Émotion et gravité lors de la visite de Macron au Mémorial de la Shoah à Berlin
Le président a décerné à Serge, 88 ans et Beate Klarsfeld, 85 ans, les insignes de Grand-Croix et Grand officier de la Légion d'honneur, saluant leur "combat contre l'oubli"
Entre mémoire et « tragédie » du présent : l’image des deux chefs d’État français et allemand au Mémorial de la Shoah à Berlin représente un moment poignant pour le chasseur de nazis Serge Klarsfeld, en pleine résurgence de l’antisémitisme en Europe.
Emmanuel Macron et son homologue Frank-Walter Steinmeier se sont recueillis lundi devant des gerbes aux couleurs des drapeaux allemand et français, avant de passer un long moment au cœur de ce monument emblématique au centre de Berlin.
Les époux Macron, accompagnés de Serge Klarsfeld et de son épouse Beate, l’air grave, ont marché entre les massives stèles grises du mémorial qui représentent « cette immense tragédie » que fut l’extermination de 6 millions de Juifs par les nazis.
« Je ressens beaucoup d’émotion parce que j’étais là » à son inauguration il y a près de 20 ans, s’est souvenu Me Klarsfeld.
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« C’est très bien que le président de la République se retrouve avec le président allemand devant ce monument, surtout à un moment tragique pour la communauté juive mondiale », a ajouté l’avocat, évoquant « la tragédie qui se déroule en Israël » depuis les massacres barbares commis par les groupes terroristes palestiniens du Hamas et de ses alliés le 7 octobre dernier et le réveil de l’antisémitisme que la guerre qui s’en est suivie a provoqué.
Lors de la visite de l’exposition du mémorial, Brigitte Macron a tenu son époux par le bras.
Le groupe s’est arrêté devant les portraits géants de six victimes, puis devant une carte des lieux de déportation et d’extermination.
« Fausse cloison »
C’est alors que Me Klarsfeld a raconté, la voix chargée d’émotion, l’arrestation de son père à Nice.
« Je vivais à 200 mètres de l’Hôtel Excelsior, au 15 rue d’Italie. Et le 30 septembre 1943, les Allemands ont cerné notre immeuble, et ont commencé une grande rafle », a-t-il raconté.
Aux Juifs assassinés d’Europe.
Aux victimes de l’Holocauste. pic.twitter.com/lin5KvHmCj— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 27, 2024
« Mon père nous a dit : ‘si on est arrêté, moi je survivrai parce que je suis fort, et vous, vous ne survivrez pas.’ Et il avait, en conséquence, construit une fausse cloison, dans un profond placard. »
« Lui est resté pour ouvrir la porte aux Allemands. Nous, on était cachés derrière. »
S’il s’en est sorti avec sa mère et sa sœur, il n’aura jamais revu son père, matricule 159683, qui périt au camp de la mort d’Auschwitz.
Nice était à l’époque contrôlé par les Allemands, et la police française n’a participé à aucune arrestation. « L’oncle de Beate était à Nice comme simple soldat à cette époque », ajoute Me Klarsfeld.
Après la visite du monument, le président français a décerné à Serge, 88 ans et Beate Klarsfeld, 85 ans, les insignes de Grand-Croix et Grand officier de la Légion d’honneur lors d’une cérémonie à l’ambassade de France, saluant leur « combat contre l’oubli ».
« Votre couple cristallise ces décennies de chemin parcouru ensemble » entre la France et l’Allemagne, a-t-il dit, rappelant la rencontre improbable entre l’étudiant juif français et la jeune fille au pair allemande, en 1960, à Paris.
Tous deux, « militants de la mémoire et de la justice », entament un combat au long cours pour démasquer les nazis passés sous le radar après la Seconde Guerre mondiale et œuvrer à la reconnaissance de la Shoah.
Beate reste également célèbre pour avoir giflé le chancelier allemand Kurt Georg Kiesinger en novembre 1968 à Berlin et dénoncé son passé nazi.
« La bonne mémoire, [c’est] celle qui permet aussi de se tenir vigilant face à l’antisémitisme, au négationnisme, à la xénophobie », a-t-il averti.
« Le travail n’est pas fini, je le sais », a dit le président.
Le président Macron n’a fait aucune allusion aux prises de position récentes et controversées du couple en faveur du parti d’extrême-droite de Marine Le Pen, le Rassemblement national (RN).
Tous deux estiment en effet que le parti a rompu avec l’antisémitisme de son prédécesseur, le Front national de Jean-Marie Le Pen, et est « entré dans le cercle des partis républicains », une appréciation en porte à faux avec celle du président français.
« Je ne m’habitue pas à l’idée que le RN soit un parti comme les autres », avait lancé dimanche le chef de l’État au premier jour de sa visite d’État, ajoutant : « Par ses idées, il menace l’Europe. »
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