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Des PDG de banques israéliennes démissionnent pour gagner plus ailleurs

Trois dirigeants des cinq principales banques démissionnent, à cause d'une loi de 2016 qui plafonne leurs salaires, et se tournent vers d'autres secteurs

Le professeur Amir Yaron de la Banque d'Israël, (à gauche), en compagnie de Rakefet Rosek-Aminach, PDG de la Leumi Bank, lors de sa nomination à la résidence du président à Jérusalem, 24 décembre 2018. (Yonatan Sindel/Flash90)
Le professeur Amir Yaron de la Banque d'Israël, (à gauche), en compagnie de Rakefet Rosek-Aminach, PDG de la Leumi Bank, lors de sa nomination à la résidence du président à Jérusalem, 24 décembre 2018. (Yonatan Sindel/Flash90)

L’annonce, dimanche, que la PDG Rakefet Russak-Aminoach avait prévu de quitter la direction de la Banque Leumi Le-Israël, la plus grande banque du pays sur le plan financier, a peut-être surpris des gens, mais elle n’est peut-être pas véritablement surprenante.

Mme Russak-Aminoach, 53 ans, est la troisième PDG des cinq plus grands groupes bancaires israéliens à annoncer un départ au cours des quatre derniers mois.

Arik Pinto, 58 ans, PDG de Bank Hapoalim Ltd, deuxième prêteur du pays, a déclaré en avril qu’il quitterait son poste à la fin de 2019 après quatre ans, et la PDG d’Israel Discount Bank Ltd, Lilach Asher-Topilsky, 49 ans, a déclaré en juin qu’elle se retirerait pour devenir associée principale du fonds de capital-investissement israélien FIMI Fund. Elle était à la tête du quatrième prêteur d’Israël depuis février 2014.

Russak-Aminoach et Pinto n’ont pas donné de raison pour leur départ, mais les commentateurs disent que c’est une combinaison d’une réglementation accrue dans l’industrie, qui limite la capacité des PDG de diriger leur entreprise là où ils le voudraient, et de l’appel de sirène de salaires plus élevés dans d’autres secteurs non financiers, comme les fonds de capital-investissement, les entreprises technologiques, les entreprises de construction ou même les fabricants de produits chimiques.

Mme Rakefet Russak-Aminoach arrive à la cérémonie de nomination du nouveau chef de la Banque d’Israël, le professeur Amir Yaron, à Jérusalem. (Yonatan Sindel/Flash90)

Le site Web financier Globes a déclaré que Russak-Aminoach était en pourparlers pour rejoindre la firme israélienne Team8, un groupe de réflexion et investisseur en cybersécurité. Team8 et Moody’s Corp, l’agence de notation, ont déclaré la semaine dernière qu’ils créeraient une co-entreprise pour ce qui, espère-t-on, deviendra une norme mondiale pour évaluer la vulnérabilité des entreprises aux cyber-attaques. Leumi a refusé de commenter l’information.

En 2016, Israël a adopté une loi plafonnant la rémunération des dirigeants des institutions financières, y compris les banques et les compagnies d’assurance, à 2,5 millions de shekels par an (625 000 euros), soit 44 fois le salaire net du salarié le plus bas du Groupe. Avant le plafonnement, les salaires des hauts dirigeants des banques atteignaient jusqu’à 8 millions de shekels par an.

Une rémunération aussi généreuse est « injustifiable et au-delà de toute raison », a déclaré le ministre des Finances Moshe Kahlon lors de l’adoption de la loi limitant la rémunération des cadres dans le secteur financier. Les restrictions et la surveillance accrue des activités des banquiers ont été mises en place après l’indignation du public face aux salaires élevés versés aux banquiers, alors même que les banques annulaient des dettes colossales de millions de shekels appartenant à des magnats des affaires avec lesquels elles avaient collaboré.

Une commission d’enquête parlementaire multipartite mise sur pied en 2017 a déclaré plus tôt cette année que ces sauvetages de banques pour des magnats en faillite ont coûté des milliards de shekels au public israélien.

Photo illustrative d’une séance plénière de la Knesset, le 29 juillet 2013. (Crédit photo : Miriam Alster/Flash90)

Pourtant, les détracteurs de la loi, principalement des représentants de l’industrie financière, ont averti à l’époque d’une fuite des cerveaux du secteur financier vers d’autres industries où des limites n’étaient pas imposées. Et il semble que cela se concrétise : la combinaison de salaires plafonnés et de contrôles accrus fait fuir ces PDG.

« Le plafonnement des salaires est définitivement une mauvaise décision alors que cette réglementation n’a été imposée qu’au secteur financier », a déclaré Yaniv Pagot, économiste et responsable de la stratégie du groupe Ayalon, un investisseur institutionnel, dans une interview téléphonique. « À long-terme, cela causera des torts et signifiera que les candidats les plus qualifiés ne seront pas à la tête de nos institutions bancaires les plus importantes et sensibles. »

Pourtant, a-t-il ajouté, les PDG qui partent aujourd’hui « sont à leur poste depuis plusieurs années, ils ne sont pas partis du jour au lendemain. Je pense que c’est une combinaison entre le sentiment qu’ils ont besoin de relever de nouveaux défis, mais aussi qu’ils pourraient gagner plus pour leurs compétences. »

Le PDG de la Banque HaPoalim Arik Pinto, (à gauche), et le président de la banque Oded Eran, (à droite), participent aux discussions de la Commission chargée de l’examen des accords de crédit des grands emprunteurs, dans le cadre de la commission de l’économie, à la  Knesset, le 21 octobre 2018. (Hadas Parush/Flash90)

Le système bancaire israélien est dominé par cinq groupes principaux : Bank Leumi, Bank Hapoalim, Mizrahi-Tefahot Bank Ltd, Israel Discount Bank et First International Bank of Israel Ltd.

Ces banques sont « en excellent état », a déclaré M. Pagot. « Les actions des banques sont à leur plus haut niveau depuis quelques années et les fondamentaux sont solides. La direction de ces banques a réussi à créer des gains d’efficacité – en réduisant le nombre de travailleurs en coopération avec les syndicats puissants de ces banques, ce que les autres directions n’ont pas fait. »

Fin 2018, les cinq banques ont enregistré ensemble une hausse de 9,4 % de leur revenu net d’intérêts, à 30,7 milliards de shekels (7,6 milliards d’euros), et de 2 % de leur bénéfice net, à 9,3 milliards de shekels. Autrefois réputées pour leur inefficacité et leur force syndicale inébranlable, les banques israéliennes ont réussi au fil des ans à devenir plus efficaces grâce à l’utilisation de la technologie et à la réduction des effectifs et des succursales.

Lilach Asher-Topilsky, chef de la direction et présidente d’Israel Discount Bank, prend la parole lors d’une conférence à l’Université hébraïque de Jérusalem, le 7 mars 2017. (Hadas Parush/Flash90)

Selon les données de la Banque d’Israël, le ratio d’efficacité du système bancaire (coefficient d’exploitation) s’est amélioré, passant de 72,6 en 2014 à 64,4 % fin 2018.

Fin 2018, les banques avaient réduit le nombre de succursales d’environ 8 % et les effectifs d’environ 15 % par rapport aux niveaux de 2011, selon les données de la banque centrale.

Les portefeuilles de crédit des banques se sont également améliorés, les provisions pour créances douteuses ne représentant plus que 0,2 % de leur portefeuille de crédit à fin 2018, contre 0,5 % il y a une dizaine d’années, selon M. Pagot. Et toutes les banques respectent les ratios de fonds propres qui leur sont fixés par le régulateur bancaire.

Les actions ont réagi en conséquence : L’indice TA-Banks des cinq plus grandes banques du pays a progressé de 19 % au cours des 12 derniers mois, comparativement à une hausse de 5,4 % de l’indice de référence TA-35 pour la même période.

Yaniv Pagot, économiste et responsable de la stratégie pour le groupe Ayalon. (Crédit : Autorisation)

« Nous parlons de gens qui sont encore relativement jeunes, en particulier Russak-Aminoach et Asher-Topilsky, a dit M. Pagot. « Ils peuvent faire d’autres choses et gagner beaucoup plus. Si vous pouvez doubler ou tripler vos revenus et faire quelque chose de nouveau et excitant, pourquoi pas ? »

Les banques israéliennes ne sont pas seules. L’industrie de l’assurance, à laquelle les plafonds salariaux ont également été imposés, a également perdu ses chefs au profit d’autres industries. En mai, Shikun & Binui Ltd, un groupe de construction et d’immobilier, a nommé son nouveau PDG Eyal Lapidot, 53 ans, qui était auparavant le PDG du groupe Phoenix, un assureur. Raviv Zoller, ancien PDG de la compagnie d’assurance IDI, a été nommé en février 2018 PDG du fabricant d’engrais et de produits chimiques Israel Chemicals.

Chacun de ces PDG « a sans aucun doute ses raisons de partir, mais il est clair que, dans certains cas, la possibilité de gagner davantage en dehors du secteur bancaire et des assurances a pu jouer un certain rôle dans la prise de décision », a déclaré Terence Klingman, directeur des investissements chez Heritage Family Office Partners Ltd, qui conseille les familles riches sur les investissements à faire pour leur argent. M. Klingman est également un ancien responsable de la recherche sur les ventes à la Psagot Investment House, où il a couvert les banques israéliennes, et a travaillé comme directeur de la recherche sur les actions au bureau d’investissement principal de UBS Wealth Management.

« Dans l’ensemble, le rôle de PDG d’une institution financière en Israël aujourd’hui est très probablement moins attrayant que par le passé en raison de la complexité croissante des institutions financières, à laquelle s’ajoutent des limites strictes en matière de rémunération et une perception accrue du niveau de responsabilité personnelle de la direction. »

Terence Klingman — chef des investissements au sein de Heritage Family Office Partners Ltd. (Autorisation)

La rémunération annuelle des PDG et des cadres supérieurs des institutions financières israéliennes a été effectivement plafonnée à moins d’un million de dollars par an (il s’agit du coût total pour la banque, y compris les pensions et autres éléments), a-t-il dit, tandis que la rémunération des PDG d’autres industries reste non réglementée, a-t-il ajouté.

Dans le même temps, les régulateurs ont exigé des banques qu’elles fassent davantage pour prévenir le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale et ont appliqué de plus en plus une conduite juste et transparente beaucoup plus rigoureuse envers leurs clients, en particulier dans le secteur des assurances, en intervenant sur les niveaux de frais et de primes fixés par les assureurs tout en essayant de permettre la récupération des rémunérations des cadres dirigeants liés aux lacunes réglementaires et déontologiques.

« Un salaire d’un million de dollars est très frugal à l’échelle mondiale, pour les PDG qui doivent maintenant faire face à des défis réglementaires complexes et qui ne peuvent pas être aussi flexibles qu’ils le voudraient lorsqu’il s’agit de prendre des décisions stratégiques pour leur entreprise », a déclaré M. Klingman.

De plus, les institutions financières sont de plus en plus perturbées par la technologie financière, les technologies d’assurance et les nouvelles entreprises technologiques en général, ainsi que par les prêteurs non traditionnels qui prennent maintenant une partie de leur part du marché, a dit M. Klingman. Le projet de Facebook de lancer Libra, une monnaie numérique, pourrait même perturber davantage un système bancaire mondial qui est déjà en train de subir une attaque technologique massive.

Cette photo du 22 mars 2018 montre des applications pour Facebook, Instagram, Whatsapp et autres réseaux sociaux sur un smartphone à Chennai, en Inde. (Arun Sankar/AFP)

« Au vu de tout cela, nous ne serions pas surpris qu’au moins certains PDG d’institutions financières choisissent de passer à d’autres secteurs moins étroitement réglementés qui pourraient offrir une plus grande liberté de mouvement pour s’adapter aux défis stratégiques ainsi que la possibilité de niveaux de rémunération beaucoup plus élevés », a déclaré M. Klingman.

« Il ne s’agit pas seulement d’argent, bien sûr, mais si vous pesez le pour et le contre – plus de réglementation et une capacité limitée de manœuvre stratégique, alors pourquoi ne pourraient-ils pas bouger, surtout s’ils sont assez jeunes pour le faire ? Si vous êtes un manager talentueux, vous n’êtes pas limité à un seul secteur. »

Depuis la crise financière de 2008, les régulateurs étrangers ont également renforcé la surveillance du secteur financier, mais n’ont généralement pas opté pour un plafonnement strict des salaires. Dans certaines régions d’Europe, par exemple, les primes ont été plafonnées en pourcentage des salaires de base, ce qui a entraîné une augmentation des salaires de base et creusé l’écart avec Israël, a dit M. Klingman.

Aux États-Unis, dans le cadre de la réforme Dodd-Frank Wall Street, les entreprises financières doivent révéler le rapport entre le salaire le plus élevé et le salaire le plus bas au sein de l’entreprise, mais il n’y a aucun plafond sur ce rapport.

Une agence de la Banque Leumi (Crédit photo : Moshe Shai/Flash90)

Les restrictions salariales imposées par Israël au secteur financier sont « beaucoup plus draconiennes » que celles imposées à leurs homologues étrangers, a dit M. Klingman.

Alors, comment Israël peut-il s’assurer que, compte tenu de ses limites, il parvient toujours à attirer les meilleurs talents dans ses banques et ses institutions financières, qui sont essentielles au maintien d’une économie saine et dynamique ?

La Banque d’Israël, qui est chargée de la surveillance du système bancaire, a refusé de commenter.

« La rémunération globale dans le secteur financier a baissé dans le monde entier, et le monde devra faire face au problème de la manière d’attirer des talents de haut niveau à ces postes », a déclaré M. Klingman.

La création d’un système qui lie les salaires et les primes à la performance du cours de l’action aurait peut-être été plus sage que le simple plafonnement des salaires, a dit M. Pagot.

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