D’un Israël déchiré en 1996 aux USA aujourd’hui divisés : chaque vote compte
Seul un résultat définitif et entier - quelle que soit la faiblesse de l'écart, quelle que soit l'attente frustrante - permet à un leader de gouverner un pays avec crédibilité
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Au mois de mai 1996, six mois après l’assassinat d’Yitzhak Rabin, les Israéliens s’étaient rendus aux urnes pour élire son successeur.
Shimon Peres, allié de Rabin, devenu son rival, qui avait occupé le poste de Premier ministre dans le sillage du meurtre, était allé dormir, la nuit du 29 mai, convaincu qu’il avait vaincu son challenger, le leader du Likud Benjamin Netanyahu – en s’appuyant sur les sondages de sortie des urnes.
Il s’était réveillé, la matinée suivante, en découvrant que les enquêtes d’opinion s’étaient trompées et que Netanyahu l’avait battu par une marge extraordinairement étroite de 29 457 votes — soit moins de 1 % du nombre total des voix. (Cela devait être le premier de trois scrutins au cours desquels Israël, conformément à une loi électorale qui a depuis été abandonnée, avait choisi son Premier ministre lors d’un suffrage et ses députés à l’occasion d’un autre).
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C’était donc finalement Netanyahu qui forma une coalition, qui allait gouverner l’État juif pendant les trois années suivantes.
Il y a moins de deux ans, lors du premier de trois scrutins qui allaient s’enchaîner à un rythme accéléré, Benny Gantz était allé jusqu’à prononcer un discours de victoire sur la base d’un seul sondage de sortie des urnes qui avait prédit que sa formation Kakhol lavan remporterait suffisamment de sièges à la Knesset pour renverser Netanyahu. Mais le sondage s’était trompé, là encore. Le Likud et Kakhol lavan remportèrent 35 sièges chacun. À égalité. Aucun des deux ne put former un gouvernement. De nouvelles élections furent alors organisées, et Netanyahu resta Premier ministre.
Israël avait été profondément divisé suite à l’assassinat de Rabin, le 4 novembre 1995 – le pays était horrifié par cette réalité que l’un de ses citoyens, un extrémiste juif, ait pu ôter la vie à son Premier ministre. Le pays avait été également ensanglanté et secoué par une recrudescence effrayante du terrorisme palestinien, avec quatre attentats-suicides à la bombe qui avait marqué les dix jours qui avaient précédé le vote de 1996.
Comme le soulignent les trois scrutins rapprochés qui ont été organisés l’année dernière et cette année, Israël reste divisé et Netanyahu reste une personnalité profondément clivante – homme d’État de talent et expérimenté, leader qui se sera battu pour diminuer les pertes militaires israéliennes, orateur magistral, mais aussi attaquant en série des institutions judiciaires israéliennes dans son propre combat contre les mises en examen en corruption qui ont été prononcées à son encontre.
Au cours de tous ces cycles électoraux qui ont été âprement disputés – et qui ont entraîné des résultats serrés – ces dernières décennies, il est toutefois à noter qu’Israël et les candidats ont néanmoins toujours largement respecté le processus électoral. Ils ont parfois brûlé les étapes ; il est vrai que Naftali Bennett a brièvement demandé un nouveau décompte, l’année dernière, lorsque son parti est resté au seuil de la Knesset ; il est vrai aussi que Netanyahu a pu mettre en doute le processus électoral ou même la légitimité du vote du secteur arabe. Mais ni lui, ni ses adversaires, n’ont jamais contesté la légitimité fondamentale du vote national ou affirmé que leurs adversaires intervenaient frauduleusement dans le processus.
Les défaites politiques à fort enjeu sont toujours irritantes ; mais les leaders israéliens qui ont été amenés à s’incliner – à contrecœur néanmoins, et souvent après des efforts vains visant à rassembler, d’une manière ou d’une autre, une majorité de coalition – ont toujours accepté cette règle inhérente du jeu. Après avoir frôlé la défaite à plus d’une reprise, Netanyahu reste aujourd’hui au pouvoir en Israël non parce qu’il a été capable d’interrompre le dépouillement, qu’il a cherché à le faire ou à les manipuler, mais parce qu’il a neutralisé ses adversaires lors de la formation de la coalition majoritaire, une fois toutes les voies comptées.
Et j’inscris tout cela ici parce qu’à l’évidence, au moment même où je suis en train d’écrire, le président Donald Trump a revendiqué la victoire lors des élections américaines, qu’il a invoqué des fraudes sans apporter de preuves et qu’il a menacé de recourir à la justice pour stopper le décompte des votes, même si lui et son challenger Joe Biden peuvent encore potentiellement l’emporter, avec de nombreux bulletins qui restent à dépouiller et des États pivots qui sont encore en jeu.
Quatre années après avoir une première fois déjoué les sondages de manière spectaculaire, et malgré les déboires de la COVID-19, Trump pourrait, en effet, être victorieux. Comme c’est aussi le cas de Biden. Mais ce qu’il faut absolument rappeler – même si cela ne devrait pas être nécessaire – c’est que chaque vote légitime doit compter dans l’issue d’une élection. C’est fondamental dans le processus démocratique comme c’est fondamental dans l’acceptation de ce processus par l’électorat.
Comme Israël a un si grand nombre d’occasions électorales, le pays de l’oncle Sam est profondément divisé – si profondément qu’alors que la majorité des votes a d’ores et déjà été décomptée, le résultat du scrutin n’est pas encore clair. Mais seul un résultat entier, définitif – peu importe la faiblesse de l’écart, peu importe la frustration causée par l’attente – peut permettre à un président de gouverner un pays avec crédibilité.
Les processus électoraux américain et israélien ne sont pas identiques, mais les principes démocratiques qui se trouvent à leurs racines sont les mêmes. Nos divisions et nos désaccords sont uniques à chacun d’entre nous, mais pour nos deux pays, nos intérêts nationaux au sens large exigent que nous les surmontions.
Petite démocratie téméraire au sein d’une région marquée par l’autocratie et par la tyrannie, Israël considère les États-Unis comme son principal allié, tout comme une puissante source d’inspiration démocratique. Nous avons su dépasser un assassinat politique et une élection consécutive dans laquelle le vainqueur ne l’a emporté que de 29 457 voix d’avance.
Puisse cette inspiration être réciproque.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel