Eizenkot : pas de soutien aux soldats qui brisent le code de conduite
Le chef d’Etat-major soutiendra un soldat qui se trompe “dans le feu de l’action”, mais pas un qui viole intentionnellement les valeurs d’Israël, dit-il en réponse à l'incident de Hébron
Le chef d’Etat-major Gadi Eizenkot a promis un soutien total aux soldats qui font des erreurs « dans le feu de l’action », mais a prévenu que la justice rapide serait appliquée contre ceux qui violent le code de conduite de l’armée, dans un message écrit spécialement mercredi à la lumière de l’enquête en cours sur un soldat qui a été filmé en train de tirer sur la tête sur un Palestinien désarmé la semaine dernière.
Eizenkot, qui a presque immédiatement condamné le tir, a été férocement critiqué depuis par des citoyens et des politiques pour « abandonner » le soldat.
Des activistes d’extrême droite et des députés d’opposition ont dénoncé le chef d’état major, le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Moshe Yaalon, accusés de ne pas avoir soutenu ce soldat présenté comme une victime d’un « lynchage médiatique ». Plusieurs ministres ont également émis des critiques sur ce thème.
En réponse, le chef d’Etat-major a publié un message aux soldats pour clarifier la position de l’armée dans l’affaire.
Les soldats qui font des erreurs sur le champ de bataille seront défendus par l’armée, alors que ceux qui volent intentionnellement les règles et les valeurs militaires ne le seront pas, a déclaré Eizenkot.
« L’armée israélienne place dans vos mains la responsabilité de remplir notre mission, défendre la nation. Vos commandants, et moi-même au sommet, continueront à soutenir tout soldat qui fait une erreur dans le feu de l’action, contre un ennemi dangereux menaçant les vies de civils et de soldats », a déclaré le chef d’Etat-major.
« Dans toute situation, nous devons agir de façon professionnelle en recourant à la force de façon mesurée et équilibrée afin de rester fidèles à nos valeurs », a affirmé le chef d’Etat-major.
« Nous n’hésiterons pas à demander des comptes aux soldats et officiers qui ne respecteraient pas les critères opérationnels et moraux qui nous guident dans nos actions », a-t-il prévenu.
La lettre ne donne aucune précision sur d’éventuels changements des règles d’engagement, autrement dit les consignes de tirs données aux soldats.
Asa Kasher, déontologue de l’armée qui a aidé à écrire le code de conduite militaire, a fait une déclaration similaire lundi sur Facebook.
« Si un soldat ne se comporte pas correctement, son commandant ne sera pas à ses côtés pour dire que le soldat se comporte correctement, qu’il ait agi avec malveillance ou ait fait une erreur pendant une opération », a écrit Kasher.
« Il sera toujours son commandant, et en conséquence prendra soin de lui et potentiellement de sa famille, mais il ne le défendra pas. Le soutien est une défense, une justification. Un soldat ne mérite pas toujours cela », a-t-il écrit.
Jeudi matin, deux Palestiniens ont attaqué un officier israélien et l’un de ses soldats à Hébron, poignardant le soldat à l’épaule et au bras et le blessant modérément avant que l’officier ne réussisse à tirer sur les deux attaquants, en blessant sérieusement un et tuant l’autre.
Plus de 10 minutes après, alors que le soldat blessé était embarqué dans l’ambulance, un autre soldat, qui a la double nationalité franco-israélienne mais dont le nom et l’image sont interdits à la publication, a tiré à la tête sur l’assaillant blessé allongé au sol, comme on peut le voir dans une vidéo de la scène.
Une enquête a été ouverte par la police militaire sur le soldat qui a tiré sur le Palestinien. Initialement, il semblait que le procureur militaire voulait le poursuivre pour une accusation de meurtre, mais l’inculpation pourrait devenir celle d’homicide volontaire, une accusation légèrement moins grave.
Le soldat a comparu mardi devant une cour militaire, devant laquelle des dizaines de personnes lui ont manifesté leur soutien. Sa détention a été prorogée jusqu’à jeudi.
« Suivre le code de l’armée israélienne n’est pas un droit mais une exigence pour maintenir le statut de Tsahal comme armée nationale d’un Etat juif et démocratique », a déclaré Eizenkot.
Dans sa lettre, le chef d’Etat-major a dit qu’il était « fier » des soldats israéliens pour leur volonté à faire des sacrifices afin de « défendre notre patrie ».
« Le destin d’Israël dépend de deux choses : sa force et sa droiture », a écrit le chef d’Etat-major, citant le premier Premier ministre d’Israël, David Ben-Gurion.
En conséquence, l’armée doit se dévouer à mener sa mission, mais aussi au « respect des êtres humains », a déclaré Eizenkot.
« Ces valeurs reposent sur une longue tradition juive d’être une nation qui estime la vie », a-t-il écrit.
Cette affaire a suscité une querelle enflammée parmi les Israéliens, entre ceux qui professent le respect par l’armée d’une certaine éthique et ceux qui défendent le soldat en invoquant les attaques palestiniennes quasiment quotidiennes.
Selon un sondage de la Deuxième chaîne, 57 % des Israéliens juifs sont opposés à des poursuites contre ce soldat, alors que 32 % y sont favorables et 10 % sont sans opinion.
Les défenseurs des droits de l’Homme et les Palestiniens ont dénoncé une nouvelle exécution sommaire. La direction palestinienne a indiqué avoir demandé aux Nations unies d’enquêter sur les « exécutions extrajudiciaires » israéliennes.
Vingt-neuf Israéliens et quatre ressortissants étrangers ont été assassinés pendant la vague de terrorisme palestinien et de violence depuis octobre. Environ 190 Palestiniens ont également été tués – les deux tiers pendant qu’ils attaquaient des Israéliens, et les autres pendant des affrontements avec les troupes, selon l’armée israélienne.