Des rabbins réformés agressés pour avoir apporté une Torah aux Femmes du mur
Des membres du mouvement de jeunesse du parti Noam ont aussi envahi la section mixte du lieu saint avant d'être arrêtés par la police
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Des affrontements qui ont notamment inclus des membres de la Knesset ont éclaté au mur Occidental mercredi matin, alors que des Juifs radicaux ont bloqué et harcelé des partisans du groupe les Femmes du mur qui tentaient d’organiser une cérémonie mêlant mouvement de protestation et office de prière sur le lieu saint.
Les partisans des Femmes du Mur – parmi lesquels se trouvaient des rabbins réformés en visite depuis les États-Unis – ont fait savoir qu’ils avaient essuyé des crachats, qu’ils avaient été bousculés et insultés par les manifestants orthodoxes alors qu’ils se dirigeaient vers le mur Occidental.
Des affrontements, souvent violents, ont lieu presque tous les mois sur l’esplanade centrale du mur Occidental, lorsque les Femmes du Mur se retrouvent, au premier jour du mois, à l’occasion d’un office de prière dans la section réservée aux femmes et ce malgré l’opposition catégorique des responsables ultra-orthodoxes du site et de nombreux dirigeants orthodoxes extrémistes.
Ce mois-ci, les Femmes du Mur ont été rejointes par des dizaines de rabbins réformés américains, en visite en Israël dans le cadre de la Central Conference of American Rabbis (CCAR).
En plus de l’office de prière au mur Occidental, les rabbins réformés ont organisé une manifestation dans la Vieille Ville contre un projet de loi proposé par le parti ultra-orthodoxe Shas qui rendrait illégal et passible de prison le port du tallit (châle de prière) ou de tefillin par une femme au mur Occidental.
Portant des rouleaux de Torah, des drapeaux israéliens et une pancarte sur laquelle était écrit « Une femme en tallit n’est pas une criminelle », la centaine de rabbins réformés et de partisans des Femmes du Mur ont marché de la Porte des Maghrébins, dans la Vieille Ville, jusqu’au mur Occidental.

« Je suis obligée – tant par mes valeurs personnelles que par mes valeurs juives – de soutenir non seulement les Femmes du Mur, mais aussi de me tenir ici et de brandir avec fierté la Torah au nom de toutes les femmes à qui on interdit de pratiquer librement et ouvertement leur religion au Kotel [le mur Occidental] », a déclaré la femme rabbin Hara Person, directrice générale du CCAR, dans un communiqué.
« Face au gouvernement le plus oppressif de l’histoire d’Israël, les droits et la dignité non seulement de toutes les femmes juives mais aussi de tous les habitants d’Israël doivent être respectés, soutenus et protégés », a-t-elle déclaré.
Alors que le groupe s’approchait de la place, il a été arrêté par des manifestants orthodoxes et par des agents de sécurité de la fondation du mur Occidental qui ont tenté de les empêcher d’entrer, allant parfois jusqu’à les bousculer.
Bien que la Cour suprême a statué que les femmes du Mur étaient autorisées à tenir des offices de prière, le grand rabbin du Mur Occidental, Shmuel Rabinovitch, leur avait interdit de lire les rouleaux de la Torah comme il est coutume de le faire au cours de l’office, en instaurant une règle selon laquelle aucun rouleau provenant de l’extérieur ne pouvait être utilisé – et en refusant par la suite de leur en fournir de la collection du mur Occidental.
Pour contourner cette règle, le député Avoda Gilad Kariv, un rabbin réformé, avait décidé de profiter de son immunité parlementaire pour introduire sur l’esplanade centrale un rouleau de Torah provenant de l’extérieur – la loi interdit aux gardes de sécurité de le fouiller ou de l’arrêter – afin de le remettre aux femmes pour qu’elles puissent le lire devant le mur Occidental.
Il a répété l’opération mercredi matin, mais un autre membre de la Knesset, Yitzhak Pindrus, du parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah, a tenté de lui faire obstacle en lui bloquant physiquement l’accès au mur Occidental.

Réussissant finalement à pénétrer sur le site, Kariv a remis le rouleau à une femme qui l’a apporté dans la section non-mixte, où il a été lu malgré les hurlements et les sifflets des manifestants orthodoxes qui tentaient de perturber l’office.
De leur côté, des dizaines d’adolescents du mouvement de jeunesse du parti d’extrême droite Noam ont envahi la section égalitaire du mur Occidental, au sud de l’esplanade centrale, pour tenter d’y organiser un office de prière non-mixte, en violation de la réglementation en vigueur sur le site.
La police a expulsé les adolescents de la zone, les traînant physiquement dans certains cas.
La directrice de Noam, Elkana Babad, a accusé la police d’hypocrisie. « Comment est-il possible que seuls les manifestants réformés aient le droit de visiter un lieu sacré, tandis que ces fidèles sont expulsés par la force ? », a-t-elle déclaré dans un communiqué.

La décision prise par la police d’expulser les adolescents semble être le résultat d’une nouvelle politique mise en place à la suite d’un incident survenu en juillet. Au cours de cet incident, des manifestants orthodoxes étaient entrés dans la section mixte et avaient perturbé un certain nombre de cérémonies de bar et de bat mitzvah qui s’y déroulaient, sans que les policiers sur place n’interviennent. À la demande de l’Agence juive, la police israélienne a accepté de mieux sécuriser le site en déployant des agents supplémentaires dans la section mixte les premiers jours du mois du calendrier juif, en installant des caméras de sécurité et en éloignant les agitateurs.
Les députés et les responsables ultra-orthodoxes ont dénoncé l’office de prière et de protestation des Femmes du Mur, ainsi que le fait que Gilad Kariv puisse continuer à utiliser son immunité parlementaire pour apporter des rouleaux de Torah aux femmes.
Le ministre des Affaires religieuses Michael Malkieli du parti Shas a déclaré que « tous les membres de la Knesset doivent dénoncer et refuser le recours à l’immunité du député Avoda Gilad Kariv, qui a profané un rouleau de Torah et l’a apporté au Kotel« .
Rabinovitch, le grand rabbin du mur Occidental, a déclaré que Kariv et les Femmes du Mur avaient transformé le lieu saint « en un site de provocation et de manifestation, sans s’inquiéter aucunement des conséquences et des dommages moraux essuyés par le public et par le caractère sacré du mur Occidental ».
La directrice exécutive des Femmes du mur, Yochi Rappeport, a quant à elle accusé Rabinovitch et le gouvernement de vouloir écarter les Juifs non- haredim du mur Occidental.
« Le grand rabbin du Kotel et le gouvernement israélien signalent aux Juifs de la diaspora, aux femmes, aux Juifs libéraux et à tous ceux qui ne font pas partie de la faction ultra-orthodoxe qui est source de division, qu’ils ne sont pas les bienvenus sur ce lieu qui est sacré pour tous les Juifs », a déclaré Rappeport.