Gallant critique la sécurisation de l’aide par Tsahal à Gaza, l’assimilant à un pouvoir militaire
L’ex-ministre de la Défense avertit qu’Israël paiera "par le sang" l’absence d’une alternative au Hamas ; le cabinet débat d’une nouvelle politique pour réduire les pillages
L’ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré mercredi qu’assurer la sécurité de la distribution de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza entraînerait Israël vers une gouvernance militaire de l’enclave, au prix inacceptable de vies de soldats.
« La discussion sur la ‘distribution de nourriture aux résidents de Gaza par des entreprises privées avec la sécurité de Tsahal’ est un euphémisme pour le début d’un gouvernement militaire », a écrit Gallant sur X.
« Le prix sera payé dans le sang par les soldats de Tsahal, et par l’État d’Israël », a-t-il ajouté, affirmant que les priorités du gouvernement étaient mal choisies et « conduiraient à la négligence de tâches sécuritaires plus importantes ».
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait indiqué en début de semaine avoir enjoint l’armée israélienne de trouver de nouvelles solutions pour sécuriser la distribution de l’aide à Gaza. Hier, il aurait rencontré de hauts responsables pour discuter de cette question.
Ces discussions interviennent après le pillage violent de 100 camions d’aide samedi, un incident que les Nations unies (ONU) ont qualifié de
« pire en termes de volume » depuis le début de la guerre, l’année dernière, déclenchée par le pogrom perpétré par les terroristes du groupe palestinien du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023. Les responsables de l’ONU n’ont pas précisé qui étaient les auteurs de l’embuscade tendue au convoi humanitaire du week-end. Par le passé, Israël a accusé le Hamas et des organisations criminelles connues dans l’enclave de détourner des camions d’aide humanitaire.
La solution privilégiée par le Premier ministre pour lutter contre le pillage serait de confier la distribution de l’aide à des organisations privées sous la protection de l’armée israélienne. Les membres du cabinet doivent se réunir jeudi pour approuver l’utilisation d’une « société extérieure » pour ce type d’arrangement, selon la chaîne d’information N12.
Cette mesure débuterait par un « programme pilote » dans le nord de la bande de Gaza, selon le reportage, à Beit Lahiya, Beit Hanoun ou Jabalia, selon le reportage.
Le plan pourrait soulever des questions sur le statut d’Israël dans la bande de Gaza au regard du droit international, notamment sur d’éventuelles accusations d’occupation, toujours selon N12.
La chaîne n’a pas précisé qui financerait la distribution de l’aide privée, qu’Israël a proposé de confier aux Émirats arabes unis. Les Émirats ont néanmoins souligné à plusieurs reprises qu’ils ne le feraient pas sans la participation d’une Autorité palestinienne (AP) réformée et sans un engagement d’Israël en faveur d’un État palestinien, des conditions rejetées par Netanyahu et les membres de son gouvernement.
Dans sa publication de mercredi, Gallant dénonce l’absence de préparation d’une entité alternative pour remplacer Tsahal dans la gestion du territoire, avertissant, « sans cela, nous sommes sur la voie d’un gouvernement militaire ».
« L’aide sera distribuée par des organisations privées, Tsahal protègera les organisations, et nous en paierons tous le prix », a écrit Gallant, ajoutant « qu’un gouvernement militaire à Gaza ne fait pas partie des objectifs de la guerre, mais constitue un acte politique dangereux et irresponsable. »
La critique de Gallant intervient quelques semaines après son limogeage par Netanyahu de ses fonctions de ministre de la Défense, officiellement pour un manque de confiance mutuelle.
Selon Gallant, les raisons de son limogeage sont multiples et incluent, entre autres, des désaccords avec Netanyahu sur la nécessité de planifier un gouvernement pour Gaza après le Hamas, ainsi que sur les concessions nécessaires pour conclure un accord sur les otages avec le groupe terroriste.
Alors qu’il était encore ministre de la Défense, avait averti publiquement qu’en l’absence de remplacement du Hamas par un gouvernement alternatif, Israël serait contraint soit d’accepter le retour du Hamas au pouvoir, soit de gouverner militairement la bande de Gaza — deux scénarios qu’il jugeait inacceptables. Il avait exhorté Netanyahu à déclarer qu’Israël établirait un gouvernement civil, non issu du Hamas, dans la bande de Gaza.
Les membres d’extrême droite du cabinet ont vivement critiqué mercredi les propos de Gallant, l’accusant de freiner la lutte contre le Hamas et affirmant que ses déclarations justifiaient la décision de Netanyahu de le limoger.
« Ce soir, il a été prouvé une fois de plus à quel point le Premier ministre a bien fait de renvoyer le ministre de la Défense défaillant Gallant », a déclaré le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir sur X, affirmant que “la surveillance de la distribution de l’aide humanitaire aux résidents de Gaza par Tsahal est essentielle pour démanteler le Hamas” et éliminer les derniers vestiges de contrôle du groupe terroriste.
Ben Gvir, qui dirige le parti ultranationaliste Otzma Yehudit, a précisé qu’il ne soutenait « l’aide humanitaire qu’en échange de l’aide humanitaire », une formule soulignant que toute assistance aux civils de Gaza devait être conditionnée à la libération des otages israéliens kidnappés lors de son attaque de l’année dernière.
Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, chef du parti d’extrême droite HaTzionout HaDatit, a accusé Gallant de permettre au Hamas de
« maintenir sa domination » à Gaza.
« Pendant toute une année, Gallant a imaginé une ‘entité alternative’ inexistante qui ferait le travail à notre place, et nous a empêchés d’assumer la responsabilité de la distribution de l’aide humanitaire », a indiqué Smotrich.
Il a en outre accusé le ministre de la Défense, aujourd’hui limogé, « d’avoir permis au Hamas de prendre le contrôle de l’aide humanitaire et de maintenir son autorité dans la bande de Gaza, ce qui a entraîné la poursuite de la guerre ».
« Ce n’est pas l’acheminement de l’aide humanitaire qui causera des victimes, ni même un gouvernement militaire s’il s’avérait nécessaire », a déclaré le ministre d’extrême droite. « Mais plutôt la peur d’une victoire totale et de la prise des territoires essentiels à la sécurité. »
Ben Gvir et Smotrich se sont tous deux montrés fervents partisans d’une domination israélienne sur la bande de Gaza, appelant à rétablir les implantations israéliennes dans la région. Ils se sont également opposés à tout accord garantissant la libération des otages en échange d’un cessez-le-feu avec le Hamas.
Plus tôt mercredi, Smotrich a minimisé l’impact économique qu’imposerait un gouvernement militaire à Gaza, déclarant lors d’une interview sur Kan Radio que cela coûterait seulement « quelques centaines de millions de shekels ».