Empêcher l’entrée de l’aide à Gaza pourrait être un crime – procureur de la CPI
Karim Khan a appelé à la coopération alors qu'il se penche sur le massacre du 7 octobre et sur la réponse israélienne dans la bande ; il s'est dit "très inquiet" de la flambée de violences en Cisjordanie

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a déclaré dimanche que son institution était en train « d’enquêter activement » sur le massacre perpétré, le 7 octobre, par le Hamas sur le sol israélien ainsi que sur la situation à Gaza et en Cisjordanie.
En déplacement au poste-frontière de Rafah, entre l’Égypte et la bande de Gaza, Khan a aussi averti que le fait d’empêcher l’aide humanitaire d’entrer dans la bande de Gaza pouvait constituer un crime.
Khan a indiqué que son bureau enquêtait « activement » en ce moment sur « les crimes commis sur le territoire de la Palestine et sur tous les autres, qu’ils aient été perpétrés par Israël ou par la Palestine et qu’ils aient eu lieu sur le territoire de la Palestine ou en Israël, depuis la Palestine ».
« Ce qui comprend les événements en cours à Gaza et aussi les événements qui se produisent en Cisjordanie », a continué Khan, qui a ajouté qu’il était « très préoccupé par l’augmentation du nombre d’attaques signalées de colons contre des civils palestiniens ».
En Cisjordanie, plus de 110 Palestiniens ont été tués par des résidents d’implantation et lors d’opérations de l’armée israélienne depuis le 7 octobre.
Il a précisé que les investigations en cours étaient le prolongement de l’enquête déjà ouverte par la CPI sur le conflit qui avait opposé Israël et le Hamas en 2014, sur les politiques d’implantation israéliennes et sur la réponse israélienne aux manifestations qui avaient eu lieu sur la frontière avec la bande. Ce dossier avait été ouvert par la prédécesseure de Khan, Fatou Bensouda, qui avait avait obtenu le feu vert pour lancer des investigations officielles en 2021.
L’État juif, qui n’est pas membres du tribunal et qui n’a pas ratifié le Statut de Rome, refuse de coopérer avec la CPI.
Les compétences de la Cour ne couvrent que la Cisjordanie et Gaza mais Khan a annoncé que la Cour pourrait se pencher sur les actes barbares qui ont été commis par des Gazaouis, le 7 octobre. A cette date, environ 2 500 terroristes palestiniens ont franchi la frontière avec Israël et on tué environ 1 400 personnes, des civils en majorité, et pris plus de 230 personnes en otage.

« Nous examinons de manière indépendante la situation en Palestine, nous examinons les événements survenus en Israël et nous étudions les accusations disant que des ressortissants palestiniens ont, eux aussi, commis des crimes – et dans ce cadre, nous avons besoin de coopération et d’assistance », a-t-il dit.
Il a noté que la prise d’otage était une violation de la Convention de Genève.
« J’appelle à la libération immédiate de tous les otages enlevés en Israël et à leur retour en toute sécurité dans leur famille », a-t-il déclaré.
S’exprimant devant les journalistes au Caire, plus tard, le juriste britannique a dit vouloir « souligner clairement à l’intention d’Israël qu’il doit y avoir des efforts tangibles et sans délai » pour garantir « que les civils reçoivent de la nourriture, des médicaments » à Gaza.
« Empêcher l’acheminement de l’aide peut constituer un crime qui relève de notre compétence », a ajouté Khan. « A Rafah, j’ai vu des camions bloqués, remplis de biens et d’aide humanitaire, loin des bouches affamées et des blessures » des habitants de Gaza.

« Toutes ces aides doivent être acheminées jusqu’aux civils à Gaza et sans délai supplémentaire », a-t-il continué.
Un responsable de l’armée israélienne a fait savoir, dimanche, que « des centaines de tonnes » d’aides humanitaires étaient jusqu’à présent entrées à Gaza grâce à un mécanisme conjoint de gestion qui a été mis en place par les États-Unis, l’Égypte et les Nations unies.
L’aide traverse Israël et pénètre en Égypte via le poste-frontière de Nitzana qui sépare les deux pays, au sud de Gaza, où elle est inspectée pour des raisons de sécurité. Elle rejoint ensuite le poste-frontière de Rafah, sur la frontière entre l’Égypte et Gaza, avait d’être confiée aux agences des Nations unies pour être distribuée.
« Nous nous efforçons d’agir conformément au droit humanitaire international pour minimiser les atteintes aux civils mais la guerre a ses conséquences », a expliqué le colonel Elad Cohen, à la tête du département civil du Bureau du Coordinateur des Activités gouvernementales sur les territoires. « Mais le Hamas a lancé sa guerre contre l’État d’Israël et le gouvernement du Hamas exploite ceux qui tentent de ne pas prendre part au terrorisme, ou il leur porte préjudice ».
Il a ajouté que la quantité d’aides humanitaires qui seront transférées dans le territoire sera « considérablement augmentée » dans les semaines à venir.

Khan a aussi vivement recommandé à Israël de se conformer aux lois qui encadrent les conflits alors que Tsahal continue ses frappes aériennes et que les soldats israéliens ont commencé leur incursion terrestre visant à éliminer le Hamas. Le groupe terroriste est le dirigeant de-facto de l’enclave côtière.
« Israël a des obligations claires en lien avec sa guerre contre le Hamas, pas seulement des obligations morales mais aussi des obligations juridiques », a-t-il fait remarquer.
« Des principes qui s’appliquent de la même manière au Hamas dans ses tirs de roquette indiscriminés vers le territoire israélien », a-t-il poursuivi.
Le ministère de la Santé de Gaza, placé sous l’autorité du Hamas, a déclaré que, depuis le début des combats, plus de 8 000 personnes avaient perdu la vie dans la bande – la moitié des victimes seraient des enfants. Ces chiffres ne peuvent pas être vérifiés de manière indépendante. Un nombre significatif de morts seraient des terroristes du Hamas, déclarent les autorités israéliennes, et un grand nombre des personnes tuées auraient été victimes des centaines de roquettes tirées en direction d’Israël et qui, manquant leur trajectoire, seraient retombées dans la bande de Gaza. L’État juif affirme ne pas prendre pour cible les civils et avoir cherché à éliminer les victimes civiles, notamment en recommandant aux résidents du nord de l’enclave – le secteur qui est au centre des combats – de partir vers le sud.

Le procureur de la Cour pénale internationale a évoqué la Shoah et la Seconde guerre mondiale lorsqu’il a expliqué les raisons de sa mission dans la région, précisant que la CPI œuvrera à travailler avec professionnalisme « pour distinguer les allégations des faits » et qu’elle examinera tous les éléments de preuve pertinents.
« C’est un moment d’objectivité, un moment de réflexion. Il faut que la communauté internationale et l’architecture internationale – construites sur les décombres de la Seconde Guerre mondiale, les terribles chambres à gaz et la Shoah, les villes rasées dans toute l’Europe – [qui] avaient pour but de créer des institutions qui garantiraient que nous ne verrions plus jamais d’abominations où des personnes pourraient être ciblées pour leur race, leur religion, leur culture, leur origine ou le passeport qu’elles détiennent… Il faut que ces promesses soient tenues », a déclaré Khan.
L’AFP a contribué à cet article.