Gur Blaï exhorte à assouplir le projet de loi sur le « caractère raisonnable »
Les députés de la coalition ont attaqué Baharav-Miara lors du débat sur la "raisonnabilité" ; une députée de l'opposition a dénoncé la "vision fasciste" de Rothman
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Le procureur général adjoint a déclaré mercredi que le projet de loi de la coalition visant à interdire le contrôle judiciaire des décisions administratives des élus est « extrémiste » et cause « un préjudice très grave et des dommages multisystèmes », lors d’une prise de parole à la commission de la Knesset qui prépare le projet de loi pour ses deux derniers votes.
Le sous-procureur général chargé du droit administratif, Gil Limon, a déclaré que le projet de loi de la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice « est la proposition la plus extrémiste qui soit pour traiter des motifs de raisonnabilité – car il empêche toute discussion sur les motifs de raisonnabilité en relation avec toute décision prise par le gouvernement ou un ministre.
« Le projet de loi renverse complètement l’arrêt de la Cour suprême sur le caractère raisonnable », a-t-il déclaré, se référant aux opinions émises depuis les premiers jours de l’État.
Les commentaires de Limon ont été repris par le conseiller juridique de la commission de la Knesset, Me Gur Blaï, qui a conseillé au panel d’amender le projet de loi – en hébreu – de 52 mots pour qu’il soit « plus limité et prudent », parce qu’il représente la mesure la plus « radicale » du caractère raisonnable parmi plusieurs propositions qui ont été publiquement présentées.
Le président de la commission, le député Simcha Rothman du parti d’extrême-droite HaTzionout HaDatit, s’est engagé à respecter le délai que s’est imposé la coalition pour finaliser cet amendement à l’une des Lois fondamentales quasi-constitutionnelles d’Israël dans les deux semaines et demie à venir, avant les congés d’été de la Knesset.
Rothman, l’un des principaux architectes du projet de réforme judiciaire de la coalition visant à accroître le pouvoir politique au détriment des contrôles judiciaires, a d’emblée rejeté les commentaires de Me Blaï.
« Le plénum a dit ce qu’il pense », a déclaré Rothman à Me Blaï, arguant que le fait que le projet de loi ait passé sa première des trois lectures requises à la Knesset mardi matin signifie qu’il bénéficie d’un « large soutien » dans sa formulation actuelle.
Il est habituel et attendu que les projets de loi soient modifiés, souvent de manière substantielle, au cours du processus de préparation de la commission entre leur première lecture et leurs deuxième et troisième lectures, qui se font souvent par deux votes consécutifs.
Dans les faits, certains membres de la coalition du parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, le Likud, ont pris la parole pour dire que le projet de loi serait probablement modifié. Le Premier ministre avait précédemment ordonné à Rothman d’assouplir le projet de loi, spécifiquement pour qu’il ne s’applique clairement pas aux élus municipaux.
Selon son texte actuel, le projet de loi bloquerait complètement le contrôle judiciaire ou la discussion du « caractère raisonnable » des décisions et des nominations faites par le cabinet, les ministres individuels et « les autres élus, conformément à la loi ».
Rothman a déclaré que tel qu’élaboré, le projet de loi ne protège pas les élus municipaux du contrôle judiciaire, car ils n’ont pas été « désignés dans le cadre de la loi ». En partant de ce postulat, il ne voit aucune raison de modifier l’essence du projet de loi ni de supprimer la clause « autres élus ».
Limon a déclaré que, même en excluant les responsables municipaux, le projet de loi accordera l’immunité à la plupart des élus les plus puissants du pays.
« C’est précisément le signe qui souligne que l’exemption du devoir de ‘raisonnabilité’ est accordée à un petit groupe de personnes, et précisément à ceux qui détiennent le plus grand pouvoir gouvernemental et la plus large influence sur le public », a-t-il déclaré.
« Le caractère raisonnable est l’une des garanties que les gardiens de l’autorité ne prendront pas de décisions sur nos intérêts politiques et l’un des piliers de l’indépendance des autorités », a ajouté Limon.
« Sans ‘caractère raisonnable’, chaque responsable sait que sa prochaine décision peut être la dernière », car il pourrait être limogé par le gouvernement ou par un ministre sans crainte d’avoir à expliquer le ‘caractère raisonnable’ de cette décision au tribunal. »
L’un des gardiens de l’autorité les plus éminents du secteur public, la procureure générale Gali Baharav-Miara, a fait l’objet d’une attaque spécifique de la part de Rothman lors de la discussion de mercredi matin.
Limon a expliqué qu’une partie du rôle de procureur général est de « représenter l’intérêt public au sens large », ce à quoi Rothman a réagi. « Je ne connais pas un tel rôle », affirmant qu’il ne savait pas où il était défini par la loi.
Des cris ont éclaté du côté de l’opposition et la députée Orit Farkash-Hacohen (HaMahane HaMamlahti) a déclaré qu’il est « honteux que [Rothman] soit le président de la commission de la Constitution ».
« Peut-être que pour vous, les élus sont tout – à la fois policier et juge. Votre vision du monde est fasciste et corrompue », a-t-elle déclaré, s’adressant à Rothman.
Lors d’un autre incident, Limon a lu un message Facebook incendiaire dirigé contre Baharav-Miara écrit par la ministre de la Diplomatie publique Galit Distel Atbaryan, à propos duquel la députée Tally Gotliv (Likud), l’un des rares députés de la coalition présents à la commission, a déclaré que « chaque mot est correct ».
Distel Atbaryan a écrit le message mercredi, accusant Baharav Miara de « mener des essais cliniques » sur la population israélienne. Plus tôt cette semaine, la ministre a écrit sur Twitter que la procureure générale « faisait preuve d’un détachement alarmant de la réalité », « encourage le chaos et l’anarchie » et « met des vies humaines en danger ».
Les commentaires de Rothman, Gotliv et Distel Atbaryan ont fait suite à une session du cabinet enflammée dimanche au cours de laquelle les ministres ont excorié Baharav Miara pour ce qu’ils ont qualifié d’application sélective contre les manifestants anti-réforme.
L’audience de mercredi est la deuxième de la commission, après que la Knesset a adopté, en première lecture, le projet de loi tôt mardi.
Plus tard dans la journée, le conseiller juridique du ministère des Finances, Asi Messing, a averti la commission que l’annulation du contrôle du « caractère raisonnable » des décisions des ministres pourrait transformer toutes les nominations de haut niveau au ministère en postes de confiance, ainsi que nuire aux considérations professionnelles.
Plus précisément, Messing a déclaré que la notion juridique du « caractère raisonnable » est l’un des principaux remparts contre une ingérence politique inappropriée dans le travail professionnel du ministère, y compris la réalisation de prévisions économiques.
« C’est un coup fatal porté au jugement indépendant de chaque haut fonctionnaire », a-t-il déclaré.