Gilets jaunes : Korsia appelle les juifs à réciter la prière pour la République
Plus de 350 interpellations ont déjà eu lieu à Paris où un dispositif de sécurité exceptionnel est déployé pour éviter les scènes de guérilla urbaine du weekend dernier
Le Grand Rabbin de France a adressé vendredi un courriel à l’ensemble du corps rabbinique à la veille des nouvelles manifestations des gilets jaunes, ce samedi.
Retranscrit ici :
« En cette veille de Chabbat et de nouvelles manifestations qui s’annoncent potentiellement violentes, je vous invite à faire de ce temps de prières hebdomadaires un moment particulier de ferveur et de convivialité.
Je vous saurai gré de réciter la prière pour la République Française avec une intensité singulière.
Je vous souhaite hanoucca sameah, chabbat chalom et hodech mevorah, car la conjugaison de Hanoucca et d’un nouveau mois qui commence sont le signe que les horizons les plus obscurs peuvent devenir lumineux en un instant, si nous savons rester fidèles à nous-mêmes et à nos valeurs. »
L’organisation radicale Ligue de défense juive (LDJ) a appelé les fidèles à une « extrême vigilance » ce samedi, affirmant se tenir « prête et à intervenir si nécessaire, » ajoutant que des casseurs avaient appelé à « casser du juif ».
La synagogue du Beth Habad a indiqué qu’il n’y aurait pas d’offices samedi matin et samedi soir en prévision de la manifestation sur les Champs Elysées « afin de protéger la communauté ». En revanche, l’office et le repas de vendredi ont été maintenus.

Paris Match a mis jeudi en Une, sans savoir qui il était, un « gilet jaune » qui s’est avéré être l’auteur antisémite Hervé Ryssen, face à un gendarme mobile, une couverture « consternante » pour la Licra.
Hervé Lalin (dit Ryssen), ex-membre du Front National, a été condamné à de la prison à plusieurs reprises pour des messages antisémites, sur les réseaux sociaux, son blog ou dans ses livres.
« Cette photographie fortuite révèle néanmoins l’infiltration du mouvement des gilets jaunes par les extrémistes, notamment, de l’ultra-droite. C’est ainsi que cet individu s’est retrouvé en couverture de notre magazine », poursuit Olivier Royant, rappelant que le magazine du groupe Lagardère combat « sans ambiguïté (…) toutes les formes de racisme et d’antisémitisme ».
« Tout le monde l’avait identifié, sauf Paris Match, apparemment », a condamné l’historien de la presse Christian Delporte sur Twitter. » En toute responsabilité, (…) ce numéro devrait aller au pilon ».
« Les gilets jaunes auront donc permis à un négationniste antisémite, admirateur de Faurisson, de faire la couverture de Paris-Match par effraction », a regretté de son côté la reporter du Monde Ariane Chemin.
L’ultra-droite et l’ultra-gauche jouent un « rôle négatif » dans la crise des « gilets jaunes » au niveau national, a dénoncé jeudi le maire LR de Toulouse Jean-Luc Moudenc qui a mis en garde « ceux qui sont approchés par ces manipulations (…) extrêmemement nocives ».
« L’ultra-droite et l’ultra-gauche sont des ennemis de la République, ils sont là pour utiliser les peurs, pour les détourner à des fins politiques et c’est vrai qu’ultra-droite et ultra-gauche jouent un rôle négatif dans cette crise au niveau national », a-t-il indiqué lors d’une rencontre avec la presse.
Après les graves violences de samedi à Paris, le préfet de police Michel Delpuech avait accusé « des groupuscules d’extrémistes d’ultra-droite et d’ultra-gauche » mais aussi « un très grand nombre de manifestants portant un gilet jaune », qui n’ont pas hésité « à se livrer à des violences injustifiables ».

8 000 membres des forces de l’ordre seront ainsi mobilisés dans la capitale. Une cellule de crise sera activée et 2 000 éléments de mobilier urbain ont été démontés, a précisé Anne Hidalgo, la maire de Paris, l’une des villes les plus visitées du monde.
Plusieurs pays inquiets pour la sécurité de leurs ressortissants
« Ne vous mêlez pas aux discussions et autres polémiques », « ne pas s’arrêter pour faire des photos ou des vidéos » : plusieurs pays européens ont conseillé la prudence à leurs ressortissants de crainte de nouvelles violences ce week-end à Paris, tandis que les Américains sont encouragés à faire « profil bas ».
Et si la plupart des capitales se bornent à des appels à ne pas s’exposer, certains Etats incitent carrément à remettre à plus tard des visites prévues pour ce samedi et dimanche dans la capitale française en raison de la fronde des « gilets jaunes ».
https://twitter.com/SimonAzelie/status/1071192736206897152
La République tchèque demande ainsi à ses citoyens de « ne voyager à Paris que si c’est absolument nécessaire » et le Portugal d' »éviter les déplacements inutiles à Paris le 8 décembre ».
A Bruxelles, le ministère des Affaires étrangères va plus loin, recommandant sur son site internet aux Belges de « reporter leur séjour ». Ceux qui ne pourraient pas le faire sont exhortés à prendre des « mesures de précaution », en particulier à se tenir à l’écart des « lieux symboliques » et des « zones touristiques ».
La Belgique déconseille par ailleurs d’aller en voiture dans le centre de la capitale française où « beaucoup de feux de signalisation sont endommagés », ce qui occasionne « parfois une circulation chaotique ». Elle suggère en outre de prévoir « assez de carburant » pour tout le trajet et de garer les véhicules « dans les parkings souterrains et non dans les rues (même pour un laps de temps très court) ».
A Madrid, les autorités ne sont pas non plus avares de conseils détaillés, dont « s’éloigner immédiatement des éléments violents rencontrés accidentellement (ne pas s’arrêter pour faire des photos ou des vidéos) pour ne pas se retrouver pris involontairement dans de possibles situations de confrontation avec les forces de l’ordre ».

Les Allemands sont quant à eux simplement appelés à « se comporter avec prudence », en « évitant les manifestations » et « les rues impraticables », tout comme les Italiens, auxquels il est « recommandé de faire preuve de la plus grande prudence, d’éviter les zones des manifestations, de suivre les instructions des autorités locales et si possible de limiter les sorties ». « En particulier à Paris, il est conseillé d’éviter de se rendre dans le centre-ville », a ajouté le ministère des Affaires étrangères à Rome.
« La violence peut être utilisée. Soyez vigilant et évitez les endroits où se déroulent les manifestations », mettent également en garde les Pays-Bas. La France y conserve cependant un « code vert », ce qui signifie qu’il n’y a « aucun risque particulier pour la sécurité ».
De même, les voyageurs turcs se rendant en France sont exhortés depuis le 2 décembre à « se tenir éloignés » des lieux où se déroulent les manifestations et à rester à bonne distance des endroits pouvant s’avérer dangereux, « surtout à Paris ».
L’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et Bahrein ont émis une mise en garde similaire via leurs ambassades en France.
Le jeu du chat et de la souris. Une centaine de gilets jaunes, masqués sous un porche, déboule devant l’Olympia et se retrouve encerclée par des CRS. Situation bloquée, mais pacifiste. #giletsjaunes pic.twitter.com/79Y4elEdrZ
— Benjamin Ferran (@benjaminferran) December 8, 2018
Quant au ministère britannique des Affaires étrangères, s’il conseille de se tenir à l’écart des manifestations de samedi, comme il l’avait déjà fait la semaine dernière, il rappelle que des actions de protestation sont aussi prévues pour le 8 décembre dans la capitale belge où, notamment, « la police locale pourrait limiter ou interdire l’accès à la zone autour du Parc de Bruxelles ».
Le 30 novembre, une manifestation de 300 « gilets jaunes » belges avait dégénéré dans cette ville, où deux véhicules de police avaient été incendiés, et un nouveau rassemblement y est attendu ce samedi.
Une grande partie des Français et notamment les Parisiens retiennent leur souffle dans la crainte de la répétition d’affrontements violents qui ont choqué dans le pays et à l’étranger et dont les images ont fait le tour de la planète.
Nombre de musées, dont celui du Louvre, des grands magasins, la Tour Eiffel ont été fermés à Paris. De nombreux commerces, notamment dans l’ouest parisien qui concentre les lieux de pouvoir, ont été barricadés avec des panneaux de bois.

Le 1er décembre avait été marqué dans la capitale par de violents affrontements entre manifestants et policiers, notamment autour de l’Arc de Triomphe, un des monuments emblématiques de la France, qui avait été dégradé. Barricades enflammées, pillages de commerces, saccages d’agences bancaires, nuages de gaz lacrymogène pour tenter de disperser « gilets jaunes » et « casseurs » : plusieurs quartiers du centre de Paris avaient été plongés dans le chaos.
Quelque 354 personnes ont déjà été interpellées dans la matinée à Paris, a indiqué la préfecture de police. Parmi eux, au moins 127 ont été placées en garde à vue.
Les autorités ont renforcé les contrôles dans les gares et pratiquent la fouille systématique aux abords des lieux de manifestation. Pas moins de 89 000 membres des forces de l’ordre sont mobilisés en France pour cette journée, dont 8 000 à Paris.
Le gouvernement a multiplié les appels au calme et plusieurs figures des « gilets jaunes » ont appelé à défiler pacifiquement.

Denis, 30 ans, cariste, est venu manifester à Paris. Il fait partie d’un groupe de « gilets jaunes » de Caen (nord-ouest) où il a participé à plusieurs blocages. Il dit s’être fait contrôler trois fois samedi matin. « Le but, c’est d’aller à l’Elysée ! », lance-t-il à l’AFP, disant manifester pour l’avenir de son fils de 15 mois et ne pas arriver à joindre les deux bouts avec son salaire de 1 600 euros par mois.
Sur la célèbre avenue des Champs Elysées, également théâtre de violences et dégradations samedi dernier, plusieurs milliers de « gilets jaunes » ont commencé à se rassembler, certains arborant des drapeaux français, a constaté une journaliste de l’AFP.
Le signe de reconnaissance des manifestants, qui a donné son nom au mouvement, est le gilet jaune fluorescent de signalisation que chaque conducteur doit avoir dans son véhicule.
Ces Français issus majoritairement des classes populaires et classes moyennes sont notamment excédés par la politique fiscale et sociale du gouvernement d’Emmanuel Macron, qu’ils jugent injuste et qu’ils dénoncent depuis trois semaines, manifestant et organisant des barrages filtrants et sit-in (parfois tenus jour et nuit) à travers le pays.
Le recul du gouvernement sur la hausse des taxes sur le carburant, revendication première des « gilets jaunes », n’a pas permis d’apaiser un mouvement particulièrement défiant à l’égard des élites politiques et des partis politiques traditionnels auxquels ils disent ne plus croire.

Ce mouvement déstructuré, évoluant hors des cadres établis, n’a pas de véritable leader, rendant épineuses les tentatives de négociation du gouvernement avec lui. La mobilisation des « gilets jaunes » est aussi devenue le creuset de plusieurs autres contestations, notamment des lycéens qui ont manifesté et bloqué des établissements ces derniers jours à travers le pays.
L’exécutif en a appelé au sentiment républicain des Français, montrant son inquiétude face à un éventuel risque de situation insurrectionnelle.
De nombreuses restrictions de la circulation automobile ont été décidées pour samedi. A Paris, des dizaines de stations de métro sont fermées, de lignes d’autobus déviées, de stations de vélo en libre-service désactivées.
Une délégation de « gilets jaunes » a été reçue vendredi soir par le Premier ministre Edouard Philippe. Le chef du gouvernement français « est conscient de la gravité de la situation », a déclaré un des membres de la délégation, Benjamin Cauchy.
« Le Premier ministre nous a écoutés et a promis de porter nos revendications au président de la République. Maintenant nous attendons M. Macron », a dit un autre participant, Christophe Chalençon.

Le pouvoir d’achat des salariés, le transport, le logement, la fiscalité et l’accessibilité des services publics sont les cinq thèmes de concertation identifiés par les partenaires sociaux et le gouvernement.
Sur les réseaux sociaux, certains mots d’ordre évoquent clairement un changement de régime ou un départ du président Emmanuel Macron, devenu très impopulaire et régulièrement accusé par ses détracteurs d’être le « président des riches ».
Vingt-huit cocktails Molotov « prêts à l’emploi » et trois bombes artisanales ont été saisis vendredi sur un rond-point occupé par des « gilets jaunes », à Montauban, ont annoncé dans un communiqué commun le préfet du Tarn-et-Garonne et le procureur de la République.
Deux hommes étaient en garde à vue dans la soirée, a-t-on appris auprès de la préfecture. Une enquête a été ouverte par le procureur de Montauban pour « transport de substances ou produits explosifs, les peines encourues pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement », soulignent les autorités.
« On barricade tout pour demain » : planches de bois sur les vitrines, monuments fermés, départs à la campagne…
« On nous a demandé de ramasser tout ce qui traînait, tout ce qui pourrait servir d’armes », explique Aziz, un agent du service propreté de la mairie de Paris, qui charge de la ferraille à l’intérieur de son camion garé dans une rue proche des Champs-Elysées.
Plus loin, deux autres de ses collègues démontent les grilles en fonte qui entourent les arbres du très chic boulevard Malesherbes, envahi le 1er décembre par des casseurs.
« Vous imaginez, si quelqu’un reçoit ça en pleine tête ? », s’inquiète l’un deux.
Sur le boulevard Malesherbes, Louise, gardienne d’un immeuble haussmannien, rentre des poubelles dans sa cour.
« Nous sommes nombreux dans l’immeuble à partir à la campagne », explique cette femme qui se dit « fatiguée » d’être confinée dans son appartement pour le troisième samedi consécutif.
« La semaine dernière, on a eu très peur que la voiture brûle, là au moins on part avec », explique-t-elle, de nombreux véhicules ayant été incendiés la semaine dernière.
A quelques numéros de là, un menuisier s’affaire. « On barricade tout pour demain », explique Denis Thibaudet, qui fixe des panneaux en bois pour protéger les vitrines d’une boutique de champagne.

Un millier de « gilets jaunes » défilent à Marseille
Un millier de « gilets jaunes » ont défilé samedi matin à Marseille depuis le Vieux Port vers la préfecture de région, précédés d’une dizaine d’ambulanciers qui ont rejoint le mouvement avec leurs véhicules, gyrophares allumés, a constaté l’AFP.
« On n’est pas là pour casser, on doit défiler à visage découvert. Si on en voit qui cassent, ils seront sortis. Nos revendications qu’on a tous, salariés, retraités, chômeurs, chef d’entreprise de PME ou de PMI, c’est notre pouvoir d’achat, et c’est qu’on soit respecté, qu’on nous écoute. On veut vivre dignement, c’est tout », a déclaré à la foule Viva Noé, responsable d’une page Facebook « Stop au racket Méditerranée », juchée sur un plot en béton avant le départ du cortège.
Certains manifestants lui ont répondu qu’il ne souhaitaient pas condamner d’éventuelles violences.
Sylvia Paloma, 70 ans, est venue défendre ses droits de retraitée, un gilet jaune siglé « Macron, démissionne, fais pas le con » sur le dos et un bonnet phrygien sur la tête. « Arriver à notre âge et demander l’aumône c’est pas possible ! Il faut qu’il partage un peu, il faut que Macron, au lieu de se cacher, parle ouvertement. Qu’il dise ‘je vous entends, je vous ai compris, d’abord la France les autres après ! », lance-t-elle, un slogan qui fait penser à celui de l’Américain Donald Trump – l’Amérique d’abord. « C’est la première fois que je manifeste. Je touche 1 248 € de retraite et c’est mes quatre enfants qui doivent m’aider », explique cette ancienne fonctionnaire territoriale.

Thomas Lefeuvre, 24 ans, père d’un enfant, défile, un bouquet de fleurs d’oiseaux de paradis à la main : « c’est en hommage aux guerriers pacifiques qui montent aujourd’hui à Paris », explique cet horticulteur. « J’attends une réponse du président, on veut des référendum d’initiative citoyenne. Avec Internet, on n’a plus besoin de députés. On peut tous voter par référendum », affirme-t-il.
Il dit gagner 1 300 € par mois en travaillant « 45 heures par semaine » et avoir du mal à joindre les deux bouts. Il a suivi la campagne de Jean-Luc Mélenchon pendant la présidentielle mais ne se sent aujourd’hui proche d’aucun parti. Mélenchon « c’est juste le roi des opportunistes », lance-t-il.
Quelque 600 policiers étaient mobilisés samedi dans les Bouches-du-Rhône, selon la préfecture de police.
Macron, au coeur de la crise mais invisible
Tous les regards se tournent vers lui mais il ne parlera pas avant la semaine prochaine: Emmanuel Macron a choisi de rester silencieux et quasiment invisible toute la semaine, cherchant à l’Élysée une sortie à la crise qui menace la suite de son quinquennat.
Lancés par des « gilets jaunes », les oppositions et parfois des élus de la majorité, les appels se sont multipliés ces derniers jours pour que le chef de l’État s’exprime devant les Français.
Mais, « lucide sur le contexte et la situation », le président « ne souhaite pas mettre d’huile sur le feu et par conséquent n’a pas l’intention de s’exprimer avant samedi », a annoncé vendredi le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand à l’AFP.
Il sera « amené à s’exprimer » en « début de semaine prochaine », a-t-il ajouté.
Emmanuel Macron « sait qu’il est ciblé personnellement » par les « gilets jaunes » et donc que ses propos sont susceptibles d' »attiser la colère des plus radicaux », souligne un membre de la majorité.
Le rejet de sa personne est en effet devenu l’un des moteurs de la contestation, avec le mot d’ordre « Macron démission » repris en coeur dans les rassemblements.
À l’Élysée, la crise est l’unique sujet de préoccupation du président, qui a vidé son agenda officiel, notamment en annulant une visite de deux jours en Serbie, pour multiplier les réunions et les consultations, selon son entourage.
Il accorde une attention toute particulière aux questions sécuritaires après les violences de samedi dernier. Il a ainsi constaté les dégâts autour de l’Arc de Triomphe, déjeuné avec des CRS dans une caserne parisienne avant d’effectuer mardi une visite surprise à la préfecture incendiée du Puy-en-Velay. En l’absence, à chaque fois, des caméras et des journalistes.
Mais face à une telle défiance, Emmanuel Macron « va devoir trouver les mots pour non seulement mettre fin à la crise mais aussi relancer de zéro ou presque son quinquennat », résume un membre de la majorité.