Eli Cohen, réprimandé par Netanyahu après la débâcle libyenne, conserve ses soutiens
Les partisans du ministre de la Défense accusent les agences de renseignement qui s'opposent au gouvernemental actuel d'avoir tenté de saboter son travail avec le désastre libyen

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a porté un coup douloureux à son ministre des Affaires étrangères, Eli Cohen, suite à sa rencontre son homologue libyenne – un entretien que le chef de la diplomatie israélienne avait jugé bon de révéler au monde entier.
Le communiqué diffusé mardi par Netanyahu – le chef de gouvernement faisait savoir que dorénavant, toute réunion sensible impliquant un membre du cabinet et toute médiatisation d’une telle réunion devait être soumise à son approbation préalable – aura été une réprimande publique évidente de Cohen.
Le Premier ministre, bien sûr, a opportunément ignoré le fait qu’il était au courant de l’entretien que Cohen devait avoir en Italie, la semaine dernière, avec la cheffe de la diplomatie libyenne, Najla Mangoush, même s’il n’avait pas été avisé de la décision problématique prise par le ministère de médiatiser la tenue de ces échanges ultra-secrets.
Une médiatisation qui n’avait pas été bien perçue en Libye – le pays avait ainsi rapidement demandé au ministère israélien des Affaires étrangères, semble-t-il, d’enlever un communiqué écrit en arabe que ce dernier avait publié sur les réseaux sociaux et qui évoquait la rencontre.
Si le ministère avait, en effet, supprimé rapidement les publications, il avait déjà fait parvenir le communiqué de Cohen qui avait été émis en direction des médias israéliens qui s’étaient immédiatement saisis de l’information.
Quelques heures plus tard, le Premier ministre libyen Abdul Hamid al-Dbeibeh avait suspendu Mangoush et annoncé la formation d’une commission chargée d’enquêter sur son entretien avec Cohen, tandis que le ministère des Affaires libyen démentait tout caractère officiel des interactions. Mangoush avait fui hâtivement vers la Turquie, selon de multiples médias.

Cohen, de son côté, a payé un prix beaucoup moins élevé que Mangoush — les critiques acides de ses opposants politiques et des responsables de la diplomatie, des critiques qui ont été suivies par la réprimande publique de Netanyahu.
Le Premier ministre avait octroyé une grande liberté à son ministre des Affaires étrangères, les deux hommes se partageant la charge de travail diplomatique selon l’ordre traditionnel d’importance : Netanyahu s’occupe des super-puissances, de l’Iran et des pays arabes au sens large et laisse le reste du monde à Cohen dont les premiers mois à son poste devaient être illustrés par certaines réussites que son patron avait apprécié.
Après la débâcle libyenne, il est raisonnable de supposer qu’il y aura des changements.
Cohen est furieux contre Netanyahu qui l’a sacrifié alors qu’il était parfaitement au courant de l’entretien au préalable.
La déclaration faite par le Premier ministre l’a pris par surprise. Elle exprime une confiance entamée, ce qui pourrait se traduire par des limitations sur les activités de Cohen en tant que chef de la diplomatie. Netanyahu n’hésite pas à isoler ceux qui lui ont porté préjudice – une catégorie à laquelle Cohen pourrait bien appartenir dorénavant.
La déclaration officielle qui avait été faite par Cohen lorsqu’il avait annoncé la rencontre – il avait affirmé avoir médiatisé l’information parce qu’il y avait eu des fuites portant sur cet entretien – l’a placé également en porte-à-faux avec les responsables du Mossad, du Conseil national de sécurité et autres instances des services de renseignement qui auront des difficultés, à l’avenir, à coopérer avec lui sur d’autres sujets sensibles.
Le plan de refonte du système judiciaire israélien, controversé, a fait aussi son apparition dans la polémique, des sources proches de Cohen accusant les agences de renseignement opposées aux politiques du gouvernement Netanyahu d’avoir cherché à saboter son travail pour des raisons politiques.
Ainsi, ces agences jalouseraient de plus en plus les réussites de Cohen, considérant que le ministre empiète sur leur domaine de compétences. De plus, ces mêmes succès seraient la preuve que les répercussions diplomatiques du projet de refonte du système judiciaire ne seront pas aussi graves que les chefs des services secrets pourraient avoir voulu le faire croire à chacun d’entre nous jusqu’à présent.
(Au cours des huit derniers mois, Cohen a posé les fondations d’un accord avec le Soudan ; il a conclu un accord avec Oman qui a accepté, ce faisant, d’ouvrir son espace aérien aux avions israéliens ; il a forgé des liens diplomatiques avec le Turkménistan, il a facilité les transferts d’ambassades à Jérusalem, etc…)

Les responsables politiques et diplomatiques ont rejeté ces accusations, disant qu’elles sont sans fondement et estimant qu’elles entrent dans le cadre d’une tentative, de la part des soutiens de Cohen, de détourner l’attention de son désastre stratégique en Libye. Selon l’une de ces sources, les liens ténus qui avaient été tissés avec la Libye avaient été établis par le biais d’un processus long et douloureux, avec l’aide du Mossad et du Conseil national de sécurité qui, tous les deux, n’ont aucun intérêt à saboter l’image d’Israël dans le monde.
« La médiatisation de la rencontre par le ministère des Affaires étrangères, qui avait pour objectif de donner son heure de gloire au ministre Cohen, a tout détruit », a déploré un responsable de la Défense. « Nous aurons dorénavant beaucoup plus de difficultés à développer des relations avec les pays arabes ».
La semaine prochaine, Cohen doit s’envoler pour Bahreïn. Une visite d’État qui devait avoir lieu le mois dernier mais qui avait été reportée après le déplacement sur le mont du Temple du ministre de la Sécurité nationale d’extrême-droite, Itamar Ben Gvir. Il sera intéressant de voir si ce séjour sera à nouveau ajourné, peut être avec l’excuse qu’il n’y a finalement aucun intérêt à s’entretenir avec Cohen si le contenu des échanges doit fuiter, d’une manière ou d’une autre, auprès des médias.
Cohen doit encore rester à la barre des Affaires étrangères pendant quatre mois et, au mois de janvier, il échangera son siège avec le ministre de l’Énergie, Israel Katz, comme le stipule l’accord de rotation conclu entre les deux hommes. Il reviendra au ministère des Affaires étrangères au début de l’année 2026, si le gouvernement actuel est encore au pouvoir.
Tandis que la débâcle, en Libye, a été dévastatrice pour la réputation de Cohen à l’étranger, l’homme reste toujours aussi populaire au sein du Likud. Lors des dernières Primaires au sein du parti, il y a un an, Cohen était arrivé second, derrière le ministre de la Justice Yariv Levin.
Les activistes du Likud sont convaincus, de leur côté, que le chef de la diplomatie israélienne a été victime de persécutions politiques dans le sillage de l’affaire libyenne. Il n’est, à leurs yeux, que la dernière victime du mouvement de protestation contre le projet de refonte du système israélien de la justice.
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