Conférence ultranationaliste : Des ministres appellent à se réinstaller à Gaza
Selon May Golan du Likud, ce qui fait le plus mal aux Palestiniens, c'est de perdre des terres ; pour Itamar Ben Gvir, les Gazaouis devraient être "encouragés" à émigrer
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Des ministres de haut rang, ainsi que des membres du Likud, le parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, ont appelé lundi au rétablissement de la présence juive à Gaza, tandis que d’autres ont encouragé l’émigration palestinienne hors de ce territoire en proie depuis un an à une riposte militaire israélienne suite au pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël.
S’exprimant lors de la grande conférence ultra-nationaliste organisée à la frontière de Gaza, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a déclaré « qu’encourager l’émigration » des Palestiniens de l’enclave était la meilleure et « la plus éthique » des solutions à ce conflit.
Des membres du Likud ont tenu des propos similaires, la ministre de l’Egalité, May Golan, déclarant lors de la conférence que « prendre des territoires » aux Arabes est ce qui « leur fait le plus mal » et qu’une présence juive à Gaza renforcerait la sécurité d’Israël.
Le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, qui a également participé à la conférence, a approuvé l’idée de reconstruire des implantations à Gaza, déclarant sur le chemin de l’événement que la bande de Gaza faisait « partie de la Terre d’Israël » et que « sans implantation, il n’y a pas de sécurité ».
De nombreux autres ministres du gouvernement et députés de la coalition ont assisté à l’événement, notamment le ministre du Néguev et de la Galilée, Yitzhak Wasserlauf, du parti ultra-nationaliste Otzma Yehudit de Ben Gvir, ainsi que les députés du Likud Avichay Buaron, Tally Gotliv et Ariel Kallner.
Auparavant, Daniella Weiss, cheffe de file des résidents d’implantations, dont le mouvement pro-implantations a organisé la conférence, avait affirmé que les habitants de Gaza avaient « perdu leur droit » de vivre sur ce territoire à la suite des massacres du 7 octobre et qu’ils n’y resteraient pas.

Plusieurs dizaines de manifestants anti-gouvernement, dont des habitants des communautés frontalières de Gaza, ont manifesté à l’extérieur de la zone désignée pour la conférence, et ont décrié l’organisation de l’événement dans cette zone alors que des otages – 101 à ce jour -, dont des habitants de la région, étaient toujours retenus par le groupe terroriste palestinien du Hamas.
La police a empêché les manifestants d’entrer dans la zone de conférence.
L’événement, baptisé conférence « Préparer la réimplantation de Gaza », était organisé par Nachala, une organisation qui promeut depuis des années le rétablissement des implantations en Cisjordanie et préconise désormais des initiatives similaires à Gaza.
La conférence a été marquée par le dynamisme et l’ardeur caractéristiques de la communauté des résidents d’implantations, des musiciens tels qu’Aharon Razel ayant assuré la bande-son de quelques danses effrénées ponctuant les discours politiques.
L’événement a été suivi en grande majorité par des membres de la communauté sioniste-religieuse, dont beaucoup sont venus des implantations de Cisjordanie pour la journée. Certains ont installé des souccot, des cabanes construites à l’occasion de la fête de Souccot, dans la nuit de dimanche à lundi et ont dormi sur place avant la conférence.
Des ateliers ont été organisés par des militants pro-implantations associés à Nachala pour donner des instructions sur la façon de construire de nouvelles implantations à partir de rien, comme Nachala l’a fait à maintes reprises, notamment en établissant l’avant-poste illégal d’Evyatar dans le nord de la Cisjordanie, qui a récemment été légalisé par le gouvernement.
Outre Nachala, les partis ultra-nationalistes HaTzionout HaDatit et Otzma Yehudit ont également participé à l’organisation de la conférence, tandis que le Likud a envoyé une délégation d’une dizaine de députés.
Il s’agissait de la deuxième conférence de ce type organisée cette année. Un événement similaire, organisé par Nachala à Jérusalem en janvier, avait suscité une condamnation internationale.

« Si nous le voulons, nous pouvons nous réinstaller à Gaza », a déclaré Ben Gvir dans un discours bref mais central depuis la tribune de la conférence, organisée en face du corridor de Netzarim, qui scinde le centre de la bande de Gaza.
« Nous pouvons [également] faire autre chose : encourager l’émigration. À dire vrai, c’est la solution la plus éthique et la plus juste », a-t-il ajouté, tout en précisant que cela ne devait pas se faire « par la force » et qu’il fallait informer aux Gazaouis qu’Israël leur « donnait la possibilité » d’aller dans d’autres pays.
« La Terre d’Israël est à nous », a-t-il déclaré.
Écrivant sur le réseau social X alors qu’il se rendait à la conférence, Smotrich a déclaré que les territoires abandonnés par Israël dans le passé s’étaient transformés en « bases terroristes avancées iraniennes » et mettaient le pays en danger, en référence au désengagement unilatéral de Gaza en 2005.

« La conférence d’aujourd’hui s’inscrit dans le cadre d’un processus public de sensibilisation et de mobilisation [du peuple], et vise à promouvoir un processus pratique d’implantation pionnière et sioniste », a-t-il écrit.
Il a toutefois fait remarquer que le débat national sur la reconstruction des implantations à Gaza était pertinent « pour le lendemain de la guerre », qui serait décidé « selon les voies démocratiques normales ».
Plus tôt dans la journée, la cheffe de Nachala, Weiss, était allée encore plus loin, appelant essentiellement au nettoyage ethnique de Gaza en proclamant que la population palestinienne avait « perdu son droit » d’y vivre.
« Les guerres entraînent le terrible problème des réfugiés. Le 7 octobre [2023] a changé l’Histoire, à la suite des massacres brutaux, les Arabes gazaouis ont perdu leur droit d’être ici ; ils ne resteront pas ici, ils iront dans différents pays, nous persuaderons le monde », a assuré Weiss, une militante de longue date de la campagne pour la construction d’implantations en Cisjordanie et à Gaza.

« Nous sommes venus ici pour nous réinstaller dans toute la bande de Gaza, du nord au sud, et pas seulement une partie », a-t-elle ajouté en référence à l’objectif de la conférence elle-même.
Weiss a indiqué que Nachala avait mis en place six « groupes de résidents d’implantations » comprenant un total de 700 familles « qui sont prêtes dès maintenant » à établir de nouvelles implantations à Gaza, dès que l’occasion se présentera.
Dans un discours décousu attaquant les médias, les progressistes et d’autres opposants présumés de la droite politique, la ministre Golan a déclaré que « leur prendre des territoires est ce qui leur fait le plus mal » et a insisté sur le fait que « les implantations en Judée et Samarie [la Cisjordanie] ont apporté la sécurité » à Israël.
Prenant la parole après Weiss, Kallner, membre de la ligne dure du Likud, a déclaré que « les implantations sont une victoire totale », ajoutant que « ce qu’ils considèrent comme Dar Islam [la Maison de l’Islam] deviendra Dar Yahud [la Maison des Juifs] » et insistant, comme Golan, sur le fait que les implantations amélioreraient la sécurité.

La rhétorique selon laquelle les implantations apporteraient une plus grande sécurité à Israël a été largement évoquée lors de la conférence, et relayée par Haïm Waltzer, résident actuel d’Evyatar en Cisjordanie, récemment légalisé, et ancien résident du Gush Katif à Gaza, qui a été évacué en 2005 dans le cadre du plan de désengagement de la bande de Gaza.
« La colonisation de la Terre est la mission de ma vie. La vraie raison est que Dieu nous l’a ordonné lorsqu’il nous a donné la Terre il y a 3 000 ans, comme c’est écrit dans la Bible », a déclaré Waltzer.
« Une autre raison pour laquelle nous voulons nous réinstaller à Gaza est que je crois que c’est la seule chose qui apportera la paix », a-t-il déclaré.
« Nous sommes une nation de paix, nous ne voulons que la paix. Mais je ne pense pas que nous ayons un partenaire pour la paix. La seule façon de faire régner le calme à Tel Aviv est de régler la question de Gaza – c’est la seule façon pour eux de se sentir vaincus. La seule chose qui leur importe, c’est la Terre. [La leur prendre] et s’y installer est la seule chose qui leur donnera l’impression que nous avons gagné et qu’ils ont été vaincus. »

À la question de savoir qui devrait gouverner la population palestinienne de Gaza si Israël se réinstallait sur ce territoire et l’annexait comme le souhaitent les partis ultra-nationalistes, Waltzer a approuvé la politique de Ben Gvir qui consiste à « encourager l’émigration ».
Oved Hugi, chef de la branche Yad Eliyahu du Likud à Tel Aviv et l’un des rares participants laïcs à cette conférence, a fait écho à Golan et Kallner en affirmant que seul le fait de dépouiller les Territoires palestiniens de Gaza aurait un effet dissuasif suffisant pour empêcher la poursuite du conflit contre Israël.
Hugi a préconisé de séparer le nord de Gaza du territoire côtier et d’attribuer ses terres aux kibboutzim et autres communautés israéliennes de la région frontalière de Gaza, à des fins d’implantation et de développement, ainsi que de maintenir le contrôle israélien sur le couloir stratégique dit de « Philadelphi », qui sépare l’Égypte de la bande de Gaza, afin d’empêcher le Hamas de se réarmer.
« Les Arabes doivent perdre des territoires pendant la guerre, pour qu’ils se souviennent qu’ils ont perdu. Pour un acte comme celui-ci [le pogrom du 7 octobre], ils doivent recevoir la punition de ‘la perte de territoire’ », a-t-il déclaré depuis la souccah du Likud installée pour l’événement.