Dovi Frances vend ses parts de Papaya à moins 90 % à cause de la refonte judiciaire
L'offre intervient tandis que la PDG, Eynat Guez, le menace de poursuites en diffamation suite aux critiques publiques des projets de retrait de fonds d'Israël
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
La société d’investissement Group 11, fondée par le capital-risqueur israélo-américain Dovi Frances, cherche à vendre sa participation dans la plateforme mondiale de gestion des salaires et des paiements Papaya Global, basée à Tel Aviv et dirigée par Eynat Guez, connue pour ses positions opposées à la refonte de la justice.
Dans sa lettre aux actionnaires de Papaya, Frances propose de vendre la participation de 2,82 % de Group 11 dans Papaya Global à une valeur de 444 millions de dollars, soit une décote de 90 %. Lors de son dernier tour de table en septembre 2021, Papaya a levé 250 millions de dollars pour une valorisation de 3,7 milliards de dollars. Selon la lettre datée du 28 août, la proposition est valable jusqu’au lundi 4 septembre,.
Cette offre fait suite à un désaccord survenu ces dernières semaines entre Frances et Guez au sujet des projets de refonte du système judiciaire. Fin juillet, Frances avait reçu une lettre d’avertissement des avocats de Guez menaçant de le poursuivre en justice pour diffamation. La lettre exigeait que Frances présente des excuses publiques et apporte des éclaircissements sur les propos qu’il avait tenus au sujet de Guez dans plusieurs interviews accordées aux médias et dans des déclarations publiques.
Fin janvier, Guez avait annoncé que Papaya envisageait de retirer tous ses fonds d’Israël si la réforme judiciaire controversée, qui, selon elle, menace la démocratie israélienne et nuira à l’économie du pays, était mise en œuvre comme prévu.
« Le Groupe 11 n’a reçu aucune notification interne préalable de cette décision », écrit Frances dans la lettre aux actionnaires. « J’ai également réagi publiquement, non sur la question plus générale qui nous préoccupe, mais sur cette mesure spécifique impliquant l’entreprise, et j’ai exhorté la PDG à ne pas mettre en œuvre sa décision de retirer les fonds de l’entreprise à Israël. »
« À mon grand étonnement et à ma grande déception, le simple fait d’exercer ma liberté d’expression et de faire entendre une opinion différente de celle de la PDG dans une affaire spécifique concernant l’entreprise a entraîné une réaction extrême et brutale de la part de la PDG de l’entreprise, qui a apparemment décidé de faire la guerre au Groupe 11 et à moi personnellement, tout en usant et en abusant de ses pouvoirs en tant que PDG de l’entreprise », a ajouté Frances.
Ces derniers mois, des entrepreneurs, des cadres et des employés de premier plan du secteur technologique israélien, dont Tom Livne et Assaf Rappaport, PDG de Verbit, ont exprimé leur vive opposition aux projets de refonte du système judiciaire, qui limiteraient les pouvoirs indépendants de la Haute Cour. Ils craignent avant tout qu’un système judiciaire affaibli ne crée de l’incertitude et ne réduise les probabilités que des investisseurs étrangers injectent des fonds dans des entreprises locales en phase de démarrage. Cela pourrait à son tour contraindre les entreprises locales et internationales à quitter le pays et à s’installer ailleurs.
Peu après avoir entendu les propos de Guez sur le retrait des fonds, Frances a déclaré à la Treizième chaîne lors d’une interview le 26 janvier que l’appel de la PDG résultait d’un « caprice personnel – un caprice qui n’est pas motivé par des considérations commerciales, mais par des considérations politiques ».
Dans d’autres interviews et communiqués de presse cités dans la lettre de l’avocat, Frances aurait suggéré que Guez faisait courir un risque aux fonds de l’entreprise en les transférant à la Silicon Valley Bank, qui s’est effondrée, et qu’elle encourageait les entrepreneurs et autres investisseurs à retirer leurs fonds des banques israéliennes et à les transférer vers des banques étrangères en signe de protestation contre la refonte de l’appareil judiciaire.
Dans sa lettre aux actionnaires, Frances indique que depuis le début de l’année 2023, le Groupe 11 rencontre des difficultés à communiquer avec la direction et à recevoir des informations complètes sur les activités de l’entreprise. Suite à la menace d’une action en justice et aux allégations de manque d’information, Frances a annoncé, dans une lettre aux principaux actionnaires de Papaya datée du 18 juillet, son intention de vendre la totalité de la participation du groupe dans la plateforme de gestion des salaires et des paiements.
Dans cette lettre, Frances accuse également Guez d’avoir entravé les efforts du groupe déployés ces dernières semaines visant à « vendre nos participations dans la société, en refusant de coopérer non seulement avec nous, mais aussi avec des tiers et d’autres personnes, et de fournir les informations nécessaires pour faciliter une vente ».
En réponse à la lettre de Frances, Papaya a déclaré que la société avait approché le groupe il y a 11 mois au sujet de l’achat de sa participation, et que Guez était personnellement à la tête d’un groupe d’investisseurs.
« Toute tentative de Dovi Frances de discréditer Eynat suite à ses propos récents n’est rien de moins que ridicule », a déclaré Papaya dans un communiqué. « La lettre a été divulguée aux médias avant même de parvenir à Papaya Global et témoigne de du comportement adopté par Dovi Frances et de son choix de mener des batailles personnelles au détriment des intérêts de ses investisseurs », a déclaré Papaya.
Le communiqué précise qu’un groupe d’investisseurs dirigé par Guez est intéressé par l’achat des actions à des « prix réduits ».