Des patrons s’inquiètent des priorités du gouvernement pour soutenir l’économie dévastée par la guerre
De grands entrepreneurs estiment que privilégier les allocations budgétaires politiques plutôt qu'économiques freine la reprise et coûte cher à la population
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
D’importants entrepreneurs œuvrant dans les secteurs de la haute technologie, de la finance et des affaires ont averti que sans un plan de relance budgétaire pour reconstruire les communautés déchirées par la guerre et aider à relancer la croissance économique, le fardeau retomberait sur la population israélienne pendant plusieurs années.
Cette mise en garde intervient alors qu’une série d’augmentations d’impôts et de diminutions de services publics sont attendues cette année, afin de contribuer au financement de l’explosion des coûts de la guerre menée actuellement contre le groupe terroriste palestinien Hamas, ainsi que d’autres hausses de coûts à venir.
Mardi, lors de la conférence annuelle Globes à Tel Aviv, des investisseurs institutionnels, des entrepreneurs en série et des banquiers se sont réunis pour réfléchir aux perspectives de l’économie du pays après la guerre.
Les visiteurs ont afflué dans les salles de la conférence pour écouter les dirigeants des principales entreprises israéliennes représentant la plupart des secteurs de l’économie – de la banque, de l’assurance et de l’aviation à l’énergie et à la haute technologie – qui ont exprimé leur frustration face au gouvernement qui continue à placer les intérêts sectoriels et l’autopréservation au-dessus des priorités nationales dans le budget 2025.
« Tant que l’écart entre les priorités budgétaires motivées par des considérations politiques et celles qui sont nécessaires pour des raisons purement économiques se creusera, la reprise de l’économie sera retardée et, avec elle, son potentiel de croissance », a déclaré Reuven Krupik, PDG de la banque Hapoalim.
Ces observations interviennent alors que la Knesset devrait procéder à un premier vote sur le budget 2025 la semaine prochaine. Ce budget doit être adopté avant la fin du mois de mars, faute de quoi le gouvernement tombera automatiquement, ce qui déclencherait des élections législatives anticipées.
Début novembre, le cabinet a franchi le premier obstacle à l’adoption du budget 2025, qui comprend un plan d’austérité d’environ 40 milliards de shekels, sous la forme de hausses d’impôts et de fortes réductions des dépenses, afin de combler l’écart entre les recettes attendues et les dépenses de défense élevées destinées à financer la guerre en cours.
Dans le cadre de ces mesures d’austérité, les cotisations à l’assurance nationale, qui comprennent les paiements de l’impôt sur la santé, seront augmentées ; les tranches de l’impôt sur le revenu et les points de crédit d’impôt seront gelés ; et la taxe sur la valeur ajoutée, impôt indirect perçu lors de l’achat de biens et de services, passera de 17 % actuellement à 18 % en 2025. Les salaires et les pensions seront également touchés.
Lors de la conférence, Eyal Ben Simon, PDG de Phoenix Holdings, s’est réjoui que le gouvernement fasse avancer l’approbation du budget, tout en exprimant des inquiétudes quant à sa composition.
« Il y a des contraintes politiques dans la formulation de ce budget qui ne sont pas faciles à surmonter et je n’envie personne au gouvernement. Cependant, nous avons besoin d’espoir dans le budget de l’État et je n’en vois pas », a déclaré Ben Simon. « Je le concevrai différemment, avec un horizon beaucoup plus long qui encourage les moteurs de croissance de l’économie pour les dix prochaines années au moins. »
L’explosion des coûts de la guerre menée depuis quatorze mois et l’absence de nombreux employés appelés au service de réserve, ainsi que de milliers de travailleurs palestiniens, ont affecté de nombreux secteurs de l’économie, notamment les secteurs de la haute technologie, de la construction, de l’énergie et de l’agriculture.
« Nous aurons besoin de beaucoup d’argent pour restaurer l’armée, l’économie et les entreprises touchées par la guerre », a déclaré Moshe Kaplinsky, PDG du groupe israélien de raffinage et de pétrochimie Bazan.
« Ce qui m’inquiète, c’est que le gouvernement n’a pas de plan cohérent définissant les priorités nécessaires pour maintenir un déficit équilibré en temps de crise », a-t-il ajouté.
Kaplinsky a déploré l’absence de budget permettant aux habitants du nord d’Israël de rentrer chez eux et de reprendre le cours de leur vie, malgré le cessez-le-feu conclu avec le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah. Quelque 60 000 habitants du nord sont toujours, suite aux tirs de roquettes du Hezbollah. Ils ont été évacués peu après le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël, au cours duquel plus de 1 200 personnes, pour la plupart des civils, ont été assassinées, et 251 autres ont été prises en otages et emmenées de force à Gaza, dans un contexte de tirs persistants de roquettes et de missiles en provenance du Liban, qui ont commencé, sans provocation, au lendemain de l’assaut barbare et sadique du Hamas.
« Je crains fort que nous ne revenions à une décennie sacrifiée, comme ce fut le cas après la Guerre du Kippour », a averti Kaplinsky.
Les chefs d’entreprise ont appelé à un changement de priorités pour encourager la population ultra-orthodoxe à travailler et à servir dans l’armée, afin de partager la charge de travail de la population israélienne qui participe à la guerre, effectue son service de réserve et fait tourner l’économie en payant des impôts. Les besoins du pays en matière de sécurité ne cessent de croître, créant ainsi une situation économiquement insoutenable.
« La discrimination dans la répartition du fardeau entre les populations doit être corrigée, y compris l’absence d’enrôlement de pans entiers de la population dans l’armée », a déclaré Krupik.
« Tant que ces problèmes ne seront pas résolus, les chances d’une reprise économique seront moindres et la charge pesant sur les familles et les ménages sera plus lourde. »