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En Israël, des expos racontent le vêtement au fil du temps

Au musée d'Herzliya, l'art du textile se donne à voir dans cinq expositions connexes et à Hiriya, on examine les déchets induits par l'industrie de la mode

Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

L'oeuvre en fil de laine tufté à la main de Gur Inbar « Yarn of Clay [Fil d'argile]» au Musée d'art contemporain d'Herzliya, jusqu'au 1er mai 2025 (David Seth)
L'oeuvre en fil de laine tufté à la main de Gur Inbar « Yarn of Clay [Fil d'argile]» au Musée d'art contemporain d'Herzliya, jusqu'au 1er mai 2025 (David Seth)

Dans le centre d’Israël, deux expositions très différentes – l’une au musée d’Herzliya et l’autre dans une ancienne décharge – donnent à voir de quelle manière sont utilisés et réutilisés les textiles que nous utilisons.

Le Musée d’art contemporain d’Herzliya propose pas moins de cinq expositions, distinctes mais reliées entre elles, sous le titre général « Textile-Art-Textile : Perspectives sur hier et aujourd’hui », et ce, jusqu’au 1er mai.

Aya Lurie, directrice et conservatrice en chef du musée, s’est inspirée d’autres musées et biennales, pour présenter en même temps artisanat et design lors d’expositions artistiques, et s’est entourée de conservateurs invités spécialisés dans des domaines bien spécifiques.

On verra notamment une étonnante collection alimentée par le travail de 37 artistes – certains bien établis et d’autres nettement plus émergents -, à commencer par les tapis tuftés en forme d’amibe de Gur Inbar accrochés sur des murs de ciment à l’entrée du musée. Ces tapis sont inspirés de son travail sur la céramique.

En face, on découvrira les motifs familiers et bien reconnaissables de Siona Shimshi, produits entre les années 1960 et 1980, inspirés par l’art juif, le Pop Art ou encore le psychédélisme des années 1970. Son travail est partout – nappes, rideaux et oreillers, jusqu’aux vêtements pour la maison de couture Maskit.

À proximité se trouvent des peintures de Fatima Abu Roomi, artiste de Nazareth qui crée des autoportraits d’une grande minutie incorporant des morceaux de tissus, de tapis et des broderies traditionnelles.

Fatima Abu Roomi dans un autoportrait, « Fatma 2019 », dans le cadre de l’exposition « Proche d’elle-même : Fatima Abu Roomi » au Musée d’art contemporain d’Herzliya, jusqu’au 1er mai 2025 (Crédit Daniel Segel)

La plus grande exposition de ce collectif d’expositions est « Structures : le tissage en Israël, du fonctionnalisme à l’art textile », que l’on doit à Noga Bernstein. Cette exposition nous emmène dans le passé, à la recherche de l’art du tissage, avec le travail de Julia Keiner, née en Allemagne et arrivée en Israël en 1936, qui a créé un département de tissage à l’Académie Bezalel des arts et du design de Jérusalem.

Le département a ensuite été transféré à la Shenkar School of Design de Tel Aviv.

« Elle a fait à Jérusalem ce qu’elle avait appris au Bauhaus [école d’art en Allemagne] », explique Lurie.

Bernstein nous propose de découvrir les tissus et le manteau fait pour la maison de couture Maskit par l’étudiante de Keiner, Neora Warshavsky, qui tissait à la main et vendait ses fils au grand couturier français Christian Dior aussi bien qu’à Maskit, maison créée par Ruth Dayan.

« Il n’y a ici rien d’industriel », souligne Lurie. « Cela explique les prix élevés pratiqués par Maskit. »

Julia Keiner dans le département de tissage de Bezalel en 1950, au Musée d’art contemporain d’Herzliya, jusqu’au 1er mai 2025 (Crédit Werner Brown)

L’exposition esquisse une chronologie du tissage et des textiles qui fait dire à Lurie que certaines de ces pièces, retrouvées dans des maisons ou des archives, étaient oubliées depuis fort longtemps.

Les œuvres les plus contemporaines sont celles de Gali Cnaani, à l’origine des murs en tissu du nouveau bâtiment de la Bibliothèque nationale d’Israël, et d’Aleksandra (Sasha) Stoyanov, artiste d’origine ukrainienne qui vit près de Yokneam, achète sa laine à des bergers bédouins et a une de ses œuvres au Metropolitan Museum of Art de New York.

Enfin, le dernier espace du musée d’Herzliya est consacré à l’exposition « Printemps éternel », qui donne à voir les deux côtés des tapisseries produites par l’atelier d’Itche Mambush, au sein du collectif d’artistes d’Ein Hod, dans le nord d’Israël.

L’oeuvre Untitled 1963-1965 de Siona Shimshi, avec l’aimable autorisation de Shenkar Fashion and Textile Archive (Crédit Ahikam Ben Yosef)

Les artistes ont passé neuf mois à dessiner un modèle ensuite traduit sous une forme artistique mêlant dessin et textile, et permettant de voir simultanément les deux côtés de l’oeuvre.

L’exposition « Textile-Art-Textile : Perspectives sur hier et aujourd’hui » est visible jusqu’au 1er mai 2025.

Seconde vie

Pour ceux qui souhaitent voir deux expositions le même jour, se trouve à une demi-heure de là (si ça circule bien !) le Centre d’éducation environnementale du Centre de recyclage d’Hiriya. Six artistes y proposent leur travail sur le thème des fibres textiles dans le cadre de l’exposition « Fil de pensée ».

Hiriya est une ancienne décharge reconvertie en usine de recyclage industriel, parc naturel et bien d’autres choses encore. C’est l’endroit rêvé pour accueillir une exposition consacrée aux déchets de l’industrie de la mode et du textile, à l’origine de la fabrication d’un volume impressionnant de vêtements et d’autres articles qui finissent souvent à la poubelle.

L’exposition, visible jusqu’au 30 juin prochain, comprend des œuvres de Gili Avissar, Yael Yaari, Nir Ohayon, Rosello Shamria, Lone Nielsen ou encore Nissan Shor.

Elle occupe essentiellement l’espace de la galerie supérieure du spacieux centre d’éducation, lumineux écrin dédié à l’apprentissage du recyclage et des manières toutes plus créatives les unes que les autres d’utiliser les produits recyclés.

Chacune de ces œuvres d’art jette un regard unique sur l’itinéraire d’un fil, que ce soit la sculpture fantastique en forme d’araignée d’Ohayon faite à partir de restes de chaussures (essentiellement des baskets) ou le fil rose vif de Nielsen tiré d’un pull et finissant en cerf-volant.

Un visiteur du parc de recyclage Hiriya se tient sous les sculptures en textile mou de Yael Yaari dans le cadre de l’exposition « Fil de pensée », jusqu’au 30 juin 2025. (Crédit : Jessica Steinberg/Times of Israel)

Les sculptures molles, en trois dimensions, de Yael Yaari sont fabriquées à partir de morceaux de tissu rembourrés et l’énorme courtepointe de Gili Avishar, faite de tissus ayant eu une première vie, donne l’impression de faire face à une grosse bête, à la fois imposante et douce.

Tout, dans ce centre consacré au recyclage, parle de recyclage, jusqu’à celui des fameuses poubelles vertes, dont on fait des chaises, des clôtures ou même une incroyable haie fleurie.

Des visites guidées ont lieu à 12 h 30 du dimanche au jeudi, sur inscription préalable au centre.

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