Djerba: Les autorités révèlent l’identité du tueur et parlent d’attaque préméditée
Le ministre de l’Intérieur tunisien a qualifié l’attaque de Djerba de "crime lâche", sans toutefois parler de terrorisme. Wissam Khazri est le gendarme auteur de la tuerie

TUNIS, Tunisie – Le gendarme tunisien à l’origine de l’attaque qui a tué cinq personnes a volontairement pris pour cible la synagogue de Djerba et prémédité son acte, a déclaré jeudi le ministre tunisien de l’Intérieur. Les autorités ont également révélé le nom de l’attaquant.
La fusillade de masse qui a eu lieu mardi a semé la panique parmi les pèlerins juifs de l’ancienne synagogue de la Ghriba, sur l’île de Djerba, considérée comme l’un des plus anciens sanctuaires juifs du monde.
Les autorités ont enquêté sur les mobiles du tireur, qui a tué trois policiers et deux pèlerins, un Franco-Tunisien et un Tunisien d’Israël, tous deux Juifs. Une dizaine de personnes ont par ailleurs été blessées.
Les autorités tunisiennes ont révélé le nom du tireur – Wissam Khazri, membre de la Garde Nationale tunisienne affilié au centre naval de la ville portuaire d’Aghir – et précisé qu’il avait prémédité son geste, mais sans donner d’explication sur ses motivations. On ignore à ce stade si Khazri souhaitait particulièrement s’en prendre à des Juifs.
Le ministre de l’Intérieur, Kamel Fekih, s’est engagé à « ne ménager aucun effort pour assurer la stabilité du pays » et protéger les étrangers suite à cette attaque.
Fekih a déclaré que les forces de l’ordre avaient tué le tireur moins de 2 minutes après leur arrivée devant la synagogue. Le ministre a qualifié la fusillade d’« attaque criminelle lâche », sans toutefois la qualifier d’acte terroriste.

Le parquet antiterroriste français a ouvert une enquête suite de la mort de l’un de ses ressortissants.
Les autorités israéliennes et tunisiennes et les familles ont confirmé l’identité des victimes civiles, à savoir les cousins Aviel Haddad, 30 ans, binational tunisien et israélien, et Benjamin Haddad, 42 ans, de nationalité française.

Le ministre de l’Intérieur a demandé aux forces de l’ordre d’être vigilantes face à toute tentative de déstabilisation de ce pays d’Afrique du nord. La Tunisie fait face à une crise politique et économique, et l’attaque de la synagogue est un nouveau coup porté à une industrie touristique autrefois florissante ainsi qu’à une communauté juive dynamique.
Fekri a ajouté que le tireur avait tué l’un de ses collègues et saisi son arme, dans une des bases de la Garde Nationale sur la côte de Djerba, avant de prendre une moto de la Garde nationale et de la stationner dans une cour d’école à 200 mètres environ de la synagogue de la Ghriba, alors fréquentée par des centaines de fidèles.
« En s’éloignant de l’école, et après avoir surveillé les mouvements d’un véhicule de la police de la circulation garé à proximité, il a tiré sur sa première victime vers 20h13, avant de se diriger vers les gardes de sécurité en faction autour de la synagogue et d’ouvrir le feu sans discernement, dans le but de faire le plus de victimes possible. Il a été immédiatement encerclé et abattu », a déclaré Fekri aux journalistes, depuis Tunis.
Il a précisé qu’un esprit de « fête était rapidement revenu sur l’île de Djerba, terre de paix et de tolérance, preuve que l’auteur de la fusillade a échoué ».
Le président tunisien Kais Saied a cherché à rassurer ses compatriotes ainsi que les touristes en les assurant que « la Tunisie resterait un pays sûr, malgré les tentatives criminelles de déstabilisation ».
S’exprimant mercredi soir lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale, Saied a affirmé que l’attaque visait à semer la discorde et saboter la saison touristique à l’approche de l’été.
« Mais ces criminels ne réussiront pas, parce que l’État, ses institutions et ses forces de l’ordre sont forts, et que son peuple est conscient », a-t-il déclaré.

Perez Trabelsi, président du conseil d’administration de la synagogue, se trouvait sur place lors de l’attaque et a fait part à l’Associated Press de sa frayeur.
« J’ai eu peur, comme la plupart des gens qui se trouvaient dans l’oukala, ce grand espace adjacent à la synagogue. Tout le monde était en panique. De nombreuses personnes se sont réfugiées à l’intérieur pour échapper aux tirs », a-t-il dit.
Cette année, la synagogue a attiré quelque 6 000 pèlerins venus des États-Unis, du Canada, d’Australie, d’Europe et d’ailleurs, soit bien plus que ces dernières années, a déclaré Trabelsi. Il s’est dit attristé que le pèlerinage juif « ait été gâché par ceux qui veulent du mal à la Tunisie ».
La présence juive à Djerba, une île pittoresque située au large des côtes sud de la Tunisie, remonte à l’an 500 avant l’ère commune. La population juive de Djerba est l’une des plus importantes d’Afrique du Nord, alors même qu’elle est tombée ces dernières années à son plus bas niveau, avec 1 500 personnes, contre 100 000 dans les années 1960.
En 2002, un attentat au camion piégé avait tué une vingtaine de personnes à l’entrée de cette même synagogue au moment du pèlerinage. Al-Qaïda avait revendiqué cette attaque, qui avait fait des victimes allemandes, françaises et tunisiennes.

Le président français Emmanuel Macron s’est engagé à poursuivre la lutte « contre la haine antisémite », et le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen, a déclaré que l’effusion de sang prouvait que « les germes du mal et de la haine étaient toujours présents ».
Cohen s’est entretenu avec le grand rabbin de Tunis, Haim Bitan, et « lui a dit qu’Israël était solidaire de la communauté en ces moments difficiles ». Il a demandé à son ministère de lui apporter toute l’aide qui serait nécessaire. Israël et la Tunisie n’entretiennent pas de relations diplomatiques formelles.