Femmes soldats : Bennett rejette les appels au limogeage du chef d’état-major
Le politicien religieux "rejette complètement les appels lancés aux hommes de refuser l'intégration dans l'armée s'ils n'entrent pas dans une unité exclusivement masculine'"

Le ministre de l’Education Naftali Bennett, à la tête du parti religieux nationaliste HaBayit HaYehudi, a dénoncé mercredi les appels à l’insoumission lancés par d’importants rabbins de droite. L’un d’eux a notamment affirmé que le chef d’état-major devait être limogé pour sa promotion du service des femmes à des postes de combat.
« Je rejette complètement tous les appels lancés aux hommes de refuser d’intégrer l’armée israélienne et cette demande déplacée de renvoyer le chef d’état-major », a écrit Bennett sur Twitter. « Ces appels émanent d’une crainte authentique mais fourvoyée, parmi certains groupes, que l’armée israélienne a décidé d’adopter un agenda radical-libéral-féministe, au détriment de la préparation opérationnelle et de la victoire lors des conflits ».
« Certains événements isolés – forcer les soldats à se raser la barbe et avoir des salles de bains mixtes – sont interprétés par ces derniers comme une confirmation de leurs affirmations », a-t-il poursuivi. « Une fois encore, ces affirmations sont mensongères. L’armée israélienne se concentre sur son objectif : assurer la sécurité des citoyens d’Israël. Je fais confiance à l’armée israélienne, à ses commandants et à son chef d’état-major et je rejette complètement tout appel à l’insubordination lors de l’intégration dans l’armée ».

Bennett faisait en partie allusion à des propos tenus dans la matinée de mercredi par le rabbin Shmuel Eliyahu, grand rabbin sépharade et membre du conseil du grand rabbinat, que Bennett lui-même avait recommandé pour assumer le rôle de grand rabbin d’Israël il y a quelques années. Eliyahu a déclaré que le Premier ministre Benjamin Netanyahu devait renvoyer le chef d’état-major de l’armée israélienne Gadi Eizenkot.
« L’armée a adopté un agenda féministe complètement fou », a dit Eliyahu. « Je ne sais pas ce qui est arrivé à Eizenkot. Les ministres du cabinet et le Premier ministre devraient lui dire : ‘Allez prendre vos affaires et rentrez chez vous, vous avez suffisamment fait pour affaiblir les motivations d’entrer dans l’armée, en particulier en faisant la guerre aux soldats religieux’. J’appelle le Premier ministre à dire à Eizenkot : ‘Rentrez chez vous’. »
Mardi, un autre rabbin de droite, Shlomo Aviner, avait écrit sur le site d’information orthodoxe Kippa qu’il était interdit de rejoindre des unités mixtes, à savoir, presque toutes les unités non combattantes ainsi que plusieurs unités de combat.

Interrogé par un aspirant soldat sur ce qu’il devait faire s’il n’avait aucun choix autre que celui d’intégrer une unité mixte, Aviner avait répondu que « si c’est le cas, malheureusement, on ne devrait pas intégrer l’armée. Il faut soit aller dans une unité composée entièrement de personnes du même sexe ou ne pas s’enrôler pour le moment ».
Le ministre de la Défense Avigdor Liberman a également dénoncé les propos des rabbins, les désignant explicitement par leurs noms et leur demandant de revenir sur leurs déclarations.
« Je condamne avec force l’intervention flagrante dans les affaires militaires de sources extérieures, notamment celle des rabbins, aussi respectables soient-ils », a dit Liberman dans un communiqué. « Cela nuit gravement à la sécurité et à l’endurance nationales. L’armée israélienne n’est ni féministe, ni chauvine. Ses considérations sont purement d’ordre opérationnel ».
« J’appelle le rabbin Shmuel Eliyahu et le rabbin Shlomo Aviner à revenir sur ces propos arriérés, à s’abstenir de tenis de tels propos à l’avenir et à cesser de nuire à la puissance et à la légitimité de l’armée israélienne », a-t-il ajouté.
Bezalel Smotrich, député du parti de droite HaBayit HaYehudi, s’est écarté du positionnement adopté par le chef de son parti, Bennett, en affirmant que « les femmes ne sont pas nées pour des positions de combat » et que « flouter les lignes » entre les sexes aurait des conséquences « horribles ».
« Dans notre monde, il y a naturellement des hommes et des femmes. Chacun a une nature physiologique et des caractéristiques et mentalités différentes, des forces et des talents, et chacun a également des rôles qui lui sont propres. Cette tentative de nier ce fait simple et basique, de flouter les lignes et d’affirmer qu’il s’agit de différences de sociabilisation est risible et triste », a indiqué mercredi matin Smotrich à la radio militaire.

Smotrich se référait à l’annonce faite par l’armée, vingt-quatre heures auparavant, de la nomination d’une femme à la tête d’un escadron de l’armée de l’air pour la toute première fois. Cette femme major, dont le nom ne peut être publié pour des raisons de sécurité et qui a été identifiée sous le surnom de « Tet« , sera promue lieutenant-colonel et dirigera une flotte d’avions de transport militaire.
« Je suis heureux pour elle, tout le monde devrait pouvoir faire ce qui est bien et bon pour lui », a dit Smotrich. « Il y a assurément une minorité de femmes adaptées à des postes assumés par les hommes, et vice-versa, mais c’est l’exception, ce n’est pas la règle… Ce serait horrible si nous nous transformions tous en femmes ou si nous nous transformions tous en hommes – le monde a besoin de cet équilibre ».
« Les femmes sont moins fortes physiquement, elles ne sont probablement pas nées pour des activités de combat, elles sont nées pour d’autres fonctions », a ajouté Smotrich, qui a servi dans une unité non combattante pas pendant son service militaire. « Nous pouvons compter sur les doigts d’une main le nombre de femmes pilotes que nous avons eu dans l’armée de l’air et cela continuera probablement à être le cas, même dans mille ans ».

Rachel Tevet-Wiesel, ancienne conseillère aux Affaires féminines du chef d’état-major, a rejeté les propos de Smotrich.
« Je suis choquée par la profondeur de cette ignorance et ces affirmations sans fondement », a-t-elle dit au micro de la radio militaire. « Les femmes et les hommes suivent très exactement les mêmes cours pour devenir des pilotes. Une large partie des hommes sont, de la même manière, dans l’incapacité de réaliser toutes les tâches ».
En 1993, un jugement révolutionnaire rendu par la Haute cour de justice avait permis aux femmes de rejoindre le cursus des pilotes, très réputé, de l’armée israélienne, suite à une requête déposée par Alice Miller.
En 1998, cinq ans après la requête de Miller et cinq décennies après qu’Israël a eu sa première femme pilote, Sheri Rahat avait été diplômée à l’issue de son cursus de pilotage, devenant navigatrice à bord d’un avion de type F-16, sans être techniquement une pilote toutefois.
Trois années plus tard, Roni Zuckerman, petite-fille de Zivia Lubetkin et de Yitzhak Zuckerman, deux des leaders du soulèvement du ghetto de Varsovie, était devenue la toute première pilote de jet au sein de l’Etat juif.
Malgré ces avancées, une majorité écrasante de pilotes d’avions-chasseurs de l’armée de l’air israélienne reste des hommes, en raison surtout des exigences physiques réclamées pour cette fonction.
Judah Ari Gross a contribué à cet article.
C’est vous qui le dites...