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Faites la connaissance des soeurs prostituées septuagénaires juives d’Amsterdam

A 71 ans, ces jumelles à la retraite ont renoué avec leurs racines juives et se rendent à la synagogue pour les fêtes

Martine, à gauche, et Louise Fokkens à Amsterdam en 2010 (Crédit : Aspekt Publishers)
Martine, à gauche, et Louise Fokkens à Amsterdam en 2010 (Crédit : Aspekt Publishers)

Amsterdam (JTA) – Comme beaucoup de grand-mères juives, Martine et Louise Fokkens aiment parler de leurs petits-enfants dans une langue qui mélange le yiddish et le hollandais.

A 71 ans, ces jumelles d’Amsterdam peignent, pensent souvent à l’Holocauste et vont à la synagogue pour les fêtes juives.

Mais les Fokkens ne sont pas comme toutes les grands-mères juives.

D’une part, elles ont récemment pris leur retraite après avoir passé 50 ans à travailler comme prostituées dans le Red Light Disctrict [le quartier des prostituées] d’Amsterdam.

D’autre part, elles sont des célébrités locales grâce à la publication de plusieurs autobiographies et la diffusion d’un documentaire sur leur vie : À la rencontre des Fokkens. En Hollande, elles sont plus connues sous le titre hollandais qui se traduit par « vieilles putains ».

« Les affaires nous ont appris à nous entendre avec tout le monde, et vraiment tout le monde », explique Louise Fokkens, qui a pris sa retraite en 2010 à cause de son arthrite.

« Tout le monde » signifie des prêtres, des imams, des rabbins, racontent les jumelles qui portaient des vêtements assortis lors de l’interview dans un café du Red Light District.

« L’un de mes clients turcs a crié quelque chose sur Allah » au moment de jouir, se remémore Martine.

« Et nous avons toutes les deux eu affaire à des gentils garçons timides de yeshiva, plus d’une fois », ajoute Louise. « Ils sont très introvertis ».

Même si elles parlent de manière positive de leurs années « derrière la vitre » – une référence aux vitrines derrière lesquelles les prostitués s’exposent pour attirer les clients – leur choix de carrière est né de l’adversité et a eu un prix.

Louise est entrée dans « les affaires » lorsqu’elle avait une vingtaine d’années à cause de la pression exercée sur elle par son mari.

« Il m’a littéralement battue jusqu’à ce que je rentre dans cette vitrine, il est devenu mon proxénète, et a vécu sur mon argent », raconte-t-elle.

Le couple a eu 4 enfants mais son ex-mari l’a obligée à les mettre à l’orphelinat pendant des années. Louise avait uniquement le droit de leur rendre visite le week-end.

Martine a suivi la même voie que sa sœur. Elle a commencé par travailler en tant que femme de ménage dans les maisons closes avant de commencer à vivre de son corps.

« J’étais en colère quant à la manière dont tout le monde autour de nous rejetait Louise », raconte Martine. « Je l’ai fait par rancune, vraiment ».

Les deux femmes ont fini par divorcer de leurs maris qu’elles décrivent maintenant comme « une paire de maquereaux ». Mais elles ont continué à travailler au district « parce que c’était devenu notre vie », précise Louise.

« Notre vie dans les affaires est devenue une source de fierté, une sorte de sport », ajoute Louise.

Rétrospectivement, les deux femmes admettent qu’elles regrettent leur choix. « Nous n’avions pas besoin de tous les problèmes que cela nous a causés, la stigmatisation sociale, les mauvaises personnes que vous rencontrez », explique Martine. « Mais bon, c’est comme ça que les choses sont arrivées. En plus, nous avons aussi rencontré des personnes merveilleuses grâce aux affaires ».

Depuis qu’elles ont pris leur retraite, les Fokkens passent plus de temps avec leurs enfants – Martine en a 3 – et leurs petits-enfants. Elles ont aussi vendu leur peinture, dont des tableaux représentant des scènes de la vie du Red Light District recréées en studio.

Elles suivent aussi une psychothérapie à la clinique de la santé mentale de la communauté juive d’Amsterdam pour soigner les traumatismes familiaux dus à la Shoah.

Louise, à gauche, et Martine Fokkens à la gay pride d'Amsterdam gay pride parade le 2 août 2014 (crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)
Louise, à gauche, et Martine Fokkens à la Gay Pride d’Amsterdam le 2 août 2014 (Crédit : Cnaan Liphshiz/JTA)

« Nous étions trop jeunes pour le comprendre, mais nous sommes nées dans une famille traumatisée car notre mère était à moitié juive », raconte Louise.

« Nos parents s’attendaient pendant des années à ce qu’elle soit emmenée à tout instant. Nous avions aussi des Juifs qui se cachaient chez nous. Ils nous ont communiqué leur stress ».

Même si la grand-mère maternelle des Fokkens était juive, elles n’ont pas été élevées comme des Juives.

« Mais nous nous souvenons d’elle en train de prier dans notre vieille cuisine et elle nous appris un peu de yiddish », relate Martine.

Leurs parents se sont fermement opposés à leur choix de carrière mais ont appris à vivre avec.

« Avant nous, personne dans notre famille ne s’était lancé dans cette carrière », explique Martine. « Je suppose qu’il fallait que quelqu’un se lance ».

Avec l’âge, les jumelles ont renoué avec les traditions juives. Louise se rend au service de la synagogue des réformés de la capitale hollandaise.

« Lorsque nous étions dans les affaires, aller à la shul [synagogue] ne semblait pas approprié », explique Louise. « Comment aurions-nous pu le faire ? Nous n’étions pas les bienvenues et nous-mêmes ne nous sentions pas à l’aise non plus ».

Encore maintenant, Louise s’assoit au fond de la synagogue pour être aussi loin que possible du rabbin.

Mais les sœurs ne se sentent pas exclues de la communauté juive d’Hollande. Cet été, elles se sont rendues sur un bateau juif pour le défilé de la Gay Pride d’Amsterdam. Leur but était de protester contre l’antisémitisme, raconte Louise, qui ne porte pas de pendentif en forme d’étoile de David car elle craint de devenir une cible d’attaque.

« Nos parents nous ont appris à nous tenir droite quoi qu’il arrive », affirme Louise.

Sur le bateau, elles ont dansé à l’avant du bateau vêtues de blanc tandis que l’animateur les présentait comme de « vieilles putains ».

Mais les jumelles ne se considèrent pas comme étant les égéries du Red Light Disctrict. En fait, elles ne s’y sentent plus très à l’aise là-bas, admet Louise.

« Les filles qui y travaillaient étaient toutes hollandaises, maintenant elles sont toutes étrangères », explique-t-elle.

« Les clients étaient des locaux, maintenant ce sont des touristes. Et il y avait aussi des filles plus âgées. Mais maintenant, si vous osez être [là-bas] en ayant plus de 25 ans, ils se tiennent devant la vitrine et se moquent de vous comme si vous étiez une bête de foire ».

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