé. Les femmes, pour leur part, étaient plutôt jeunes, présentant bien, habillées à la dernière mode.
« Qu’est-ce que tu as fait ces derniers temps ? », a demandé un jeune, tapant dans la main d’une de ses connaissances.
« Rien, je suis resté chez moi. Et toi ? »
« On y a réfléchi. On va ouvrir un casino ».
« C’est bien que tu sois sorti des options binaires à temps. Une fois que les régulateurs commencent à s’y intéresser, on est exposé, on ne peut plus travailler. Mais j’ai l’impression que ce truc des crypto-devises est prometteur ».
Les prochaines options binaires ?
Les ICO sont un sujet sensible pour les régulateurs des titres du monde entier. D’un côté, ils sont une manière innovante pour les start-ups de lever de l’argent – similaire à Kickstarter mais impliquant souvent de très importantes sommes d’argent. Un grand nombre de boosters de crypto-devises et d’ICO décrivent les blockchain, la technologie sous-jacente aux crypto-devises, comme la panacée susceptible de régler toutes les failles de l’ère numérique, des inégalités globales croissantes à la fraude financière sur Internet.
D’un autre côté, ces dernières semaines, certains experts israéliens ont tiré la sonnette d’alarme, inquiets que les crypto-devises puissent devenir les prochaines options binaires – en d’autres mots, la prochaine fraude à hauteur de milliards de dollars commise par des Israéliens contre des cibles de bonne foi dans le monde entier.
Le président sortant de l’Autorité israélienne des titres, Shmuel Hauser, auteur de la loi sur l’interdiction des options binaires, est l’un d’eux. Dans un discours prononcé à la conférence Fintech du quotidien Calcalist le 8 novembre, Hauser a averti : « Nous voulons nous assurer que le monde des crypto-devises ne se transformera pas en mutation de l’industrie des options binaires, qu’il ne deviendra pas un refuge pour les escrocs ».
Les crypto-devises et les ICO ne sont pas frauduleuses en elle-mêmes, et à première vue, les crypto-devises sont un véhicule improbable pour une arnaque. On peut remarquer des publicités pour les ICO sur nos fils d’actualité Facebook ou Twitter. « Inscrivez-vous dès maintenant pour notre pré-vente de jetons », disent-elles. Ou « lisez notre livre blanc », ou « rencontrez notre équipe ». Les textes, sur ces sites, sont souvent denses et remplis d’un jargon spécialisé, comme « nous sommes la plate-forme décentralisée future génération utilisant le pouvoir de la blockchain pour démocratiser le marché de l’énergie solaire ».
Il est demandé aux potentiels investisseurs de réfléchir comme des spécialistes du capital-risque, d’évaluer une start-up high-tech, et, s’ils sont convaincus par ses mérites, d’acheter des « jetons » ou pièces numériques émises par la start-up pour collecter des fonds. Le concept même d’ICO est tellement bancal et demande tant de temps et d’efforts de la part de l’investisseur qu’il semblerait nécessaire de le limiter à un public d’initiés. Et pourtant, certains ex-opérateurs d’options binaires parient sur les ICO et le trading des crypto-devises pour gagner… beaucoup d’argent.
Dans une récente interview réalisée au siège de l’Autorité israélienne des Titres de Tel Aviv, Hauser a indiqué au Times of Israel que plusieurs choses le préoccupent concernant l’engouement pour les crypto-devises.
« Quand on parle de crypto-devises, il y a plusieurs choses, a-t-il dit. « D’abord, il y a la technologie dite Blockchain. C’est une technologie qui est très légitime, qui va réduire les coûts et conquérir le monde. Puis, il y a les bitcoins et les crypto-devises. Il y a des milliers de pièces numériques différentes. Et enfin, il y a les ICO ».
« Nous sommes très inquiets des crypto-devises parce que le phénomène montre des signes qui ressemblent à une bulle. Quelqu’un va vous dire d’acheter tel ou tel jeton parce que sa valeur augmente, mais vous ne savez pas qui se trouve derrière ce jeton, et vous ne savez pas qui se trouve derrière cette demande, qui se trouve derrière l’approvisionnement. Et si quelque chose tourne mal, il n’y a personne à qui demander des comptes ».
Plusieurs sources familières de l’industrie naissante des crypto-devises ont souligné qu’elle n’est pas globalement frauduleuse, et que ce qu’elle garde de légitime pourrait être une aubaine pour l’économie high-tech israélienne. Et en effet, un grand nombre de ceux qui se sont impliqués dans l’industrie légitime des crypto-devises craignent que les options binaires ne viennent détruire la réputation de l’industrie dans son ensemble.
Selon des sources qui se sont exprimées sous couvert d’anonymat, ceux qui travaillaient dans les options binaires et qui sont entrés dans le secteur espèrent faire d’importantes rentrées d’argent de trois manières particulières. La première est d’encourager les investisseurs à acheter et à vendre des crypto-devises sur leur « marché », pour ensuite – en utilisant certaines des ruses les plus grossières de la fraude aux options binaires – lorsqu’il devient improbable que l’investisseur en achète davantage, geler le compte de l’investisseur et cesser de prendre ses appels téléphoniques.
Dans une deuxième variation de l’arnaque, les investisseurs se voient offrir un achat avec un emprunt sous effet de levier lors de leur investissement initial dans les crypto-devises. Puis, en raison des fluctuations du prix du jeton, les investisseurs subissent un appel de marge et leur compte disparaît.
En troisième lieu, une opportunité d’investissement dans les ICO – habituellement une start-up technologique dans la blockchain – peut être offerte aux investisseurs. On présente à ces derniers un court film sur la start-up, les biographies de son fondateur, et un « livre blanc » expliquant la technologie et le business plan en détail.
Si l’investisseur est impressionné par la start-up, il peut alors acheter des jetons dans l’appel d’offres initial. Ces jetons lui donnent souvent accès au produit et si le produit est concluant, il est alors en droit d’espérer que ses jetons prendront de la valeur sur le marché secondaire. Aucun n’est frauduleux. Mais dans le scénario d’une arnaque, ont expliqué des sources au Times of Israel, la start-up n’existe pas et le seul objectif du lancement est de pomper et de vendre les jetons avant de s’enfuir avec le butin.
Hauser a expliqué au Times of Israel que même les ICO non-frauduleuses sont problématiques et qu’elles sont minutieusement étudiées par l’Autorité israélienne des Titres afin de pouvoir décider de leur éventuelle interdiction ou régulation.
Mais le potentiel de fraude ajoute une option supplémentaire, dit-il.
« Je suis troublé par cette possibilité de fraudes. Lorsque ce n’est pas régulé, l’investisseur n’a personne vers qui se tourner. S’il vit à l’étranger, il devra faire appel à la police israélienne et cela m’inquiète ».
Hauser ajoute : « Cela peut être une arnaque dans le sens où les gens peuvent investir de l’argent et ne plus jamais entendre parler de la compagnie ».
Un alignement d’intérêts
Pendant ce temps, au sein de l’industrie naissante des crypto-devises en Israël, les opérateurs espèrent que les régulateurs n’interviendront pas pour tuer leurs industries sous le poids des réglementations.
Lors de l’événement organisé au mois d’octobre par Traffic Lords, les intervenants provenaient de deux groupes.
Le premier, des vétérans de la communauté des bitcoins en Israël, comme Meni Rosenfeld et Yuval Rouach, des militants convaincus des crypto-devises et de la décentralisation qui ont passé leurs dernières années à tenter de convertir le grand public.
Le second groupe, des hommes d’affaires – certains issus d’industries légitimes variées, d’autres de celle des options binaires – qui ont cherché à capitaliser la popularité croissante des crypto-devises.
Quatre des intervenants lors de l’événement étaient issus du groupe qui s’appelle ‘Alignement’, un nouveau partenariat annoncé dans un communiqué de presse le 7 septembre, impliquant le Singulariteam Technology Group de Moshe Hogeg, spécialiste du capital-risque, ainsi qu’une entreprise du secteur blockchain, BlockchainIL, et le groupe d’investissement en crypto-devises CoinTree. ‘Alignement’ est un incubateur de start-ups qui « conseillera, créera et financera des projets et des firmes existantes de blockchain, depuis le début, à travers des ICOs et autres ». Le Times of Israel n’a aucune raison de croire que l’incubateur ‘Alignement’ fonctionnera autrement que conformément à la loi.
Hogeg s’est montré si optimiste concernant la technologie blockchain et les crypto-devises qu’il a promis, dans le même communiqué de presse, d’investir, sans exception, dans toutes les entreprises du secteur blockchain israélien en 2017.
Les quatre représentants d’Alignement qui se sont exprimés lors de l’événement étaient Sefi Golan, directeur-général et président de Blockchain IL, Hogeg, un homme nommé Ofir de Cointree Capital, et un représentant de Traffic Lords qui ne s’est pas identifié. Selon le registre des sociétés israéliennes, Traffic Lords est la propriété conjointe de Singulariteam, de Yaniv Levi et d’Oren Ozeri, deux vétérans de l’industrie du trading en ligne.
Selon une récente poursuite judiciaire entamée devant un tribunal israélien, Levi est le propriétaire de facto de « Investing Academy », une école traditionnelle en ligne ayant pignon sur rue qui enseigne aux investisseurs comment faire du trading, puis les présente à des courtiers sur internet.
Ozeri avait enregistré le site rtoption.com. L’un des partenaires de BlockChainIL, Roman Abramov (le même qui a récemment fait l’actualité en lien avec les enquêtes de police qui impliquent la relation entretenue par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le magnat australien du jeu James Packer) est également un ancien employé de Yaniv Levi ainsi qu’un ancien gestionnaire des opérations internationales pour la compagnie israélienne de Forex Matach24, selon son propre profil hébergé sur LinkedIn.
L’un des éléments qui est clairement apparu lors de cette réunion est que les participants n’ont guère de certitude sur la direction qu’empruntera cette nouvelle industrie. Ofir, de Cointree Capital, a tenté de convaincre les annonceurs en affiliation de s’impliquer dans les ICO. Un grand nombre d’entre eux ont toutefois affiché leur scepticisme.
« Nous sommes un fonds qui aide à lancer les ICO en Israël », a dit Ofir aux personnes présentes. « Notre premier projet s’appelait Kik (une application de messagerie) et il a levé 100 millions de dollars. Notre deuxième projet, Stox (une plate-forme de prévision du secteur blockchain) a collecté 40 millions de dollars. »
Ofir a indiqué que les entreprises lançant des ICO ont levé 3 milliards de dollars depuis le mois de mai, surpassant les financements de démarrage amorcés dans le monde entier par des spécialistes du capital-risque.
« Si vous pouvez vous placer entre l’argent et les entreprises au bon moment, il y a ici une opportunité énorme ».
Mais les membres du public n’ont pas semblé convaincus. Les ICO semblent risquées : Et si certaines échouent à lever de l’argent ? Les affiliés seront-ils payés ? Pourquoi ne pas simplement envoyer du trafic vers le Forex en ligne et les plate-formes CFS – où les paiements sont garantis ?
Ofir a répondu : « C’est une question de niveau de risques que vous êtes prêt à prendre et de niveau de rétributions que vous voulez gagner. Depuis qu’Ethereum a été inventé, depuis que les gens ont constaté que son ICO a levé beaucoup d’argent, beaucoup de gens dans le monde qui ne savent même pas ce qu’ils font mettent simplement 1 000 ou 2 000 ou 3 000 dollars dans un ICO. Les gens lèvent beaucoup d’argent dans ce qui est essentiellement un casino ».
Qu’est-ce qui pourrait aller mal ?
Le problème avec les ICO, c’est qu’elles n’offrent que peu de protection aux investisseurs, a affirmé Jacob Ma-Weaver, fondateur du Cable Car Capital, un cabinet de conseil aux investissements basé à San Francisco.
« Le problème avec les jetons, c’est que contrairement aux titres dans une entreprise, aucun droit légal n’y est rattaché. Si vous investissez dans un capital-risque, dans une entreprise qui démarre et que l’entreprise ne réussit pas, vous vous trouvez comme le propriétaire d’une entreprise en banqueroute, où vous allez potentiellement recevoir certaines valeurs de liquidation. Soulever du capital est un processus légal établi depuis longtemps avec des droits et des privilèges connus par tous. Les protections apportées aux investisseurs ont une raison d’être ».
Ma-Weaver a expliqué qu’un jeton, en comparaison, est tout simplement une promesse vague de quelque chose à venir, peut-être d’un rabais sur un produit qui n’existe pas encore ou d’une devise à utiliser sur une plate-forme encore en développement.
« Les gens ne les achètent que parce qu’ils s’attendent à pouvoir les revendre à un ‘parfait idiot’ « , a-t-il déclaré.
Il a ajouté que « certains au sein de la communauté du capital-risque affirment que les ICO sont dorénavant un autre moyen de financement des start-ups. Mais la différence, c’est qu’il n’y a aucun droit de propriété ! On vend du rien en échange de quelque chose. D’un côté, je peux comprendre pourquoi les gens prennent un argent qui est offert mais de l’autre, c’est vraiment profiter des acheteurs. Une fois que vous passez dans un schéma marketing, alors on traverse la ligne vers la fraude ».
En 2017 seulement, les investisseurs ont versé des milliards dans des ICOs, avec une start-up américaine – Tezos – qui a levé 232 millions de dollars dans un ICO au mois de juillet. Une start-up israélienne appelée Bancor a soulevé 153 millions de dollars au mois de juin en seulement trois heures.
« Le type de personnes à investir prématurément dans des cryptodevises, ce sont des profils de joueurs », a dit l’initié. « Cela a fonctionné pour eux et ils sont devenus riches, mais ils ne sont pas diversifiés. Toute leur fortune est en bitcoins ou en Ethereum. Ils ne veulent pas rater la prochaine grosse affaire. Alors ils placent 10 % de leur richesse dans tous ces ICOS différents et là, ils se sont diversifiés. Ça ressemble à l’achat de billets de loterie ».
Une affaire risible
A l’événement de Traffic Lords, Hogeg, partenaire de gestion de la société de capital-risque Singulariteam (aux côtés de l’oligarque Kazakh Kenges Rakishev), a encouragé les annonceurs en affiliation à tenter de trouver des moyens de rendre les cryptodevises attirantes pour un public ordinaire.
A ce moment du discours de Hogeg, un incident très significatif est survenu.
Hogeg a souligné que les crypto-devises aujourd’hui ont simplement trois usages pratiques dans la vie quotidienne : Elles sont un instrument de spéculation financière ainsi qu’un moyen pour les entrepreneurs de lever de l’argent. Mais elles sont aussi un outil exploité par les criminels pour se transférer de l’argent les uns aux autres.
« Les crypto-devises sont formidables pour les petits paiements et pour les gens qui vendent des stupéfiants », a-t-il expliqué. « Pas besoin de passeur d’argent. En fait, c’est formidable pour le monde du crime – mais ce n’est pas pour ça que nous sommes ici. »
Après une pause lourde de sens, une large partie de la salle a éclaté de rire.
Le Times of Israel a contacté Moshe Hogeg pour lui demander ce qu’il pensait du nombre important d’opérateurs d’options binaires qui entrent aujourd’hui dans le secteur des crypto-devises, une question qui est restée sans réponse.
Trois modèles économiques
Comme dans toute industrie encore naissante, le modèle économique qui permettra aux crypto-devises de réussir au mieux et de dominer les autres est encore indéterminé.
« Nous, à Traffic Lords, nous sommes un réseau d’affiliation », a expliqué un représentant de l’entreprise cette nuit-là. « Les offres que nous avons dans notre système se paient en dollars, pas en crypto-devises. Nous payons pour les ICO, nous payons pour les gens qui peuvent nous amener du trafic sur les marchés où on peut acheter et vendre des bitcoins ».
« C’est un petit changement », a crié quelqu’un dans la salle. « On est mieux financièrement à travailler avec eToro,” a ajouté cet objecteur.
EToro — un « réseau de commerce social et d’investissement » fondé à Tel Aviv — n’a pas l’autorisation de solliciter les investisseurs israéliens. Toutefois, il est licencié à Chypre et une version du site au Royaume Uni a été autorisée par la FSA britannique.
« Pas de problème », a répondu le représentant de Traffic Lords. « Nous avons des offres qui paient davantage qu’eToro. Mais si vous voulez travailler avec eux, faites comme bon vous semble ».
« Vous voyez, les ICO, c’est un peu différent », a-t-il continué. « Les structures de paiement n’ont pas encore été entièrement déterminées, mais il y a des plate-formes de trading de crypto-devises qui sont identiques à tout ce que peut offrir cette industrie du trading en ligne dont vous êtes familiers. Cela fait longtemps qu’on fait ça et, seulement récemment, on a pivoté fortement dans le monde des crypto-devises ou dans le secteur de la blockchain. Je vous le dis, il y a une opportunité ici. Nous l’avons identifiée il y a quelques mois ».
En raison de leur nature risquée et du potentiel de fraude, des pays comme la Chine ou la Corée du sud ont interdit les ICOs. Les Etats-Unis ou le Canada disent qu’en fonction de la structure adoptée, de nombreuses ICOS contreviennent d’ores et déjà aux lois sur les titres. Le 30 août, le président de l’Autorité israélienne des titres, Hauser, a annoncé la formation d’une commission chargée d’examiner si les ICOs sont un moyen légitime pour trouver des capitaux. La commission devrait émettre ses recommandations initiales vers le 31 décembre.
Lors de la conférence de Traffic Lords, Sefi Golan, de BlockchainIL, a indiqué que les régulations l’inquiétaient beaucoup, lui et son équipe, mais qu’il avait la conviction que les régulateurs prendraient les bonnes initiatives pour « soutenir cette industrie tout en protégeant les investisseurs des fraudes ».
« Nous avons les meilleurs avocats en Israël, en Suisse et aux Etats-Unis, a dit Golan à l’assistance réunie.
« Nous avons un canal direct avec les régulateurs et vous devez comprendre que les pays considèrent cette technologie comme une opportunité de développer leurs économies. Au cours des trois derniers mois, nous avons rempli quatre étages et demi de cet immeuble avec de nouvelles entreprises. C’est un commerce réel, je pense que les autorités comprennent que c’est un commerce réel ».
Comme pour souligner le point de vue de Golan, Moshe Hogeg a rencontré le 23 octobre le ministre des Finances Moshe Kahlon pour discuter de crypto-devises et d’ICO.
« Je suis très heureux d’annoncer que je viens de terminer une rencontre extraordinaire avec le ministre des Finances Moshe Kahlon au sujet du secteur blockchain et des cryptodevises », avait écrit à cette occasion Hogeg sur sa page Facebook.
« Le ministre est très positif, il nous soutient. Cela réchauffe le cœur et cela nous fait avancer vers une solution et ensemble, avec le gouvernement, qui appuie l’innovation, nous serons en mesure de créer beaucoup de valeurs pour tous ».
Tandis que les régulateurs délibèrent et qu’ils convoquent des commissions, l’industrie des crypto-devises israéliennes avance à grand pas.
« L’avantage dans le marketing d’affiliation des cryptodevises et des technologies blockchain, c’est que c’est un océan bleu », a expliqué le représentant de Traffic Lords à la fin de la soirée.
« C’est le Far-West. Personne ne sait ce qu’il se passe. Google ne bloque pas les publicités. On peut faire ce qu’on veut. »
Il s’est rapidement repris. « Je ne dis pas de faire ce que vous voulez, je dis qu’il y a une opportunité réelle ici ».
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel