Gallant reçoit un rapport pour une conscription « pratique et réalisable » des haredim
Rédigé par l'ancien chef de l'armée de l'air, il contient des recommandations à appliquer d'ici la fin de l'année, la guerre ayant révélé le besoin de troupes supplémentaires
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
Le ministre de la Défense Yoav Gallant a reçu mardi un long rapport exposant la manière dont le pays pourrait efficacement enrôler et intégrer les membres de la communauté ultra-orthodoxe au sein de l’armée israélienne.
Le document de 49 pages (en hébreu) a été rédigé par une équipe dirigée par l’ancien commandant de l’armée de l’air israélienne, le général de division (Rés.) Eliezer Shkedi, à la demande de Gallant.
L’équipe a été créée en décembre, suite à « l’identification de la volonté des membres de la société ultra-orthodoxe de servir dans Tsahal après les événements du 7 octobre », a indiqué le ministère de la Défense dans un communiqué.
Le rapport vise à apporter une solution « pratique et réalisable » à la question de la conscription des ultra-orthodoxes, en faisant fi des tentatives actuelles du gouvernement de légiférer sur un nouveau projet de loi.
Les recommandations du rapport comprennent la création d’une nouvelle base de formation initiale pour les nouvelles recrues haredies ; l’introduction de nouveaux outils pour mieux catégoriser les recrues haredies afin de leur permettre de servir dans n’importe quelle unité de l’armée en fonction de leurs « compétences et désirs », plutôt que de les limiter à une poignée de rôles ; l’apport d’une aide financière aux jeunes haredim qui ne sont pas soutenus par leurs familles ; l’identification des haredim qui ont dépassé l’âge du sursis mais qui possèdent des compétences uniques dont l’armée a besoin ; le retrait du statut de déserteur aux haredim qui souhaitent revenir et servir, ainsi qu’à ceux qui ont été dispensés de service sous de faux prétextes ; et enfin, la mise en place d’un programme permettant aux hommes ultra-orthodoxes de s’intégrer dans le monde du travail après leur service militaire.
Le ministère a déclaré que l’équipe de Shkedi a travaillé pendant des mois sur le rapport, au cours desquels elle a rencontré « des rabbins et des dirigeants des différentes sectes de la communauté ultra-orthodoxe » ainsi que des commandants de Tsahal et des hommes haredim qui ont exprimé leur volonté de servir.
Lors d’une conférence de presse, Shkedi a fait savoir que l’équipe recommandait que le plan soit mis en œuvre d’ici la fin de l’année, tout en notant que certaines des recommandations avaient déjà commencé à être mises en œuvre à titre expérimental.
L’ancien chef de l’armée de l’air a souligné la nécessité « aiguë » d’enrôler les Israéliens ultra-orthodoxes, en particulier depuis le 7 octobre. « On ne saurait trop insister sur l’importance de cette question pour l’État d’Israël et pour le peuple juif », a-t-il déclaré.
Shkedi a indiqué que la conscription des hommes haredim serait un « grand privilège », mais qu’elle devait se faire de manière « respectueuse, accommodante et tolérante ».
Les femmes haredies et les étudiants des yeshivot sont généralement exemptés du service militaire en raison d’arrangements controversés de longue date.
En 2017, la Haute Cour de justice a abrogé l’exemption légale et a ordonné au gouvernement d’adopter une nouvelle loi sur la conscription. Depuis lors, le gouvernement peine à s’accorder sur une législation, et a prolongé à plusieurs reprises la politique de non-conscription, alors que les politiciens ultra-orthodoxes ont tenté de faire passer une législation qui cimenterait les exemptions.
De nombreux haredim estiment que l’étude de la Torah contribue à protéger le peuple juif et l’État, et que servir dans l’armée compromettrait la stricte observance de leur mode de vie et conduirait des membres de la communauté à « se détourner du droit chemin ».
Pour les Juifs laïcs, cette justification est largement perçue comme une tentative d’exempter du service militaire un groupe qui refuse de s’intégrer dans la société.
Beaucoup de ceux qui s’enrôlent dans l’armée et qui sont comptés dans les statistiques comme des recrues haredies ont en fait quitté le monde ultra-orthodoxe ou sont issus des courants les moins rigoureux.
L’attaque du groupe terroriste palestinien du Hamas et la guerre qui s’en est suivie a entraîné une mobilisation massive des réservistes, amenant les commentateurs à noter qu’une nouvelle loi exemptant les membres de la société haredie était de moins en moins envisageable. Tsahal souhaiterait également allonger la durée du service des conscrits et des réservistes, en prévision d’une longue guerre dans la bande de Gaza.
En recevant le rapport, Gallant a déclaré qu’il était porteur de « bonnes nouvelles pour l’ensemble de la nation israélienne et pour les membres de la communauté ultra-orthodoxe en particulier », car il prévoit la possibilité pour ces derniers d’être enrôlés dans Tsahal tout en préservant leur mode de vie traditionnel.
« Alors que Tsahal se bat sur sept fronts, proches et lointains, pour maintenir la sécurité d’Israël… nous devons nous assurer que tous ceux qui sont nécessaires pourront être enrôlés », a-t-il déclaré.
Gallant a précisé que l’establishment de la Défense et Tsahal étudieraient le rapport et ses recommandations et « formulerait dans un court délai un plan de travail complet pour mettre en œuvre les conclusions. »
Le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Herzi Halevi, et le directeur général du ministère, Eyal Zamir, ont également reçu le rapport mardi.
La loi autorisant les exemptions générales du service militaire a expiré en juin 2023, et une résolution gouvernementale ultérieure ordonnant à Tsahal de ne pas appliquer la conscription à ces hommes malgré l’expiration est devenue caduque le 1er avril.
Le 28 mars, la Haute Cour a rendu une ordonnance provisoire stipulant que le financement par l’État des yeshivot ultra-orthodoxes pour les étudiants astreints à la conscription devait être gelé et qu’il n’existait plus de cadre juridique justifiant la non-conscription des haredim éligibles au sein de Tsahal.
Cette décision a posé un énorme problème politique au Premier ministre Benjamin Netanyahu et à sa coalition, car il ne dispose pas d’une majorité sans les partis ultra-orthodoxes, pour qui les exemptions générales du service militaire et le financement des yeshivot sont des priorités essentielles.
Le 2 juin, la Haute Cour doit entendre les plaidoyers sur les requêtes exigeant la conscription immédiate des étudiants des yeshivot. Le gouvernement était censé présenter à la Cour ses projets de lois visant à augmenter le taux de participation des ultra-orthodoxes avant le 1er mai, mais la Cour a accordé un délai supplémentaire après la non-présentation de propositions concrètes par le gouvernement.
L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.