En simulant une guerre contre le Hezbollah, l’armée israélienne veut éviter les erreurs passées
Après des reconstitutions de “massacres” commis par des terroristes fictifs au sein de communes israéliennes et d'une contre-attaque dans le sud du Liban, l'armée s'apprête à terminer son exercice d'entraînement le plus important depuis 19 ans
Après une semaine passée à repousser des raids du Hezbollah simulés contre les communes situées à la frontière, et après avoir répondu à de faux tirs de roquette sur une grande partie d’Israël, l’armée s’est livrée à une offensive fictive dans le sud du Liban alors que l’exercice militaire le plus important jamais organisé depuis près de deux décennies touchait à son apogée lundi, selon un haut responsable de l’armée israélienne.
La semaine dernière, l’armée a commencé son exercice le plus important depuis 1998. Ce sont des dizaines de milliers de soldats qui se sont entraînés pour une guerre contre le groupe terroriste du Hezbollah, considéré comme la principale menace pour les militaires.
Ce jeu de guerre a eu lieu sous la direction du chef du Commandement du Nord de l’armée israélienne, le général de division Tamir Hyman. Il a compris des actions physiques et des manœuvres et a impliqué les forces terrestres, les véhicules de terrain, les forces navales, des hélicoptères et des avions (notamment des jets qui auraient brisé le mur du son dans le sud du Liban) ainsi que des modèles informatiques.
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L’entraînement grandeur nature a été intitulé « Or HaDagan », en mémoire de Meir Dagan, ancien chef du Mossad et général de l’armée israélienne décédé l’année dernière.
Lors de la simulation, la guerre a éclaté suite à une incursion du Hezbollah en Israël, suivie de tirs de roquettes. « L’exercice a commencé sur la défensive, le Hezbollah initiant l’attaque, au cours de laquelle il traversait la ligne bleue et infiltrait des [communes israéliennes], », a expliqué l’officier tard dans la soirée de lundi, s’exprimant sous couvert d’anonymat.
« Il y a eu des opérations menées dans les communes proches de la frontière, des massacres à certains endroits », a-t-il expliqué.
Les militaires se sont concentrés sur la nécessité de défendre les villes frontalières, pratiquant tout d’abord les évacuations des municipalités situées dans un périmètre de quatre kilomètres de la frontière libanaise, et intervenant dans un secteur de neuf kilomètres par rapport à la frontière.
Selon l’officier, les exercices ont compris toutes les situations, sauf l’évacuation des habitants hors de leurs logements, l’armée ne souhaitant pas perturber leur routine durant cet exercice spécifique.
Après s’être initialement concentré sur la défense, l’armée, cette semaine, est passée à l’attaque, en simulant la conduite de grandes manœuvres dans le sud du Liban en utilisant le terrain similaire du nord d’Israël.
L’exercice continuera techniquement jusqu’à jeudi, mais il « doit se réduire considérablement » à partir de mardi, a dit l’officier.
Israël a vécu une dernière guerre à grande échelle contre le Hezbollah lors de la deuxième guerre du Liban en 2006 et les tensions sont toujours fortes, même si la frontière nord est restée relativement calme depuis.
Cet exercice a été salué comme étant l’opportunité de régler les échecs ou les failles militaires qui avaient été exposées pendant la guerre.
Sous la direction de Hassan Nasrallah, le Hezbollah détiendrait un arsenal de 100 000 à 150 000 missiles à courte, moyenne et longue portée et une force d’environ 50 000 soldats, y compris des réservistes.
Le groupe est considéré par l’armée israélienne comme sa principale menace, représentant la norme par rapport à laquelle les militaires israéliens évaluent leur niveau de préparation.
Même si les officiers débattent souvent d’un conflit futur contre le groupe terroriste comme d’une affaire de temps – et non de possibilité – l’armée israélienne pense que, pour le moment, le Hezbollah ne s’intéresse pas à une guerre contre Israël en raison de son implication dans la guerre civile syrienne, qui lui a causé des problèmes stratégiques importants.
Se concentrer sur la coopération
Dans le livre écrit par le général de brigade (réserviste) Gal Hirsch sur la deuxième guerre du Liban – Une histoire de guerre, une histoire d’amour, en hébreu, Bouclier défensif en anglais – l’ancien chef de la division du Commandement du Nord, qui avait joué un rôle déterminant dans le conflit, faisait part de nombreux échecs des militaires : des problèmes de communication, des renseignements qui n’arrivaient pas aux commandants sur le terrain, et un appui démesuré sur les forces aériennes.
Alors que les 11 dernières années de calme sur la frontière nord sont considérées comme le résultat direct du conflit, au sein de l’armée, la guerre marque un point de comparaison négatif. « Nous nous sommes vraiment améliorés depuis la deuxième guerre du Liban » est une remarque communément faite par les officiers de l’armée israélienne.
L’exercice organisé ce mois-ci s’est donc principalement focalisé sur la coopération, a expliqué l’officier, au sein des forces terrestres et entre ces dernières, les forces aériennes et la marine.
« Pourquoi ? Parce que cela a été l’un des enseignements tirés de la deuxième guerre du Liban et même avant cela », a précisé le responsable militaire.
Dans son livre, Hirsch décrit comment, après la guerre de 2006 – qui avait commencé après que les terroristes du Hezbollah ont tué trois soldats, en ont blessé deux autres et en ont retenu deux en otages – il avait réalisé que s’il avait reçu un rapport écrit par les renseignements, qui n’était jamais sorti de l’administration responsable des renseignements militaires, le conflit aurait pu être totalement empêché.
« Il n’y a aucun doute sur le fait que si j’avais vu une fraction seulement de ce qui existait au sein des [renseignements militaires], jamais je n’aurais abandonné le haut niveau d’alerte et je n’aurais jamais ouvert les routes. L’enlèvement aurait certainement été empêché », écrit Hirsh.
Alors qu’il n’y a aucun moyen de savoir si le kidnapping d’Ehud Goldwasser et d’Eldad Regev aurait pu en effet ne pas avoir lieu, le haut responsable militaire affirme qu’à travers tout l’exercice, les soldats ont œuvré à raccourcir le délai de temps nécessaire pour qu’un renseignement parvienne jusqu’au « tank, jusqu’à l’avion ou jusqu’au fantassin » qui en a besoin.
« Il fallait le faire », a-t-il commenté, parce que l’armée sait que « la future bataille contre le Hezbollah sera plus complexe qu’elle ne l’était dans le passé. »
L’officier a également déclaré que l’axe principal des plans d’attaque des militaires avaient compris des manœuvres à grande échelle « derrière les lignes ennemis » par les forces terrestres, avec « les forces aériennes et la marine en soutien ».
Ces « manœuvres massives » nécessiteront en effet que des « divisions multiples travaillent ensemble », a-t-il ajouté (les divisions consistent généralement en des milliers ou en des dizaines de milliers de soldats).
L’idée, a-t-il dit, est que la « victoire décisive » viendra d’une « manœuvre de terrain qui permettra de tuer les agents du Hezbollah, de tuer les soldats du Hezbollah, d’endommager leurs infrastructures et leur capacité à commander, ainsi que leur logistique, leur contrôle. »
L’officier a expliqué que tandis que les militaires prévoient de « défendre toute la longueur de la Ligne bleue » – le terme utilisé pour la ligne de démarcation entre Israël et le Liban – et de « maintenir notre souveraineté », les militaires ont également conscience du fait qu’ils ne peuvent pas fermer hermétiquement la frontière et que des terroristes du Hezbollah peuvent éventuellement traverser sa ligne.
« Si le Hezbollah concentre ses efforts sur un point spécifique, il y a une chance qu’il puisse passer et causer des dégâts », a-t-il confié.
« Le Hezbollah a des capacités d’attaque qu’il a développées à partir de son désir d’attaquer les communes frontalières et d’assassiner des civils, a ajouté l’officier. Nous savons que c’est un résultat opérationnel auquel ils aspirent, et nous nous y préparons. »
L’exercice qui a duré 10 jours a également compris des aspects de cyberguerre, a indiqué l’officier, même si l’entraînement ne se focalisait pas dessus.
Cette guerre numérique s’est majoritairement intéressée à la « sécurité de l’information », en tâchant de garantir que les renseignements israéliens n’étaient pas interceptés par le Hezbollah, et s’est également penchée sur la défense contre les cyberattaques du groupe terroriste sur les réseaux militaires, a ajouté le responsable.
Cet aspect a été mis en évidence durant l’exercice par la décision du chef du Commandement du Nord de suspendre un lieutenant colonel qui avait violé les règles de la « sécurité de l’information ».
Des attaques contre les communications militaires ont également été simulées lors de l’exercice, a dit l’officier, avec des unités contraintes de travailler occasionnellement sans technologie, bloquée à ce moment-là par une cyberattaque.
Des dizaines d’officiers supérieurs ont contrôlé l’exercice au cours de la semaine passée. Ils sont venus du centre militaire d’entraînement des forces terrestres, connu au sein de l’armée sous l’acronyme de « Mali », ainsi que d’un département spécifique qui a pour mission de contrôler les entraînements dirigés par l’Etat-major.
L’armée a déjà commencé « à évaluer les efforts livrés par les militaires au cours de la semaine passée et elle passera en revue l’exercice entier lorsqu’il se sera achevé jeudi, afin de déterminer « les leçons que nous pouvons tirer de l’exercice et comment l’appliquer dans un scénario réel », a expliqué l’officier.
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