D’étudiant militant de Gaza à dirigeant, Haniyeh avait rapproché le Hamas de l’Iran
Le chef terroriste assassiné avait commencé comme proche collaborateur du fondateur Ahmad Yassine, gravi les échelons, et entretenu des liens avec l'Iran en vue d’éradiquer Israël
Ismaïl Haniyeh, le chef du Hamas tué dans la nuit de mardi à mercredi dans un tir de missile sur Téhéran imputé à Israël, était la figure dure de la diplomatie internationale du groupe terroriste palestinien alors que la guerre faisait rage à Gaza, où trois de ses fils ont été tués plus tôt cette année.
Nommé à la tête du groupe terroriste palestinien du Hamas en 2017, Haniyeh, qui avait 61 ans à sa mort, avait fait la navette entre la Turquie et la capitale du Qatar, Doha, échappant aux restrictions de voyage de la bande de Gaza sous restrictions sécuritaires et lui permettant d’agir en tant que négociateur dans les pourparlers sur le cessez-le-feu ou de parler à l’allié du groupe, l’Iran.
« Tous les accords de normalisation que vous [les États arabes] avez signés avec [Israël] ne mettront pas fin à ce conflit », avait déclaré Haniyeh sur la chaîne de télévision Al Jazeera, basée au Qatar, peu après que le Hamas eut lancé son pogrom du 7 octobre, au cours duquel les terroristes ont tué près de 1 200 personnes dans le sud d’Israël et pris 251 otages.
Trois des fils de Haniyeh – Hazem, Amir et Mohammad – ont été tués le 10 avril lorsqu’une frappe aérienne israélienne a frappé leur voiture, avait indiqué le Hamas. Haniyeh avait également perdu quatre de ses petits-enfants, trois filles et un garçon, dans l’attaque, selon le Hamas.
Haniyeh avait réfuté les affirmations israéliennes selon lesquelles ses fils combattaient pour le groupe terroriste et avait déclaré que « les intérêts du peuple palestinien passent avant tout » lorsqu’on lui avait demandé si leur assassinat aurait un impact sur les pourparlers de trêve.
Malgré le langage dur qu’il tenait en public, les diplomates et les fonctionnaires arabes le considéraient comme relativement pragmatique par rapport aux voix les plus extrémistes à l’intérieur de Gaza, d’où l’aile armée du Hamas avait planifié le pogrom du 7 octobre.
Tout en déclarant aux militaires israéliens qu’ils allaient se retrouver « noyés dans les sables de Gaza », lui et son prédécesseur à la tête du Hamas, Khaled Meshaal, avaient fait la navette dans la région pour discuter d’un accord de cessez-le-feu avec Israël, négocié par le Qatar, qui prévoyait l’échange d’otages détenus à Gaza contre des prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël, ainsi qu’une aide accrue à Gaza.
Israël a accusé Haniyeh, Meshaal et d’autres de continuer à « tirer les ficelles du groupe terroriste du Hamas ».
Mais on ne sait pas exactement dans quelle mesure Haniyeh était au courant du pogrom du 7 octobre. Le plan, élaboré par le conseil armé du Hamas à Gaza, était un secret si bien gardé que certains responsables du groupe terroriste palestinien avaient semblé choqués par le moment choisi et l’ampleur de l’assaut.
Pourtant, Haniyeh, un musulman sunnite, a largement contribué à renforcer la capacité de combat du Hamas, notamment en entretenant des liens avec l’Iran chiite, qui ne cache pas son soutien au groupe terroriste palestinien et son désir commun de voir Israël éradiqué.
Au cours de la décennie pendant laquelle Haniyeh était le principal dirigeant du Hamas à Gaza, Israël a accusé son équipe dirigeante d’avoir aidé à détourner l’aide humanitaire vers l’aile armée du groupe. Le Hamas a démenti ces accusations.
La diplomatie de la navette
Lorsqu’il avait quitté Gaza en 2017, Haniyeh avait été remplacé par Yahya Sinwar, un partisan de la ligne radicale qui a passé plus de vingt ans dans les prisons israéliennes et que Haniyeh avait accueilli de nouveau à Gaza en 2011 après la libération de 1 027 prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël qui avait permis à Israël de récupérer le caporal franco-israélien Gilad Shalit.
« Haniyeh mène la bataille politique pour le Hamas auprès des gouvernements arabes », avait déclaré avant sa mort Adeeb Ziadeh, spécialiste des Affaires palestiniennes à l’Université du Qatar, ajoutant qu’il entretenait des liens étroits avec des figures plus radicales du groupe terroriste et de son aile armée.
« Il est le front politique et diplomatique du Hamas », avait déclaré Ziadeh.
Haniyeh et Meshaal avaient rencontré des responsables en Égypte, qui a également joué un rôle de médiation dans les pourparlers sur le cessez-le-feu. Début novembre, Haniyeh s’était rendu à Téhéran pour rencontrer le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, avaient rapporté les médias d’État iraniens.
Trois hauts fonctionnaires ont déclaré à Reuters que Khamenei avait dit au chef du Hamas, lors de cette rencontre, que l’Iran n’entrerait pas en guerre, n’en ayant pas été informé à l’avance. Le groupe terroriste palestinien n’avait pas répondu aux demandes de commentaires avant que Reuters ne publie son article, puis avait publié un démenti après sa publication.
Dans sa jeunesse, Haniyeh avait commencé ses activités militantes au sein de la branche estudiantine des Frères musulmans à l’Université islamique de Gaza, dont est issu le Hamas, avant de devenir membre de l’union des étudiants de l’Université islamique en 1983 et 1984. Il avait rejoint le Hamas lors de sa création pendant la première Intifada – « soulèvement », en arabe – palestinienne en 1987, qui avait duré jusqu’en 1993 et fait des centaines de morts. Il avait alors été emprisonné à plusieurs reprises par Israël et expulsé pour six mois vers le sud du Liban.
Haniyeh était devenu un protégé du fondateur du Hamas, le cheikh Ahmad Yassin, qui, comme la famille de Haniyeh, était un réfugié du village d’al-Jura, situé à proximité d’Ashkelon, à quelques kilomètres au nord de Gaza. En 1994, il avait déclaré à Reuters que Yassin était un modèle pour la jeunesse palestinienne : « Nous avons appris de lui l’amour de l’islam et le sacrifice pour cet islam, et à ne pas nous agenouiller devant ces tyrans et ces despotes. »
En 2003, alors qu’il était l’assistant de confiance de Yassin, Haniyeh avait été photographié dans la maison de Yassin à Gaza, tenant un téléphone à l’oreille du fondateur du Hamas, presque complètement paralysé, afin qu’il puisse prendre part à une conversation. Yassin avait été assassiné par Israël en 2004.
Haniyeh a été l’un des premiers à prôner l’entrée du Hamas en politique.
En 1994, il avait déclaré que la création d’un parti politique « permettrait au Hamas de faire face aux nouveaux développements ».
D’abord rejeté par la direction du Hamas, il avait ensuite été approuvé. Ainsi, Haniyeh était devenu le Premier ministre de l’Autorité palestinienne (AP) après que le groupe terroriste palestinien eut remporté les élections législatives palestiniennes en 2006, un an après le retrait d’Israël de la bande de Gaza.
Après avoir pris la tête d’un gouvernement d’union, il s’était engagé à œuvrer à la création d’un État palestinien « en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec Jérusalem comme capitale », allant à contre-courant du discours officiel du Hamas qui, alors, ne reconnaissait pas ces frontières.
Mais c’est sous sa direction qu’a éclaté en 2007 la quasi-guerre civile entre le Hamas et l’Autorité palestinienne. Privé de sa victoire aux législatives, le groupe terroriste palestinien du Hamas avait pris le pouvoir dans la bande de Gaza au prix d’affrontements meurtriers qui laissent aujourd’hui encore des rancœurs vivaces entre les deux rivaux.
Mais la cohabitation avec le Fatah, parti laïc du président de l’AP Mahmoud Abbas, fut de courte durée. Le Hamas l’avait chassé par la force de la bande de Gaza en 2007, deux ans après le retrait unilatéral d’Israël de ce territoire.
En 2012, lorsque des journalistes de Reuters lui avaient demandé si le Hamas avait abandonné la lutte armée contre Israël, Haniyeh avait répondu : « Bien sûr que non » et avait déclaré que la résistance se poursuivrait « sous toutes les formes – résistance populaire, politique, diplomatique et militaire ».
Haniyeh avait insisté à plusieurs reprises sur le fait que le groupe terroriste palestinien ne libérerait les otages que si les combats cessaient définitivement.
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