Des pavés fabriqués à partir de tombes juives, rendus à la communauté de Prague
Le monument "Retour des pierres" fait partie d'une initiative plus large visant à lutter contre la profanation des cimetières juifs en Europe de l'Est
JTA – Même les morts n’ont pas été épargnés pendant et après la décimation des populations juives d’Europe de l’Est lors de la Shoah : les habitants, leurs occupants nazis et leurs dirigeants communistes ont tous participé au pillage des cimetières juifs et se sont servis des pierres tombales pour paver des routes et construire d’innombrables bâtiments publics, y compris des écoles, des pavillons de parc et même des églises.
Le 7 septembre, la communauté juive de Prague, en République tchèque, a inauguré un nouveau monument dans son cimetière afin de tenter de réparer une partie des dégâts.
Le monument se compose d’environ 6 000 pavés fabriqués à partir de pierres tombales juives qui ont été utilisées en 1987 pour paver la place Venceslas de Prague, selon la chaîne nationale Česka Televize. La municipalité a remis les pierres à la communauté juive en 2020, après les avoir retirées lors de rénovations.
La communauté avait chargé les artistes Jaroslav et Lucie Rona de réaliser le monument, qui a coûté environ 32 000 dollars et comprend un monticule entouré de neuf blocs constitués des pavés. Bien que des caractères des alphabets hébreu et romain soient visibles sur certaines des pierres, aucune pierre tombale individuelle utilisée pour fabriquer les pavés n’a pu être identifiée, d’après les informations fournies.
Dans un discours prononcé lors de la cérémonie d’inauguration, František Bányai, président de la communauté juive de Prague, a qualifié les pavés de « symbole de barbarie, de grossièreté et de cruauté archaïque ».
Le cimetière juif de Žižkov, où le monument intitulé « Retour des pierres » a été dévoilé, fait partie des nombreux cimetières juifs dont les terres ont été volées sous le communisme. Les autorités avaient construit une antenne de télévision sur une partie du cimetière, violant ainsi les lois de la tradition juive qui interdisent de perturber les lieux de sépulture.
Le mémorial s’inscrit dans le cadre d’un effort plus large déployé dans la région pour lutter contre la profanation des cimetières juifs. Les Juifs considèrent que ces profanations ont ajouté l’insulte à l’injure, car elles visent jusqu’au souvenir des communautés anéanties par la Shoah.
L’utilisation de pierres tombales comme matériau de construction a attiré l’attention des médias ces dernières années dans plusieurs pays d’Europe de l’Est où l’histoire juive est complexe.
En 2014, la municipalité de Varsovie, en Pologne, a rendu à la communauté juive des pierres tombales qui avaient été utilisées pour construire un pavillon dans un parc local.
Et le mois dernier, des pierres tombales juives qui ont été utilisées pour construire des escaliers menant à l’église évangélique réformiste de Vilnius, en Lituanie, ont été restituées à un cimetière juif local, au terme d’une campagne menée pendant des années par des membres de la communauté juive de la ville.