Des leaders musulmans américains découvrent Israël grâce aux Accords d’Abraham
Organisé par Sharaka, une association à but non lucratif, le groupe débute son tour au Bahreïn en se penchant sur l'autonomisation des femmes avant de se rendre dans l'État juif
Dans le but de batir des ponts et de promouvoir les Accords d’Abraham, une délégation de 13 leaders musulmans américains a atterri en Israël la semaine dernière.
« Le conflit entre Israël et les Palestiniens a engendré une polarisation où les musulmans à travers le monde ont le sentiment qu’ils n’ont même pas le droit d’engager un dialogue avec Israël », a déclaré lundi au Times of Israel Dan Feferman, le directeur de la communication et des affaires internationales chez Sharaka, l’une des organisations qui a organisé le voyage. « Nous voulons bâtir des relations basées sur le dialogue et la compréhension, où les gens peuvent explorer, discuter et apprendre à se connaître. »
Parmi les visiteurs se trouvait Talib Shareef, un imam éduqué par la Nation of Islam.
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« Les accords d’Abraham me donnent de l’espoir », a déclaré Shareef au Times of Israel par téléphone mercredi, en référence aux accords de 2020 qui ont permis la normalisation des liens entre Israël et les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Maroc.
Shareef est afro-américain et imam de la Masjid Muhammad, la mosquée de la nation, à Washington, DC.
Il a été l’élève de W.D. Muhammed, fils d’Elijah Muhammed, qui a dirigé, pendant plus de 40 ans et jusqu’à sa mort en 1975, la Nation of Islam, une organisation noire islamique et politique. L’organisation s’est ensuite scindée en deux camps. Celui qui s’appelle actuellement Nation of Islam est dirigé par Louis Farrakhan, qui a maintes fois exprimé ses opinions antisémites, faisant publiquement l’éloge d’Adolf Hitler et trempant dans des théories du complot sur la mainmise des Juifs sur le monde.
« Nous héritons de notre passé », a ajouté Shareef, « et nous devons le confronter et apprendre à vivre ensemble en paix. » Pour lui, ce voyage soulignait cet impératif.
Shareef a tenu à préciser qu’il n’était pas lié à l’organisation dirigée par Farrakhan. L’organisation originale de la Nation of Islam, a évolué, a-t-il dit, et est devenue « un mouvement universel » qui « englobe l’ensemble de l’humanité. »
« Nous regardons, et nous apprenons », a-t-il dit, ajoutant qu’en tant que chef religieux, il partagera ses impressions sur Israël avec les membres de sa congrégation.
Ce n’est pas la première fois que Sharaka et l’American Muslim and Multifaith Women’s Empowerment Council (AMMWE) organisent une visite de musulmans américains en Israël. La dernière délégation, composée de dirigeants pakistano-américains, était venue au mois de septembre, dans le but de favoriser le dialogue au sein de leur communauté sur la possibilité pour le Pakistan de rejoindre les Accords d’Abraham.
Le dernier groupe – qui s’est rendu au Bahreïn pendant deux jours avant de venir en Israël – était lui aussi composé principalement de musulmans américains d’origine sud-asiatique.
Selon Ahmed Khuzaie, directeur des affaires américaines de Sharaka et co-organisateur du voyage de la délégation au Bahreïn, cette décision était délibérée.
« Nous souhaitions nous adresser aux communautés musulmanes américaines qui ont rarement l’occasion d’être exposées au Golfe ou à Israël », a-t-il déclaré. « Ils viennent du Pakistan, du Bangladesh ou du Sri Lanka et ne se rendent pas compte de la manière dont les accords fonctionnent dans la vie de tous les jours. »
Selon lui, de nombreux Américains considèrent les Accords d’Abraham comme un produit de l’administration Trump et ne croient pas en ses effets sur le long-terme.
Pourtant, il semblerait que depuis la signature des accords, Israël et les trois États arabes sont déterminés à cultiver des liens chaleureux, lançant de multiples initiatives pour rapprocher les nations. Les accords ont également eu un impact économique non négligeable. Selon le ministère des Finances israélien, depuis le début de leurs relations, les échanges commerciaux entre Israël et les Émirats arabes unis ont atteint quelque 1,2 milliard de dollars en 2021.
Le voyage, étant co-organisé avec l’American Muslim and Multifaith Women’s Empowerment Council (AMMWEC), la délégation s’est intéressée à l’autonomisation des femmes, principalement au cours des deux premiers jours passés au Bahreïn.
« Nous avons rencontré des femmes arabes qui sont heureuses de ce qu’elles sont et de ce qu’elles font. Elles ont un emploi, elles sont autonomes, elles font ce qu’elles aiment. C’était passionnant à entendre », a déclaré Anila Ali, cofondatrice de l’AMMWEC et militante du Parti démocratique, au Times of Israel.
Le groupe a rencontré l’ambassadeur d’Israël au Bahreïn, a visité le musée national du Bahreïn et a rencontré des femmes d’affaires et des artistes féminines.
En Israël aussi, la rencontre avec des femmes à succès issues de milieux divers a été un point important. La délégation a également assisté à une table ronde interconfessionnelle, où Shareef a pris la parole, et a visité des sites historiques importants pour les chrétiens, les musulmans et les juifs autour de Jérusalem, dont Yad Vashem.
Le Bahreïn, cette petite monarchie du golfe Persique, a connu ces dernières années une augmentation de la participation des femmes au marché du travail – souvent considérée comme un marqueur des droits et de l’émancipation des femmes – selon les chiffres de la Banque mondiale, passant de 29 % en 1991 à 42 % en 2021. (Aux États-Unis, la participation était de 55 % en 2021 ; en Israël, elle était de 59 %).
« Je veux montrer que [les Bahreïniens et les Israéliens] vivent dans la tolérance, la coexistence et la paix », a déclaré Fatema Al Harbi, directrice des affaires du Golfe de Sharaka qui a accompagné la délégation au Bahreïn. « Et je veux que les gens en sachent plus sur le Bahreïn et surtout sur les femmes bahreïniennes ».
Faryal Khan, une autre cofondatrice de l’AMMWEC, a déclaré : « En découvrant nos cultures respectives, nous avons réalisé que nous n’étions pas très différentes. »
Les deux femmes, ainsi qu’Ali, ont été critiquées pour leur activisme.
« Il fut un temps, raconte Ali, où nous ne pouvions pas parler d’antisémitisme. Les gens nous demandaient immédiatement : ‘Vous êtes juive ?’ ».
Elles ont également été critiquées au sein de leur propre communauté, dit-elle, en tant que femmes qui n’avaient pas peur de s’exprimer.
Toutes ont cependant le sentiment qu’elles font une différence. « Un dialogue s’est ouvert, comme il n’y en avait jamais eu auparavant », a expliqué Khan. » Une partie est positive, une partie est négative. Mais il y a eu un changement de mentalité. Et quand les gens viennent en Israël, ils se rendent compte que la réalité est différente de ce que dépeignent les réseaux sociaux. »
Soraya Deen, avocate et oratrice publique qui a participé au voyage, a expliqué que les voix palestiniennes manquaient dans l’itinéraire.
Pendant son séjour à Jérusalem, dit-elle, ses rencontres avec les Palestiniens ont été tendues, notamment lors de sa visite de la mosquée Al-Aqsa. « J’ai été encerclée par sept individus, parce que des mèches de mes cheveux dépassaient, et cela leur a semblé inapproprié », a-t-elle raconté.
« Cette attitude moyenâgeuse rend le dialogue difficile, car les négociations ne peuvent surpasser les négociateurs. »
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