Des milliers de personnes sur la tombe d’un dirigeant haredi, ce qu’il aurait détesté
À l'occasion de l'anniversaire de la mort de Rabbi Elazar Shach, sa sépulture est devenue un lieu de prière et de manifestation contre la conscription des Haredim
Cette semaine, des milliers de Juifs haredim se rendent en pèlerinage sur la tombe de Rabbi Elazar Shach pour le 23e anniversaire de sa mort, le 16e jour du mois hébraïque de ‘Heshvan.
Mais si Shach était vivant, il verrait sans doute d’un mauvais œil cette foule qui se presse vers sa sépulture.
« Le rabbin Shach n’allait pas sur les tombes, jamais », rappelle le rabbin Refoel Wolff, qui a été l’assistant personnel de Shach pendant plus de vingt ans, jusqu’à sa mort à l’âge de 102 ans en 2001. « Il était contre ce genre de choses. »
Au cimetière de Bnei Brak, tout proche de la yeshiva phare de Ponevezh que Shach a dirigée pendant plus de quarante ans, un barnum a été déployé pour abriter les nombreuses prières prévues sur sa tombe.
Samedi soir, les kabbalistes ont soufflé dans des shofars et allumé des bougies lors de la prière de minuit.
Un tribunal rabbinique ad hoc établi sur la sépulture a statué que, dans la mesure où « précipiter un Juif dans le péché est pire qu’un meurtre, nous déclarons par la présente qu’aucun homme haredi n’ira faire son service militaire », explique Kol Hayosher, un organe de presse de WhatsApp.

« Le rabbin Shach a eu de nombreuses occasions de se rendre sur la tombe de ses anciens maîtres, à l’instar du rabbin Isser Zalman Meltzer, enterré ici en Israël, mais il ne l’a jamais fait », poursuit Wolff.
Rabbi Shach disait par ailleurs que, du temps où il était à Vilna, avant la Shoah, là où le Gaon de Vilna est inhumé, il ne s’était jamais rendu sur sa tombe. Et personne d’autre en Lituanie d’ailleurs – les Juifs ne faisaient pas ça, là-bas », précise-t-il. « Et en ce qui me concerne, je ne me rends jamais sur la tombe du rabbin Shach. »
Particulièrement actif sur le plan politique dans les années 1980 et 1990, Shach a été le leader moderne le plus dynamique du courant lituanien, non hassidique, du judaïsme haredi.
Il a joué un rôle déterminant dans la création du Shas en 1984, comme parti représentant les intérêts séfarades haredim. En 1988, en partie en raison de son opposition au rabbin Menahem Mendel Schneerson, le chef du groupe hassidique Habad, il a rompu les relations avec Agudat Yisrael et créé Degel Hatorah pour défendre les intérêts haredim lituaniens.
Il a également soutenu la création de Yated Neeman, quotidien d’information qui est le porte-parole de Degel Hatorah.

Dans un discours particulièrement enflammé, en 1990, il avait qualifié les membres laïcs du kibboutz d’« éleveurs de lapins et de porcs » qui ne « savaient même pas ce qu’est Yom Kippour ».
Il était farouchement opposé aux implantations de Cisjordanie, qu’il considérait comme provocation envers les Gentils qui ne pourrait que mettre en danger les Juifs, et soutenait les initiatives « terre contre paix ».
Au moment où des milliers de Haredim en Israël célèbrent l’anniversaire de la mort de Shach, la controverse concernant l’exemption générale de conscription des soldats haredim ne faiblit pas.
Depuis que la guerre a éclaté à Gaza et dans le sud-Liban suite au massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023, près de 800 soldats israéliens ont été tués, plus de 5 400 blessés et 300 000 mobilisés au titre de la réserve.
Wolff pense que si Shach était vivant encore aujourd’hui, il s’opposerait à l’appel sous les drapeaux des jeunes hommes haredim – même ceux qui ne consacrent pas l’essentiel de leur temps à l’étude de la Torah.

« Le gros problème, aujourd’hui, au-delà de la question de l’éloignement des hommes de l’étude de la Torah, c’est que l’armée n’est pas un endroit pour un jeune homme haredi soucieux de respecter à la lettre la halakha », explique Wolff en employant le mot hébreu pour parler de la loi juive.
« Même pour quelqu’un qui ne veut pas étudier la Torah ou qui a des difficultés pour le faire, l’armée n’est pas un bon endroit. Ce n’est pas qu’une question d’apprentissage : cela tient au fait de rester un Juif pleinement engagé dans son judaïsme », précise-t-il.
Wolff assure être en possession d’une lettre de Shach dans laquelle il explique que tout étudiant de yeshiva ayant le permis de conduire devra être radié de la liste des étudiants de Torah éligibles à l’exemption de service militaire.
« Il pensait que la conduite était dangereuse et que si vous pouviez conduire une voiture, alors elle vous emmènerait dans des endroits spirituellement dangereux », poursuit Wolff.

Environ 66 000 hommes haredi âgés de 18 à 24 ans sont actuellement exemptés de service militaire, au motif qu’ils consacrent l’essentiel de leur temps à l’étude de la Torah.
Selon des responsables de Netzah Yehudah, organisation d’aide aux hommes haredim en âge de faire leur service militaire, au moins un tiers de ceux qui bénéficient d’exemptions n’étudient pas à la yeshiva.
Dimanche, jour anniversaire de la mort de Shach, l’armée israélienne a envoyé 7 000 ordres de conscription à des hommes haredim, après que la Cour suprême a statué qu’il n’était plus légal d’accorder des exemptions générrales pour la communauté haredi.
Des manifestations ont éclaté à Bnei Brak et dans d’autres villes à forte population haredi et des foules de manifestants ont bloqué les routes pour protester contre la publication du projet d’ordres.
Wolff estime que Shach s’opposait également aux manifestations.
« Il disait que cela ne servait à rien, que cela n’éduquait pas la jeunesse haredi et que cela ne faisait que nourrir l’inimitié envers les Juifs laïcs. »
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