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Général iranien tué par les Etats-Unis : l’Irak au bord du précipice

Les éliminations vendredi par les Etats-Unis du puissant général iranien Qassem Soleimani et du principal homme de l'Iran à Bagdad bousculent la donne

Le commandant des forces Al-Qods des Gardiens de la Révolution islamique, Qassem Soleimani. (Crédit : YouTube/BBC Newsnight)
Le commandant des forces Al-Qods des Gardiens de la Révolution islamique, Qassem Soleimani. (Crédit : YouTube/BBC Newsnight)

Les éliminations vendredi par les Etats-Unis du puissant général iranien Qassem Soleimani et du principal homme de l’Iran à Bagdad bousculent la donne et placent désormais l’Irak au bord du précipice, selon des experts.

Le raid américain de la nuit « va déclencher une guerre dévastatrice en Irak », a réagi le Premier ministre démissionnaire irakien Adel Abdel Mahdi, en dénonçant une « agression » de Washington contre son pays et en laissant entendre que Bagdad pourrait remettre en cause la présence des 5 200 soldats américains stationnés dans le pays.

Avec la mort du général Soleimani et de son lieutenant irakien depuis des décennies, Abou Mehdi al-Mouhandis, Washington a décapité la chaîne de commandement des forces pro-Iran en Irak : le premier était le chef de la force Al-Qods des Gardiens de la Révolution, spécifiquement en charge des affaires irakiennes. Quant au second, il était le véritable patron du Hachd al-Chaabi, une coalition de paramilitaires désormais intégrée à l’Etat irakien.

Signe de la paralysie du pays, écartelé entre ses deux grands alliés, l’Etat irakien est jusqu’ici resté silencieux – seule la coalition des pro-Iran s’est exprimée –, tandis que les déclarations se multiplient à Washington et Téhéran.

Longtemps aux abonnés absents face à la révolte populaire qui secoue depuis trois mois l’Irak, Washington a repris la main militairement, en visant celui – le général Soleimani – qui présidait aux négociations pour la formation d’un futur gouvernement irakien préservant ses intérêts.

Dimanche dernier, déjà, des avions américains avaient bombardé « la troisième force de « l’axe de résistance iranien au Moyen-Orient », les brigades du Hezbollah, faction irakienne membre du Hachd, faisant 25 morts et détruisant des stocks d’armes.

Quelques jours plus tard, un responsable américain avait annoncé à l’AFP que Washington enverrait « jusqu’à 4 000 soldats supplémentaires », pour partie au Koweït, « très probablement » pour entrer en Irak ensuite.

« Meilleure carte »

Et tôt vendredi, trois jours après une attaque inédite contre l’ambassade américaine à Bagdad par des milliers de combattants et de partisans du Hachd, ces mêmes avions ont visé plus précisément encore : ils ont pulvérisé les voitures dans lesquelles se trouvaient plusieurs hauts commandants de cet « axe de la résistance ».

« Personne n’imaginait même que c’était une possibilité. Maintenant, tous les acteurs vont improviser, au moins à court terme, et c’est la recette parfaite pour des mauvais calculs », met en garde Ramzy Mardini, chercheur au United States Institute of Peace.

Face à cette « escalade extrêmement dangereuse », selon les termes du ministre iranien des Affaires étrangères Mohammed Javad Zarif, se pose prioritairement la question de la réponse de Téhéran.

« L’Iran ne peut pas réellement toucher les Etats-Unis sans risquer l’autodestruction. Mais il peut mettre l’Irak à feu et à sang », dit le spécialiste de l’Irak, Fanar Haddad.

Quand ? Comment ? Il est difficile de prévoir qu’elle pourrait être la réponse de l’Iran à la mort de l’une de ses figures les plus populaires, car il n’existe aucun précédent.

Mais une chose est sûre, assure à l’AFP M. Marzini, l’affrontement est désormais frontal.

« L’Iran ne peut plus utiliser ses lieutenants en Irak comme une couverture pour menacer et attaquer les intérêts américains sans risquer des représailles conventionnelles », affirme-t-il.

Depuis des années, Bagdad met en garde contre la possibilité que ses deux grands alliés ne se servent de son sol comme d’un champ de bataille où régler leurs comptes, dans un contexte de plus en plus tendu autour du dossier nucléaire iranien.

Et, aujourd’hui, explique M. Haddad à l’AFP, « les meilleures cartes de l’Iran sont en Irak » : « si l’Iran a besoin de répondre et de marquer le coup, ce qui est à redouter, ce ne sera pas seulement avec des roquettes contre des ambassades mais avec ce qui pourrait prendre la forme d’un conflit majeur en Irak », avance-t-il.

« Comment ont-ils su ? »

En face, les Etats-Unis, qui ont renversé en 2003 Saddam Hussein pour installer un nouveau système politico-sécuritaire désormais noyauté par Téhéran, semblent chercher à « réorienter la politique irakienne », relève ce spécialiste.

« S’ils n’y parviennent pas, cela pourrait mener l’Irak sur la voie de luttes intestines, ce que l’Iran peut très facilement instiller. »

Déjà, la montée en puissance des pro-Iran et l’attaque de l’ambassade américaine à Bagdad ont attesté de la difficile position de l’Irak vis-à-vis de son appareil sécuritaire et de ses partenaires diplomatiques.

Dans l’immédiat, prédit Ranj Alaaldin, chercheur au Brookings Institution de Doha, des « purges » pourraient avoir lieu en Irak après la mort de deux des hommes les plus puissants du pays.

Deux hommes qui, visiblement, se sentaient assez en sécurité jusqu’ici pour se déplacer au sein du même convoi dans un aéroport où forces de sécurité et compagnies privées tiennent des barrages à intervalles réguliers.

« L’Iran va avoir beaucoup de questions à poser aux Irakiens : comment les Etats-Unis ont-ils su pour l’arrivée de Soleimani à Bagdad ? Qui a fait fuiter l’information ? », note M. Alaaldin.

Vendredi, avant même que le jour se lève sur Bagdad, un ex-chef des Gardiens de la révolution a donné le ton, appelant à la « vengeance » contre les Etats-Unis.

Puis le guide suprême a joint sa voix contre les « criminels qui ont empli leurs mains du sang » du général et des « autres martyrs ».

De son côté, l’ambassade américaine à Bagdad, attaquée mardi par des pro-Iran, a appelé vendredi matin, quelques heures après le raid, ses ressortissants à quitter l’Irak « immédiatement ».

La chancellerie appelle les Américains en Irak à partir « par avion tant que cela est possible », alors que le raid a eu lieu dans l’enceinte même de l’aéroport de Bagdad, « sinon vers d’autres pays par voie terrestre ». Les principaux postes-frontières de l’Irak mènent vers l’Iran et la Syrie en guerre, alors que d’autres points de passage existent vers l’Arabie saoudite et la Turquie.

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