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Face au regain d’antisémitisme en Europe, la Russie pointée du doigt

En pleine guerre d'Israël contre le Hamas, des sources affirment que les Russes alimentent une situation déjà tendue – stratégie éprouvée contre l'Occident depuis la guerre froide

Une façade a été recouverte d'étoiles de David peintes pendant la nuit, dans le quartier d'Alésia, à Paris, le 31 octobre 2023. (Crédit : Geoffroy Van der Hasselt/AFP)
Une façade a été recouverte d'étoiles de David peintes pendant la nuit, dans le quartier d'Alésia, à Paris, le 31 octobre 2023. (Crédit : Geoffroy Van der Hasselt/AFP)

JTA — Lorsque les Étoiles de David ont commencé à apparaître sur les façades des maisons et institutions juives du 10e arrondissement de Paris, à la fin du mois dernier, ainsi que sur la maison d’une femme juive à Berlin, nombre de personnes ont évoqué la période nazie.

Les autorités françaises ont pointé du doigt un surprenant coupable : la Russie.

Selon les autorités françaises, les photos des étoiles de David se sont répandues depuis un site d’information russe appelé Recent Reliable News (RRN) avant de se retrouver sur d’autres sites et sur les réseaux sociaux. Une fois que les photos eurent fait le tour d’Internet, VIGINUM, le service de renseignement français chargé de la traque des interférences numériques étrangères, a annoncé que plus de 1 000 bots avaient émis plus de 2 500 messages liés à cet incident sur X, la plate-forme sociale précédemment connue sous le nom de Twitter.

On a su en juin que RRN, qui semble être un agrégateur d’informations, faisait partie d’un réseau de domaines Internet utilisés par des pirates informatiques russes pour mener une opération de désinformation destinée à l’Europe occidentale, connue sous le nom de « Doppelgänger ». RRN et des sites similaires ont été utilisés pour imiter les principaux organes de presse et même les sites gouvernementaux, et diffuser des informations avec un penchant clairement pro-russe.

« VIGINUM pense que ces bots sont affiliés au réseau RRN, étant donné que l’une de leurs principales activités consiste à rediriger les gens vers les sites Internet de RRN », a déclaré le ministère français des Affaires étrangères par voie de communiqué de presse ce mois-ci. « La France condamne avec fermeté l’action du réseau russe Recent Reliable News (RRN/Doppelgänger) consistant à diffuser de manière artificielle, y compris sur les réseaux sociaux, des photos de graffitis d’étoiles de David dans le 10e arrondissement de Paris. »

Alors que l’antisémitisme atteint des sommets en Europe depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, de nombreuses enquêtes ont mis en évidence l’implication de la Russie dans l’exacerbation d’une situation déjà tendue. Bien que les motivations des auteurs soient encore floues, les experts rappellent que semer le trouble en Occident est une tradition des services de sécurité russes depuis la guerre froide.

Les enquêteurs français disent que l’enquête suit son cours et qu’ils n’ont toujours pas la preuve que ces graffitis sont l’œuvre d’acteurs soutenus par l’État russe. Ce qu’ils disent, en revanche, c’est que les deux suspects arrêtés en lien avec cette affaire sont des ressortissants moldaves, qui auraient agi sur ordre d’un inconnu avec lequel ils ont communiqué par téléphone, en russe. (Bien que la langue nationale de la Moldavie soit le roumain, comme beaucoup d’autres anciennes républiques soviétiques, le russe reste une langue maternelle pour beaucoup.)

A mesure que les détails de l’affaire ont été connus, d’autres questions sont apparues. Pour commencer, toutes ces étoiles n’ont pas été taguées sur des façades de bâtiments dans lesquels vivent des juifs.

Ensuite, le style des étoiles – élégant, d’une couleur bleu profond rappelant le drapeau israélien – semble décalé par rapport à un acte antisémite.

Bien que des détails restent obscurs, Nina Jankowicz, vice-présidente américaine du Centre for Information Resilience et experte en désinformation, estime que cet épisode fait penser au mode opératoire de la Russie.

« Cela semble en tout point correspondre au genre de provocations dont la Russie a pu faire usage par le passé », explique Jankowicz à la Jewish Telegraphic Agency. « La Russie profite des fragilités de la société pour creuser les clivages ou mettre sur le devant de la scène les questions les plus polémiques, en général, sans tenir compte du contexte. »

Ce genre d’action fait partie intégrante de la politique étrangère de la Russie depuis des dizaines d’années et constitue un élément clé de sa « guerre hybride » depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022.

« Favoriser la polarisation des sociétés occidentales est un moyen facile d’obtenir des victoires pour la Russie », affirme Jankowicz.

Un homme passe devant un immeuble dont la façade a été recouverte d’étoiles de David durant la nuit, dans le quartier d’Alésia, à Paris, le 31 octobre 2023. (Crédit : Geoffroy Van der Hasselt/AFP)

Cela ne se limite pas à attiser les sujets de division dans la sphère numérique. Lors des élections américaines de 2016, des manifestations se sont physiquement opposées dans les rues de Houston, au Texas, autour de la question d’un centre islamique local. Ce qu’aucune des deux parties ne savait vraiment à l’époque, c’est que les deux manifestations avaient été organisées par des groupes Facebook créés par des agents de Moscou.

« Nous aimerions penser qu’à ce stade, la Russie ne fait que faire des choses sur Internet, et empoisonner des dissidents de temps en temps. Mais ce genre d’opérations sur le terrain – qui ne sont parfois pas bien menées – est très représentatif de ce qu’ils ont pu faire par le passé, et qu’ils ont continué de faire, même après les élections américaines de 2016 », complète Jankowicz.

Jankowicz souligne que la Russie fait feu de tout bois, passant sans aucun problème de causes de droite à des causes de gauche. Selon elle, la Russie n’est pas étrangère à l’utilisation de l’antisémitisme comme d’une arme. Il s’agirait en fait d’une astuce tout droit sortie du mode d’emploi de l’Union soviétique.

« Pendant la période soviétique, en particulier en Allemagne, la Russie a dégradé des monuments commémoratifs et utilisé des attaques antisémites, jusque dans les années 80, afin d’attiser le spectre de l’antisémitisme », assure-t-elle.

À la fin des années 1980, avant la réunification allemande, Rainer Sonntag, chef du groupe néo-nazi le plus influent d’Allemagne de l’Ouest, est agent double, pour la Stasi est-allemande et le KGB soviétique. Pendant le procès Eichmann à Jérusalem, la Stasi falsifiera des centaines de lettres de soutien de « vétérans de la Waffen-SS » dans le but d’embarrasser l’Allemagne de l’Ouest.

« Ils ont agi des deux côtés de questions telles que les questions civiles ou les droits de l’homme liés à la population afro-américaine aux États-Unis, les droits des LGBT et bien d’autres choses encore. Ils savent très bien jouer sur les deux tableaux », estime Jankowicz.

Des émeutiers à l’aéroport de Makhatchkala, au Daghestan, le 30 octobre 2023, crient des slogans antisémites pour protester contre l’arrivée d’un avion de ligne en provenance de Tel-Aviv. (Crédit : AP)

La Russie accuse l’Occident des mêmes maux, le plus souvent l’Ukraine et les États-Unis. Le mois dernier, Moscou a affirmé que les forces soutenues par les États-Unis avaient incité la foule qui a pris d’assaut l’aéroport de Makhatchkala à la recherche de Juifs au Daghestan, en Russie.

« Les événements de Makhatchkala, la nuit dernière, sont une émanation des réseaux sociaux et du territoire ukrainien. C’est là l’action d’agents des services spéciaux occidentaux », avait alors déclaré le président russe Vladimir Poutine.

« Nous avons vu ça dans plusieurs campagnes d’influence en ligne – il s’agit plus de ‘semer la confusion’ que de dire clairement ‘essayer de faire telle ou telle chose’ », explique Justin Crow, chercheur à l’Université du Sussex qui travaille sur la Russie et le renseignement de type source ouverte. « Cela tourne presque toujours autour de questions culturelles contemporaines très sensibles : on a affaire à une exploitation d’événements circonstanciels pour semer la discorde, sans que cette discorde n’ait besoin d’être spécifiquement attribuée à un groupe ou un autre. »

La Russie n’est pas le seul pays à employer ce type de stratégie et à impliquer les institutions juives. Il y a deux semaines, un incendie s’est déclaré devant une synagogue à Erevan, la capitale de l’Arménie. Le bâtiment n’a été que légèrement endommagé, mais les autorités arméniennes ont rapidement ouvert une enquête, affirmant que l’incendie, d’origine criminelle, était le fait d’un ressortissant étranger dans le pays depuis seulement quelques heures.

À l’instar de la situation en France, la nouvelle de l’attaque a été largement diffusée par des médias liés à une nation opposée, à savoir l’Azerbaïdjan, en guerre contre l’Arménie autour de la question d’un territoire disputé, connu sous le nom de Haut-Karabakh pour les Azéris et d’Artsakh pour les Arméniens

Les médias azéris ont indiqué que l’incendie, tout comme le vandalisme de la même synagogue début octobre, avait été revendiqué par l’ASALA, groupe marxiste-léniniste arménien qui avait combattu la Turquie dans les années 1970 et 1980, considéré comme inactif depuis 1991. (Cet incident a eu lieu juste avant le début de la guerre entre Israël et le Hamas le 7 octobre, lorsque 3 000 terroristes ont fait irruption à la frontière de Gaza et massacré 1 200 personnes dans le sud d’Israël, pour la plupart des civils, et fait 240 otages.)

« Nous ne savions même pas ce qui s’était passé et les chaînes azéries diffusaient déjà des photos du bâtiment », explique Rima Varzhapetyan, cheffe de la communauté juive d’Arménie, selon le Times of Israel. « De toute évidence, il y a des forces à l’œuvre, mais pas contre nous, les Juifs, contre l’Arménie. C’est scandaleux. »

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